Eglises d'Asie

Messe de funérailles de Mgr Yves Ramousse (1928-2021) : Facebook Live aujourd’hui à 15 heures

Publié le 03/03/2021




Mgr Yves Ramousse, MEP, vicaire apostolique de Phnom Penh, est décédé le 26 février des suites du Covid-19 alors qu’il venait de célébrer son 93e anniversaire et sa 58e année d’épiscopat. Sa messe de funérailles sera célébrée ce mercredi 3 mars 2021 à 15 heures. Vous pourrez suivre la célébration en Facebook Live sur notre page. Dans les années 1990, sa patience, sa perspicacité et son courage ont permis à la communauté chrétienne du Cambodge de renaître de ses cendres. Extraits d’une homélie du 28 février de Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh.

Monseigneur Yves, vous avez « fêté » votre 93e anniversaire le 23 février et votre 58e année d’épiscopat le 24 février, dans le silence de l’hôpital, votre corps enfermé dans un coma profond à cause de ce Covid-19 qui a déjà tué dans le monde, en un an, près de 2,5 millions de personnes. Ironie du sort, c’est le nombre estimé de morts durant le régime Khmer Rouge ! Ce 25 février vers 1 h 30 du matin (en France), vous vous êtes réveillé auprès de Celui que vous avez aimé et servi de tout votre cœur durant vos 68 années de sacerdoce, dont 58 d’épiscopat ! Ce malin petit virus vous a vaincu, cher Mgr Ramousse, alors que votre vie, qui a vu tant de morts et tant de résurrections, semblait insubmersible. Combien de fois ce texte de la Transfiguration que nous venons d’entendre a dû raisonner dans votre vie ? Combien de fois êtes-vous monté sur la montagne avec Jésus ? Alors que vous deviez vous sentir si bien, vous avez dû redescendre dans la plaine des incompréhensions, des incertitudes, des départs, des morts et des cendres, en vous demandant comme les disciples : « Mais que peut signifier la résurrection d’entre les morts ? »

Un pasteur selon le Cœur de Dieu

Chers Frères et Sœurs, ce matin, ici même à Tangkauk, devant la Croix des Martyrs pensée et dessinée par Mgr Yves pour la célébration des martyrs – voulue par saint Jean-Paul II, le 7 mai 2000 –, nous faisons mémoire de ce pasteur selon le Cœur de Dieu qui a été donné à l’Église du Cambodge. Comme un petit-fils parlant à son grand-père, permettez-moi d’évoquer la vie de Mgr Ramousse en m’adressant directement à lui. Son histoire s’inscrit d’une manière extraordinaire dans la grande Histoire de l’Église et du monde, du Cambodge et de son Église que nous connaissons aujourd’hui. Vous êtes beaucoup de cette nouvelle génération de chrétiens et de missionnaires à ne pas avoir connu Mgr Ramousse, mais l’Église du Cambodge, qui est votre famille aujourd’hui, est le fruit merveilleux de la vie donnée de Mgr Ramousse.

Un des derniers évêques conciliaires

Cher Yves, en relisant votre histoire, en me remémorant votre visage, en me rappelant vos paroles, vous avez été une oreille si attentive pour moi, jeune missionnaire puis jeune évêque, et c’est votre sourire et votre rire qui m’éblouissent à nouveau. Votre décès nous a été annoncé alors que la pleine lune se levait, blanche, brillante, éclatante comme Jésus sur la Montagne de la Transfiguration. Et l’espace d’un instant, j’ai vu votre visage se confondre avec les visages au sourire mystérieux des tours du Temple du Bayon [à Angkor, ndlr]. Ce sourire qui s’inscrit sur chacune des quatre faces : la Joie, la Charité, la Compassion et la Souffrance. C’est votre vie, Monseigneur ! Quelle fierté et quelle admiration dans mon cœur d’évêque, benjamin au Synode pour la Nouvelle Évangélisation, lorsque je vous ai vu arriver dans la basilique Saint-Pierre le 22 octobre 2012, invité par le Saint-Père Benoît XVI pour fêter le 50e anniversaire du concile Vatican II. Vous étiez parmi les 12 survivants !

Mgr Yves Ramousse avec le pape Benoît XVI, à Rome en 2012, lors du 50e anniversaire du concile Vatican II.

Si jeune évêque, à tout juste 35 ans, vous avez vécu trois sessions du concile Vatican II. Quelle grâce pour l’Église du Cambodge d’avoir eu, à ce moment précis de l’histoire, un si jeune pasteur, enthousiaste et créatif, pour commencer à appliquer les grandes orientations conciliaires in situ. La langue cambodgienne est ainsi devenue la priorité pour la liturgie, la catéchèse et la Bible. Le dialogue interreligieux, avec le bouddhisme en particulier, est devenu réalité ; l’inculturation d’une Église vue comme si étrangère a vu ses premiers balbutiements grâce à vos efforts. La nouvelle réalité des conférences épiscopales a pu être mise en place, grâce à votre heureuse initiative de rapprocher le Cambodge et le Laos en une seule conférence : la CELAC. Une Église plus proche de son peuple a pu s’épanouir grâce à la division du vicariat apostolique du Cambodge en trois circonscriptions (Phnom Penh, Battambang et Kompong Cham) et à la formation d’un clergé local, avec un grand séminaire fondé sur l’île de Chroychangva et avec la joie des premières ordinations (les pères Salas, Salem et Chomraoen).

Choisir de rester ou de partir

Moins malicieux que le Covid 19, mais plus cruel que tout, l’an 1970 voit le début de la guerre civile, l’émergence des forces de résistance khmers rouges, les bombes déversées par l’armée américaine sur le Cambodge, le départ de tous les Vietnamiens et de nombreux missionnaire… L’organisation de la petite communauté khmère autour de vous, la cathédrale pour ainsi dire fermée, votre évêché de moins en moins en sécurité sur le grand Boulevard Monivong… C’est alors que survient ce grand moment de votre vie qui vous a marqué à jamais : choisir de rester ou de partir. Je vous ai vu pleurer en silence en regardant le film Des Hommes et des Dieux, lorsque les moines de Tibhirine ont fait le choix de rester.

Vous avez fait le choix de rester. Vous avez fait le choix d’appeler le père Salas pour l’ordonner discrètement sous les tirs de roquettes, et pour assurer une succession apostolique dans notre Église. Quelle torture spirituelle, morale et humaine de voir ceux que vous avez aimés, votre peuple, partir sur les routes poussiéreuses de l’exil. De voir les œuvres caritatives et éducatives fermer, et plus tard votre cathédrale, et voir pour ainsi dire toutes les églises et chapelles partir en fumée. Quelle torpeur quand vous avez traversé le Cambodge vers la Thaïlande dans ces derniers camions qui expulsaient les étrangers. Trop de douleur. Trop de souffrance pour un pasteur selon le Cœur de Dieu. Comme Abraham dans la première lecture de ce matin, vous portiez le poids du sacrifice de ceux que vous aimiez, de vos fils et de vos filles désormais habillés de noir, mais habités par la foi que vous aviez semée et annoncée, en laissant une petite lumière d’Espérance briller. C’est cette Église que vous avez dû quitter non par choix mais par force.

Retour au Cambodge en 1989

Sans crosse ni mitre, vous êtes revenu avec le CCFD en 1989. Une petite porte s’ouvrait. Espérer contre toute espérance. Dieu comble toujours son serviteur. Abraham l’a vécu, vous l’avez vécu dans votre cœur et dans votre chair. Quelle émotion, quelle action de grâce quand vous avez pu rencontrer quelques chrétiens dans un petit restaurant en 1989… À l’image de Mgr Salas qui continuait de célébrer clandestinement les saints mystères. Quelle joie pour les chrétiens de pouvoir toucher et baiser votre anneau – ce signe de fidélité, la vôtre, la leur et surtout celle de Dieu Lui-même. Quel courage pour revenir et reconstruire.

Quand vous avez été renommé, en 1992, vicaire apostolique de Phnom Penh et administrateur apostolique de Battambang, vous n’avez pas ménagé vos efforts pour rassembler, reconstruire les cœurs, acheter de nouveaux terrains, faciliter les négociations pour l’établissement de relations diplomatiques avec le Saint-Siège (1994), faire reconnaître les statuts de l’Église catholique (1997), accueillir de nouvelles congrégations missionnaires (TMS, PIME, Yarumal, Jésuites, Don Bosco, FMA, DC, MC, Dominicaines…) et accueillir les anciens (MEP, Providence, Claire Amitié).

Dans votre jeep, alors que vous souffriez de rhumatismes qui vous empêchaient de dormir dans un lit, mais toujours avec le sourire, vous avez sillonné sans lassitude le Cambodge sur ces routes détruites, de Phnom Penh à Battambang, de Chomnoam à Sisophon où vous m’avez déposé en 1999, de Poipet à Siem Reap, de Kompong Thom à Sihanoukville.

Un pasteur humble au milieu de son peuple

Pasteur humble au milieu de son peuple, pasteur minutieux et soigneux de tout préparer à la perfection, pasteur visionnaire et attentif à tous, vous avez préparé la nouvelle Église du Cambodge avec tant de soin et assuré la succession avec tant d’ordre et de précision. Pasteur accueillant et aimant, comme il était bon d’aller à Sihanoukville quand vous vous y êtes retiré en 2001 : chrétiens, retraites des prêtres, CELAC, réunions, vous veilliez à tout. « Dieu est Celui qui rend juste », nous dit saint Paul dans sa Lettre aux Romains. Monseigneur Yves, Dieu vous a rendu juste. Nous en sommes témoins. Priez pour nous ! Priez pour moi ! Priez depuis le Ciel pour l’Église du Cambodge, afin que nous soyons dignes de la servir et de chercher le Royaume de Dieu sur cette terre des dieux. Joie, Charité, Compassion, Souffrance étaient mêlées à votre sourire. Souriez, riez encore et encore en nous regardant depuis le Ciel, afin que nous aussi, nous laissions façonner notre visage et notre cœur à l’image de Dieu. Monseigneur Yves, soyez en Paix pour l’éternité et saluez nos frères et sœurs dans la foi, Mgr Chmar Salas, ses compagnons et tous les autres. « Bon… » : C’était votre petit mot quand les déjeuners s’éternisaient à l’évêché, pour que nous nous levions de table. Dans le silence de ce 25 février, Dieu vous a certainement susurré : « Bon ». À l’image de votre vie, vous avez alors répondu dans un dernier souffle : « Me voici Seigneur ! » À Dieu.

+ Olivier Schmitthaeusler

Vicaire apostolique de Phnom Penh

Cambodge


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