Eglises d'Asie

Mgr Victorinus Yoon Kong-hi, 98 ans, livre un témoignage sur l’histoire de l’Église en Corée du Nord

Publié le 19/05/2022




Mgr Victorinus Yoon Kong-hi, archevêque émérite de Gwangju, âgé de 98 ans et natif d’une province aujourd’hui située en Corée du Nord, a contribué à la publication d’un nouveau livre, basé sur huit entretiens avec l’évêque. Dans son témoignage sur « L’histoire de l’Église nord-coréenne », Mgr Yoon explique qu’il ne peut rien faire d’autre pour la Corée du Nord que « prier pour la paix » et « faire confiance en la Providence ». Cependant, il pense que l’Église y grandit en secret : « Les catholiques vivent cachés quelque part au Nord. »

Mgr Victorinus Yoon Kong-hi, archevêque émérite de Gwangju, en Corée du Sud.

Mgr Victorinus Yoon Kong-hi, archevêque émérite de Gwangju, l’un des évêques les plus âgés de l’Église sud-coréenne, a contribué à la publication d’un livre en coréen, intitulé L’histoire de l’Église nord-coréenne, qui propose une présentation détaillée de l’histoire du catholicisme dans la partie nord de la péninsule coréenne. Dans ce livre, publié par l’écrivain Kwon Eun-jung (qui s’est basé sur huit entretiens avec l’évêque âgé de 98 ans), Mgr Yoon estime que l’Église catholique a survécu et a grandi en Corée du Nord malgré le régime communiste de Pyongyang, et que les catholiques vivent cachés et persécutés. L’ouvrage est parrainé par l’Institut catholique pour la paix en Asie du Nord-Est, une organisation qui dépend du diocèse d’Uijeongbu, selon le portail d’information coréen Chosun.com.

Dans le livre, l’évêque sud-coréen, qui est né dans une région aujourd’hui situé en Corée du Nord, donne des témoignages poignants sur la façon dont l’Église a prospéré dans la région avant que la péninsule coréenne ne soit divisée (en 1945) et avant la Guerre de Corée (1950-1953). L’archevêque s’est souvenu de la façon dont les prêtres, les consacrés et les laïcs ont été pris de panique quand les forces communistes ont attaqué les églises avant que la guerre éclate en 1949.

« Nous nous retrouverons au Ciel »

Le 9 mai 1949 à minuit, une sirène d’alarme a sonné soudainement au monastère et au séminaire bénédictin de Tokwon, près de Wonson dans la province d’Hamgyong du Sud. L’abbé d’origine allemande, Mgr Boniface Sauer, avait été emporté de force par les communistes, se souvient l’archevêque coréen, qui était alors séminariste. Ce dernier évoque les derniers mots de l’abbé avant qu’il soit emmené : « Comme le Seigneur l’a demandé, et comme il l’a fait, nous devons aller à la mort aux côtés des innombrables martyrs. Allez en paix, nous nous retrouverons au Ciel. »

L’abbé est mort plus tard dans une prison nord-coréenne. Des moines l’ont identifié grâce à sa longue barbe blanche, parmi de nombreux corps, avant de l’enterrer dans un cimetière. Quatre jours après l’attaque, les communistes ont expulsé 26 moines du monastère et 73 séminaristes. Ils sont partis sans rien pouvoir emporter. Le monastère et le séminaire ont fermé à cause de la guerre et de la persécution des chrétiens. Avant la fermeture, le séminaire avait formé près de 60 prêtres entre 1933 et 1948. Selon des informations non confirmées, les bâtiments existeraient toujours aujourd’hui.

« Il y avait un nouveau sentiment de liberté »

Parmi ses témoignages, Mgr Victorinus Yoon a assuré que l’Église en Corée du Nord était fervente avant la séparation de la péninsule et avant la guerre. Les missionnaires distribuaient des médicaments aux malades dans le besoin, ils fondaient des écoles et différentes œuvres caritatives afin de soutenir les fidèles catholiques, qui étaient pauvres mais très enthousiastes selon l’évêque. Ce dernier explique qu’il y avait une atmosphère accueillante pour les séminaristes et les novices au monastère et au séminaire de Tokwon, fondés tous deux par des bénédictins allemands.

Il ajoute que Mgr Daniel Tji Hak Soun (1921-1993), ancien évêque de Wonju, et Mgr Angelo Kim Nam-su (1922-2002), ancien évêque de Suwon, y ont été formés.

La fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945 a également conduit au départ du Japon après plusieurs décennies de colonisation. Le jour de la libération, les habitants ont sonné les cloches afin d’exprimer leur joie, même si Mgr Yoon rappelle que cet enthousiasme a été de courte durée avec la prise de pouvoir des communistes en Corée du Nord, qui ont confisqué toutes les propriétés ecclésiales avant d’entamer une ère de répression systématique.

Mgr Yoon explique qu’avec Mgr Daniel Tji Hak Soun, il a risqué une fuite du Nord vers le Sud avant de pouvoir rejoindre Séoul le 17 janvier 1950, où ils ont pu acheter du lait et du chocolat. « Il y avait un nouveau sentiment de liberté », confie-t-il. Des années plus tard, Mgr Yoon a pu se rendre à nouveau en Corée du Nord pour rendre visite à toute sa famille. Comme lui, Mgr Tji Hak a également retrouvé son frère et sa sœur lors d’une rencontre organisée à Pyongyang en 1985.

« L’Église grandit en secret, comme les arbres du séminaire de Tokwon »

Mgr Yoon est né en 1924 dans une famille catholique de Jinnampo, à Hwanghae, aujourd’hui en Corée du Nord. Il est entré au Séminaire théologique de Tokwon afin de devenir prêtre. Il a poursuivi sa formation au Collège Songsin (Grand Séminaire) de Séoul. Il a dû interrompre ses études à cause de la guerre, avant d’achever sa formation en 1950. Il a été ordonné prêtre le 20 mars 1950. En janvier 1951, il a été nommé aumônier d’un camp de réfugiés de l’Onu à Busan.

Le père Yoon a ensuite poursuivi des études en théologie à Rome, à l’Université pontificale urbanienne et à l’Université pontificale grégorienne, de 1957 à 1960. En 1963, il a été nommé comme premier évêque de Suwon. Il a été nommé archevêque de Gwangju en 1973, où il a servi jusqu’en l’an 2000. Il a également été président de l’Université catholique de Gwangju de 1973 à 2010, et président de la Conférence épiscopale coréenne (CBCK) de 1975 à 1981.

L’archevêque nonagénaire explique que le nouvel ouvrage publié lui a permis d’accomplir un rêve de longue date. Il confie qu’il ne peut rien faire d’autre pour l’Église nord-coréenne à part prier pour la paix. « Je ne peux rien faire d’autre à part faire confiance en la Providence de Dieu », poursuit-il. Il pense que « l’Église grandit en secret, tout comme les arbres du séminaire de Tokwon ». « Sur ces arbres, de nouvelles branches apparaissent chaque année, et de la même manière, les catholiques vivent cachés quelque part au Nord, et ils grandissent eux aussi. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Chosun.com / Ucanews