Eglises d'Asie

Un groupe de recherche formé de religieuses catholiques propose un ensemble de mesures afin de prévenir les écarts de conduite des prêtres en matière sexuelle

Publié le 18/03/2010




Depuis quelques mois, les questions relatives aux écarts de conduite en matière sexuelle d’une fraction du clergé catholique philippin font l’objet d’un débat à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise aux Philippines. Les évêques travaillent à la rédaction d’une charte qui sera “un engagement à la purification et au renouveau”, ainsi que l’exprimait en juillet dernier Mgr Orlando Quevedo, président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (1). En juin dernier, les évêques ont reçu un rapport commandé six mois plus tôt à la Commission pour le développement de la condition féminine (Women and Gender Development Commission) des Supérieurs religieux des Philippines. Ce rapport, rédigé par un ensemble de religieuses, documente vingt-neuf cas d’abus sexuels commis par des prêtres ou des évêques et propose plusieurs recommandations en vue de prévenir à l’avenir de tels abus.

Selon l’une des rédactrices du rapport, Sour Leonila Bermisa, des Sours de Maryknoll, interrogée par l’agence Ucanews (2) le 22 janvier dernier, la Commission s’est mise au travail sur ce sujet car les évêques, informés par elle en 2001 du cas de religieuses abusées par des prêtres, lui avait demandé une étude précise et documentée. Les faits rapportés par la Commission remontent à la première moitié de 2002. A partir d’un premier tri qui a permis de réunir 50 témoignages écrits, 29 cas ont été finalement retenus, chacun étant vérifié dans la mesure du possible et les victimes interrogées de vive voix. Selon la Commission, en utilisant les définitions du Code pénal philippin, onze des 29 cas peuvent être qualifiés de viol et treize de harcèlement sexuel.

Parmi les victimes féminines (21 cas sur 29), certaines sont des religieuses qui ont été harcelées sexuellement lorsqu’elles étaient jeunes religieuses par les fondateurs de leurs congrégations diocésaines respectives. Elles ont témoigné avoir quitté leurs congrégations parce que leurs supérieurs immédiats, craignant leurs fondateurs, ont étouffé leurs plaintes. Certaines ont ajouté que leurs supérieurs avaient tenté de les ramener à la paix en leur offrant des postes intéressants.

D’une façon générale, l’étude de la Commission indique que les victimes sont généralement issues de milieux pauvres et, étudiantes, recevaient une aide financière de la part des prêtres qui les ont abusées. D’autres travaillaient au service de prêtres (cuisinières, catéchistes, agents pastoraux ou sacristains).

Au sujet des relations sexuelles “consensuelles” entretenues entre des prêtres et des femmes, l’étude a trouvé que “même si ces relations étaient ‘consenties’ elles avaient souvent été commencées à l’initiative d’un prêtre exerçant des “pressions” sur leur victime. Selon Sour Bermisa, de telles relations trahissent “un abus de pouvoir et d’autorité”. Dans un archidiocèse du centre du pays, des paroissiens ont fait état des relations “durables” que leur prêtre entretenait avec des femmes. Toujours selon l’étude, des prêtres abritent de véritables familles dans les couvents dépendant de leur paroisse, une pratique tolérée par les paroissiens, car ces prêtres sont perçus “comme de bons prêtres, remplissant avec compétence leurs tâches”. Dans un diocèse, le pourcentage du clergé ayant des enfants atteindrait 35 %. Par ailleurs, l’étude affirme que deux évêques à la retraite ont entretenu des relations homosexuelles et qu’un évêque en activité abuse sexuellement de jeunes garçons.

L’étude s’est également intéressée aux conséquences pour les victimes des traumatismes subis, aux mesures que les victimes ont mises en ouvre pour s’en sortir et à l’aide qu’elles ont reçue des autorités ecclésiales ou autres. Une majorité de victimes a exprimé le souhait de recevoir une compensation financière de la part des prêtres impliqués ; d’autres veulent que ces prêtres soient retirés du ministère sacerdotal. Une victime, de sexe masculin, a déclaré vouloir des excuses publiques des deux prêtres ayant abusé de lui, lesquels sont devenus entre temps évêques.

Pour les auteurs de l’étude, les évêques qui se contentent de déplacer les prêtres coupables de comportements déviants en les envoyant à l’étranger ou dans un autre diocèse adoptent une attitude qui ne visent qu’à les mettre à l’abri d’une éventuelle action en justice mais, ce faisant, ne résolvent pas le mal. Déplacer un prêtre qui s’est mal conduit une fois ne fait que reporter le problème, ces prêtres, risquant, tels les marins, d’“avoir quelqu’un dans chaque port”. Sour Bermisa a précisé que les religieuses de la Commission demandaient aux évêques de revoir les fondements de la vocation de leurs prêtres et leur capacité à observer le vou de chasteté. Elles ont aussi recommandé qu’une étude exhaustive soit menée pour recenser les prêtres qui ont rompu leurs voux et sont devenus père de famille. De plus, les religieuses invitent leurs sours à être plus vigilantes – ce sont souvent à elles que les victimes cherchent à se confier en premier lieu – et à se faire mieux entendre des évêques. Enfin, elles invitent à la création de comités de doléances dans les paroisses et les diocèses pour recevoir les plaintes des victimes et souhaitent un contrôle accru des finances paroissiales à la disposition des prêtres.

Sour Bermisa a déclaré que l’étude remise à Mgr Quevedo contenait les noms des prêtres mis en cause afin que la Conférence épiscopale prenne ses dispositions. Le nom des prêtres et celui des victimes, ainsi que les demandes de ces dernières, ont également été transmis aux congrégations religieuses impliquées à un titre ou à un autre dans ces 29 cas.