Eglises d'Asie

Les victimes longtemps oubliées du soulèvement de Gwangju

Publié le 19/12/2018




Près de quarante ans après la dictature militaire de Chun Doo-hwan et la répression violente du soulèvement de Gwangju, en mai 1980, de nombreux témoignages remontent en Corée du Sud, ces derniers mois, à propos de violences et d’agressions contre de nombreuses femmes ayant pris part à la révolte. Le soulèvement, destiné à manifester l’opposition au gouvernement militaire, a été repoussé par l’armée qui a ouvert le feu, faisant plus de 600 morts. En novembre, Jeong Kyeong-doo, ministre sud-coréen de la Défense, a demandé pardon publiquement au nom du gouvernement et de l’armée coréenne.

Alors que la campagne #MeToo (#Balancetonporc) a fait le tour du monde, de nombreux Sud-Coréens ont voulu rappeler ce qu’ont enduré nombre de femmes pour s’être opposées, il y a presque quarante ans, au pouvoir du dictateur Chun Doo-hwan. Ils ont donc cherché à recueillir leurs témoignages. Parmi les victimes semblent se trouver une fille de dix ans et une femme enceinte. Ces dernières années, les autorités sud-coréennes ont demandé pardon pour ces événements, qui comprennent des actes de torture et des meurtres. Les dirigeants concernés, dont Chun Doo-hwan ainsi que plusieurs membres des forces de l’ordre, ont été condamnés. Durant ce qui est devenu le soulèvement de Gwangju, qui a éclaté le 18 mai 1980, de nombreux citoyens et étudiants de Gwangju, dans le sud du pays, ont voulu protester contre les autorités militaires. Le gouvernement a envoyé des troupes qui ont ouvert le feu sur les manifestants. Le nombre de victimes est estimé à plus de 600, durant les dix jours qu’a duré le soulèvement.

Lors d’un voyage à Gwangju, la commission Justice et Paix du diocèse de Hong-Kong (JPC) a rencontré plusieurs représentants des droits des femmes en Corée du Sud, qui ont recueilli les témoignages des femmes qui ont été victimes d’abus durant la révolte de Gwangju. Jackie Hung, chef de projet pour la commission JPC, confie que l’avancée des recherches est lente. Jackie explique que les autorités coréennes et les ONG ont continué de rassembler des informations sur le massacre de Gwangju, mais que les témoignages personnels de beaucoup de femmes ont été ignorés. Elle ajoute que cette situation reflète la persistance d’une certaine misogynie dans la société coréenne. Par conséquent, beaucoup de victimes ont dû souffrir en silence, de peur que leur témoignage ne soit pas reconnu. Mais en 2017, suite à l’éclatement de la campagne « #MeToo » à travers le monde, les événements semblent avoir encouragé les victimes coréennes de Gwangju à prendre la parole.

En mai 2017, Kim Sun-ok s’est ainsi confiée à un journaliste, en racontant le récit de son arrestation suite à sa participation au soulèvement, et des nombreuses tortures qui ont suivi. Plus tard, un officier l’a violée et elle est tombée enceinte. Face à la mentalité conservatrice de la société et à la réticence de sa fille, elle a caché son histoire durant de nombreuses années. En revanche, quand il a été rendu public, son récit a choqué l’ensemble de la population. Le 7 novembre dernier, Jeong Kyeong-doo, ministre de la Défense, a ainsi demandé pardon en public, au nom du gouvernement et de l’armée sud-coréenne. Il a reconnu des agressions sexuelles et des actes de torture contre des femmes, perpétrés par des soldats. Les victimes étaient âgées de 10 à 30 ans. Bien que le ministre ait promis de mettre en place une commission chargée d’enquêter sur les événements, Kim a refusé d’accepter les excuses du ministre et a appelé à poursuivre les coupables en justice. « Autrement, il serait vain de demander pardon, même un million de fois », souligne-t-elle. Dans les années 1980, alors qu’elle avait songé au suicide, son père a perdu son emploi et sa mère dépressive est morte. « Que pourraient-ils faire pour se rattraper ? », demande-t-elle. En venant à Gwangju avec la commission Justice et Paix de Hong-Kong, Jackie Hung a rencontré un prêtre qui lui a confié que beaucoup d’habitants de Gwangju subissent toujours des injustices. Pourtant, aux côtés de soutiens tels que Jackie Hung, ils continuent de faire pression pour que les victimes de mai 1980 osent témoigner.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews