Eglises d'Asie

Les responsables religieux unissent leurs efforts pour lutter contre le mariage des enfants

Publié le 19/09/2013




Des représentants de toutes les confessions religieuses, bouddhiste, hindoue, chrétienne et musulmane, ont participé au lancement, le 15 septembre dernier, d’une campagne contre le mariage des enfants, un phénomène qui sévit très largement dans tout le Népal.

C’est la première fois qu’une campagne d’une telle ampleur sur un thème encore considéré comme tabou, est lancée dans le pays himalayen : émissions de radio, de télévision, articles de presse, affiches, tables rondes, théâtre de rue : tous les moyens sont utilisés pour mettre fin à cette pratique.

C’est dans le cadre d’une opération menée par plusieurs ONG locales et internationales, dont l’Unicef, que les chefs religieux ont été sollicités, les précédentes tentatives du gouvernement et les sanctions pénales mises en place n’ayant visiblement pas suffit à convaincre les Népalais de renoncer à cette tradition très ancrée dans la société.

Les chefs religieux engagés dans la campagne – et dont les interventions ont été enregistrées sur vidéo – escomptent que l’influence qu’ils ont sur les populations pourra faire comprendre les dangers et les souffrances engendrés par les mariages précoces.

Alors que les tensions interreligieuses ont redoublé au Népal ces derniers temps, le fait que s’unissent différents responsables religieux dans une même démarche de sensibilisation, a également eu un impact très positif dans l’accueil de la campagne.

La coutume des mariages d’enfants, qui touche l’ensemble de l’Asie du Sud et particulièrement l’Inde et le Népal, s’appuie en grande partie sur des croyances religieuses liées à l’hindouisme. La participation de leaders hindous, aux côtés de musulmans, chrétiens et bouddhistes, à la campagne de dénonciation de cette pratique, a particulièrement frappé les esprits des fidèles.

« La religion ne veut que le bien de la société, affirme ainsi Ram Chandra Bhandari, un leader hindou respecté. Mais lorsqu’elle se retrouve mêlée à des questions qui relèvent des traditions, de la civilisation et de la culture, alors peuvent se produire des amalgames dangereux et de mauvaises interprétations, comme le mariage des enfants, que l’hindouisme ne peut soutenir. »

Selon des statistiques du ministère de la Femme, de l’Enfant et du Bien-être social, il est estimé que, pour environ 35 % des mariages qui sont célébrés chaque année au Népal, la mariée est âgée de moins de 15 ans. Un chiffre très largement sous-estimé, ces unions interdites par la loi n’étant pas enregistrées et ne parvenant à la connaissance des administrations qu’en cas de (rares) dénonciations.

Comme en Inde, où différents Etats luttent avec beaucoup de difficultés contre les mariages précoces, l’une des raisons principales de la persistance de cette pratique – hors le poids des traditions – est financière. La coutume de la dot, qui endette les familles parfois sur plusieurs générations, est en effet la préoccupation majeure des parents d’une fillette, au point qu’elle est également la cause de nombreux avortements et infanticides des enfants de sexe féminin. Or, plus la promise est jeune, moins la dot est importante. Les noces sont alors célébrées en secret (parfois de nuit), et les familles nient qu’il y a eu mariage lorsque les autorités sont alertées.

Le phénomène est particulièrement important dans le Terai, au sud du pays, où plus de 50 % des épouses auraient entre 2 et 11 ans au moment de leurs noces. « De nombreuses familles pauvres de la région du Terai n’ont d’autre choix que de payer une dot élevée pour le mariage de leur fille dès lors que celle-ci est relativement âgée ou éduquée. Les prix varient de 200 à 20 000 dollars américains, selon l’âge de la mariée, et peuvent être prohibitifs si elle est enseignante, ingénieur ou médecin », explique Helen Sherpa, de l’ONG World Education.

Les conséquences de ces unions précoces sont dramatiques. Chaque année, des milliers de jeunes femmes meurent en couches ou des suites de leur grossesse, en grande partie en raison de leur immaturité physiologique. Selon l’Unicef, « les filles qui ont un enfant avant l’âge de 15 ans courent cinq fois plus de risques de mourir pendant l’accouchement que les femmes qui ont plus de 20 ans ». De plus, une forte mortalité infantile en découle ; plus l’accouchée est jeune, moins l’enfant a des chances de survivre au-delà de l’âge d’un an. De surcroît, les très jeunes filles, dont certaines ne sont pas encore pubères, ont davantage de risques de contracter des maladies sexuellement transmissibles et des cancers de l’utérus que les femmes de plus de 20 ans.

« Il faudrait mettre un terme aux mariages précoces car cela affecte tous les domaines de la vie des femmes, parmi lesquels figurent en première ligne leur santé mais aussi leur éducation », résume Sumon Tuladhar, spécialiste de l’éducation à l’Unicef. Pour ces épouses trop jeunes, le fait d’avoir dû renoncer à l’éducation les empêche de sortir de la pauvreté et du système de préjugés qui ont conduit leurs parents à les soumettre à ces pratiques.

Des milliers de jeunes Népalaises abandonnent l’école chaque année pour se marier, ce qui les maintient dans l’analphabétisme et la dépendance, rapporte l’agence onusienne IRIN dans une dépêche du 18 juin 2012. « Des lois existent qui fixent l’âge légal du mariage à 20 ans, mais elles ne sont pas appliquées », regrette Dibya Dawadi, directrice adjointe du département de l’Education népalais. « La parité des sexes dans l’éducation est uniquement limitée à l’inscription, pas au maintien à l’école ni à aux résultats », poursuit-elle.

Au Népal, les différences dans les taux d’alphabétisation des garçons et des filles se creusent de façon très nette avant même la sortie du primaire. Selon le Bureau central des statistiques du gouvernement, à l’âge de 15 ans, le nombre d’écoliers au Népal, qui n’est déjà plus que de 56 % d’une classe d’âge donnée, est constitué de garçons à plus de 72 %.