Eglises d'Asie

Un évêque indien appelle ses concitoyens à redécouvrir la démocratie héritée des pères fondateurs du pays

Publié le 27/01/2022




La veille du 26 janvier, jour anniversaire de la promulgation de la Constitution indienne, Mgr Menamparampil, 85 ans, archevêque émérite de Guwahati (en Assam, dans le nord-est de l’Inde), une voix reconnue au sein de l’Église locale, est intervenu en soulignant que « le Jour de la République est une occasion de nous réjouir ensemble des progrès et des réussites de la nation ». « Il nous offre aussi l’occasion d’une autoévaluation en tant que peuple, pour nous demander dans quelle mesure nous avons échoué face aux attentes et aux espoirs de nos pères fondateurs », a-t-il souligné.

Mgr Thomas Menamparampil, archevêque émérite de Guwahati dans l’État de l’Assam, dans le nord-est de l’Inde.

Mgr Thomas Menamparampil, un rapport publié ces derniers jours par Oxfam a souligné un écart grandissant entre les riches et les pauvres en Inde. Durant la pandémie, 84 % des familles ont vu leurs revenus chuter, tandis que le nombre de milliardaires indiens est passé de 102 à 142. Que révèle cette situation ?

Mgr Menamparampil : Nous sommes fiers des traditions démocratiques héritées de nos pères fondateurs. Mais l’inégalité grandissante entre les différentes catégories sociales de la société actuelle, rapportée récemment par Oxfam, est une cause de profondes inquiétudes de la part des citoyens affectés ; 70 % des richesses vont entre les mains d’élites qui savent profiter non seulement des fluctuations du marché et des alliances politiques, mais aussi des catastrophes naturelles et des crises globales comme la pandémie. Il est encore plus alarmant de constater la proximité entre les élites dirigeantes et les plus riches. L’avenir de notre nation semble tomber trop rapidement entre les mains de ces derniers. Il est temps que les citoyens responsables y réfléchissent.

Cette tendance s’accompagne de tensions grandissantes entre la majorité, représentée par les nationalistes hindous, et les différentes minorités, avec peu de respect envers ce qui est écrit dans la Constitution indienne.

Dans l’histoire, les premiers défenseurs de la démocratie, qui ont appelé au respect des avis partagés par la majorité, ont tremblé à l’idée d’une « dictature de la majorité ». Les mémoires des dictatures nationalistes d’avant-guerre, qui ont conduit les plus grandes nations de cette période vers une guerre suicidaire, devraient susciter davantage de responsabilité de la part de nos législateurs. Aujourd’hui, ces derniers semblent plus que jamais déterminés à satisfaire les revendications les plus extrêmes de la communauté majoritaire, au détriment du bien commun.

Lors des dernières tensions intercommunautaires, alors que des membres des groupes minoritaires et des sections plus défavorisées ont été victimisés, la police s’est contentée de laisser faire et les autorités sont restées silencieuses. Ce manque de réactions crée un précédent inquiétant. La domination imposée par la majorité n’est pas une ligne démocratique équilibrée. Le dénigrement et la répression des communautés minoritaires et des groupes fragiles doit cesser pour laisser place à la collaboration et au respect mutuel.

Dans ce contexte, l’hostilité envers les chrétiens indiens continue de progresser ; des lois anti-conversion sont aujourd’hui appliquées dans dix États indiens.

L’une des tâches les plus ardues, pour les autorités indiennes, est d’expliquer à la communauté internationale comment elles peuvent affirmer que la liberté religieuse est parfaitement respectée dans le pays, alors qu’il y a des ingérences avérées dans les décisions religieuses personnelles des citoyens. En fait, la Loi sur la liberté de religion (Freedom of Religion Act) limite la liberté des choix religieux de multiples manières. Et à cela, il faut ajouter d’autres ingérences imposées par la bureaucratie administrative.

Alors que la Constitution donne le droit de « propager » la religion, aujourd’hui, nous avons l’impression que même le droit de « pratiquer » est réprimé, avec des groupes de prière et des rassemblements religieux qui sont perturbés. Les cas de harcèlement se sont multipliés. Des propos haineux et des propagateurs de haine sont signalés dans de nombreuses régions. Le Jour de la République est une occasion, pour tous les citoyens du pays, de réaffirmer qu’ils défendent pleinement la Constitution indienne.

(Avec Asianews)


CRÉDITS

Asianews