Eglises d'Asie

Réactions mitigées en Birmanie suite à l’ordonnance de la CIJ pour la protection des Rohingyas

Publié le 25/01/2020




Jeudi 23 janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu une ordonnance visant le gouvernement birman, lui demandant de prendre des mesures pour la protection des Rohingyas, dans le cadre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. La Birmanie est censée remettre un rapport à la CIJ dans les quatre mois, puis tous les six mois jusqu’à une décision finale de la Cour. Les Nations Unies et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont salué la décision. Dans le pays, les réactions sont partagées, certains craignant une forte pression de la communauté internationale voire des sanctions commerciales.

Les Nations Unis et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont salué la décision de la Cour internationale de justice (CIJ), qui a rendu une ordonnance contre la Birmanie, exigeant des mesures pour la protection des Rohingyas et demandant au pays de s’y conformer. La décision, datée du 23 janvier, impose des mesures contre le gouvernement birman dans le cadre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. La Birmanie a également été appelée à prendre toutes les mesures possibles pour empêcher le meurtre de Rohingyas et toute atteinte physique ou mentale à des membres de la minorité musulmane, que ce soit par l’armée ou par tout groupe armé non officiel. Le pays doit également soumettre un rapport à la Cour internationale de justice dans les quatre mois, puis d’autres rapports tous les six mois jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise par la CIJ. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a salué la décision de la CIJ, en ajoutant qu’il soutient résolument l’usage de moyens pacifiques pour régler les litiges internationaux. « Il rappelle également que, conformément à la charte des Nations Unis et aux Statut de la Cour internationale de justice, les décisions de la cour sont définitives et obligatoires, et il espère que la Birmanie les respectera », a déclaré un porte-parole du secrétaire général, le 23 janvier dans un communiqué.

Selon Param-Preet Singh, juriste au sein du programme de justice internationale de Human Rights Watch, la décision de la CIJ est une étape fondamentale pour empêcher que d’autres atrocités soient commises contre l’une des populations les plus persécutées au monde. « Les gouvernements concernés et les organes des Nations Unies doivent maintenant s’assurer que la décision soit appliquée », a-t-elle ajouté. Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International, a déclaré que les mesures exigées par la CIJ permettent d’envoyer un message clair aux autorités birmanes, en soulignant que le monde ne tolérera pas ces atrocités et qu’il n’acceptera pas aveuglément leur discours stérile sur la réalité dans l’État d’Arakan (Rakhine) aujourd’hui. Il a également rappelé que les quelque 600 000 Rohingyas qui y vivent encore sont quotidiennement et perpétuellement menacés et privés de leurs droits. « La Birmanie doit agir en urgence pour faire cesser toutes violations contre la communauté et empêcher la destruction de preuves », a-t-il ajouté.

600 000 Rohingyas toujours dans l’État d’Arakan

Le gouvernement birman a réagi fermement à la décision de la Cour internationale de justice, en affirmant que la condamnation infondée de la CIJ contre la Birmanie présente une image déformée de la situation. Kyaw Nyunt, pasteur baptiste de l’Église Judson à Rangoun, estime de son côté que l’ordonnance de la CIJ est destinée à éviter les violations des droits de l’homme, et affirme que c’est justement ce qu’a fait le gouvernement birman. « Une commission birmane a déjà reconnu que de graves violations des droits de l’homme ont eu lieu, mais sans parler de génocide comme il a été accusé par la communauté internationale », ajoute Kyaw Nyunt, qui faisait partie de la commission d’enquête birmane (Rakhine investigation commission) créée en 2012 sous l‘ancien président Thein Sein. Pe Than, parlementaire au sein de la Chambre Basse pour le Parti national Arakan, y voit « un signal que notre pays devra faire face à d’énormes pressions de la part de la communauté internationale et qu’il pourrait subir des sanctions économiques, ce qui serait très éprouvant pour nous, alors que le pays est en pleine transition démocratique ».

Il ajoute que la perception de la situation par la communauté internationale et la réalité sur le terrain sont deux choses totalement différentes, et il soutient qu’il n’y a pas eu de génocide dans le pays. En décembre, la conseillère d’État Aung San Suu Kyi a décrit les violences comme un « conflit interne armé » déclenché par des attaques des militants rohingyas contre des postes de sécurité du gouvernement. Elle a appelé les juges de la CIJ à rejeter les accusations de génocide et à laisser la cour martiale birmane traiter les abus commis. « Une bonne évaluation de la capacité de la Birmanie à gérer la question des violations en Arakan ne sera possible que si on permet à la justice intérieure de faire son travail », a-t-elle déclaré le 23 janvier, citée dans un article du Financial Times.

(Avec Ucanews, Mandalay)

Crédit : Crédit Department for international development (CC BY 2.0)