Eglises d'Asie

L’industrialisation menace le patrimoine du Bangladesh dans les Sundarbans

Publié le 20/06/2019




Plusieurs organisations humanitaires et environnementales nationales et internationales, aux côtés des organisations caritatives catholiques bangladaises, ont demandé une nouvelle fois l’annulation de programmes de construction controversés qui prévoient de nouvelles usines et centrales électriques près des Sundarbans, la plus grande forêt de mangrove au monde. Cet appel a été lancé alors que l’Unesco vient de classer les Sundarbans dans la liste du patrimoine mondial en péril. La semaine dernière, le Centre du patrimoine mondial (WHC) de l’Unesco a annoncé un possible déclassement du statut des Sundarbans, qui pourrait avoir lieu lors de sa 43e session, du 30 juin au 10 juillet à Bakou, en Azerbaïdjan.

Le Centre du patrimoine mondial de l’Unesco vient d’annoncer le déclassement éventuel de la forêt de mangrove des Sundarbans, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, après des années de négociations non abouties entre l’organisation de l’ONU et le Bangladesh à propos de deux projets industriels et énergétiques situés près de la forêt classée. À ce jour, les Sundarbans étaient non seulement un site classé mais aussi protégé par la convention de Ramsar sur les milieux humides. Depuis 2013, le Bangladesh a entrepris la construction de deux centrales thermiques à charbon de 1 320 et 565 mégawatts au sein des Sundarbans. Ces projets de construction ont attiré plusieurs nouvelles industries potentielles. La centrale de Rampal, de 1 320 mégawatts, est issue de la coopération entre des compagnies d’électricité bangladaises et indiennes. La société indienne National Thermal Power Corporation Ltd. a dû abandonner deux projets similaires dans les États indiens du Gujarat et du Madhya Pradesh, en raison de l’exigence des normes environnementales et de l’organisation de manifestations massives l’an dernier. De leur côté, les organisations environnementales et humanitaires bangladaises et internationales se sont fermement opposées aux nouveaux projets de centrales électriques au Bangladesh. Elles craignent que les émissions des centrales nuisent non seulement à la biodiversité mais qu’elles détruisent la forêt tout entière, menaçant au passage les vies de milliers de personnes habitant sur la côte, pour qui la forêt sert de « bouclier naturel » contre les catastrophes comme les cyclones. Dans un communiqué publié le 17 juin, l’agence bangladaise de l’organisation Transparency International a déclaré que le gouvernement devait annuler tous les projets de construction de centrales à proximité des Sundarbans.

Une menace à prendre au sérieux

« La décision de l’Unesco de placer les Sundarbans dans la liste du Patrimoine mondial en péril est inquiétante », a alerté l’organisation, basée à Berlin. « Nous avons désormais la preuve que les centrales thermiques et autres projets industriels représentent une menace importante pour la vitalité de la forêt de mangrove. Tous les projets controversés dans la région doivent être arrêtés immédiatement, et toutes les recommandations envoyées par l’Unesco doivent être respectées. » Le professeur Anu Muhammad, un économiste reconnu et opposé au projet, confie que le déclassement du statut des Sundarbans est un avertissement, et regrette que le gouvernement bangladais ferme ainsi les yeux sur des menaces aussi graves. « Les Sundarbans sont une protection naturelle, mais depuis des années, malgré de nombreuses pressions nationales et internationales et des manifestations massives, le gouvernement ne s’est pas laissé convaincre », regrette le professeur Anu Muhammad.

Aujourd’hui, le Bangladesh doit montrer au monde son attachement à protéger le site classé au patrimoine mondial, demande-t-il, ajoutant que la seule alternative serait de « l’abandonner honteusement ». La construction de nouvelles usines et centrales électriques constituerait une menace fatale pour les Sundarbans, estime Tapash Sarkar, responsable de la gestion des catastrophes de l’organisation caritative catholique Khulna, qui couvre la région des Sundarbans. « Des années de déforestation, d’abus et de pollution des eaux ont eu des conséquences désastreuses sur la biodiversité des Sundarbans – la faune se raréfie et des arbres meurent », ajoute Tapash Sarkar. Il affirme que l’industrialisation de la région serait catastrophique, ajoutant que malheureusement, beaucoup de Bangladais restent silencieux face à ces projets, en n’étant que peu conscients des conséquences à long terme.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews