Eglises d'Asie

Un pasteur protestant chinois qui aidait les réfugiés nord-coréens assassiné

Publié le 16/05/2016




Le corps mutilé du pasteur Han a été retrouvé le 30 avril dernier dans la montagne de Changbai, tout près de la frontière nord-coréenne. Han Chung-ryeol, de nationalité chinoise, appartenait à la minorité coréenne de Chine. Agé de 49 ans, fondateur d’une Eglise située dans la ville de Changbai, en Chine, à quelques centaines de mètres de …

… la ville nord-coréenne de Hyesan, il était connu pour aider les réfugiés nord-coréens. D’après des associations de défenses des droits de l’homme sud-coréennes, le pasteur aurait été assassiné par les services secrets nord-coréens.

La ville de Changbai fait partie du comté autonome coréen du même nom. Sur 85 000 habitants, 14 000 sont d’origine coréenne. La presse sud-coréenne évoque trois agents aperçus par des témoins. Ils auraient regagné la Corée du Nord aussitôt.

La police chinoise est assez peu regardante sur les actions des services nord-coréens à proximité de la frontière. Ceux-ci peuvent donc pourchasser en territoire chinois les Nord-Coréens qui viennent y trouver refuge, soit pour fuir leur pays soit pour venir y chercher travail et nourriture ; il arrive aussi que les agents nord-coréens s’en prennent aux personnes qui viennent en aide à ces réfugiés.

Guerre de propagande

D’après les associations d’aide aux réfugiés basées en Corée du Sud, la police chinoise aurait déjà classé l’affaire. Des informations, à prendre avec prudence : aucune source côté chinois n’a pour l’instant confirmé quoi que ce soit.

La presse nord-coréenne a cependant fourni au moins une confirmation de l’assassinat du pasteur. Le 11 mai, deux journaux nord-coréens ont accusé les Sud-Coréens d’avoir commis le crime. Si la source n’a aucune crédibilité, le seul fait que la Corée du Nord réagisse indique bien que l’assassinat du pasteur est au centre d’une guerre de propagande.

« Il appartenait à ces nombreuses Eglises en Chine qui essaient d’évangéliser la Corée du Nord, raconte un prêtre français installé en Corée du Sud qui avait rencontré le pasteur Han en Chine. Il savait qu’il était menacé. Il y a un mois, il avait baptisé trois Coréens du Nord. Les trois ont été tués par balle. C’était le dernier avertissement pour lui. Peut-être que c’était trop tard. Peut-être qu’il n’en a pas tenu compte. Il s’attendait à être kidnappé, comme d’autres avant lui, mais il ne pensait certainement pas être tué. »

« C’était un homme bon. Il faisait un travail extraordinaire, pour les réfugiés, mais aussi pour les pauvres, les jeunes enfants, les orphelins, les personnes âgées en difficulté », soupire le prêtre français, qui, contacté par Eglises d’Asie, préfère garder l’anonymat pour ne pas mettre en danger ses propres activités auprès des Nord-Coréens.

D’après des associations d’aide aux réfugiés, les actions des services nord-coréens en territoire chinois seraient en hausse. La tenue, le 6 mai dernier, du congrès du Parti des travailleurs – une première depuis 1980 (1) – à Pyongyang pourrait expliquer la pression accrue des services nord-coréens. « On nous rapportait ce genre d’événement auparavant, mais nous constatons une forte augmentation des opérations de sécurité à la frontière [entre la Corée du Nord et la Chine] depuis que Kim Jong-un est arrivé au pouvoir », en 2011, indique par ailleurs Robert Park, l’un des fondateurs de la « Coalition mondiale pour la fin du génocide nord-coréen », et ancien prisonnier en Corée du Nord, cité par le quotidien britannique The Daily Telegraph.

« Les ressortissants américains ou sud-coréens qui mènent ce genre d’activités sont peut-être un peu moins en danger, mais les citoyens chinois sont menacés, parce que leur gouvernement ne fait rien pour les protéger », poursuit-il.

Evangéliser en Corée du Nord

Certaines associations ont avancé que le pasteur Han pourrait être lié à la retentissante défection de treize employés d’un restaurant nord-coréen à Ningbo, en Chine populaire. Les treize réfugiés sont arrivés en Corée du Sud le 13 avril dernier, avait annoncé Seoul. Leur fuite n’a pas manqué de provoquer la colère de Pyongyang, qui a riposté à grand renfort de propagande : les familles des réfugiés ont été montrés à la télévision nord-coréenne, implorant leurs proches de revenir et affirmant qu’ils avaient dû être trompés.

Le prêtre français qui témoigne aide lui aussi les réfugiés nord-coréens, principalement à leur arrivée en Corée du Sud, mais aussi, à petite échelle, à y parvenir. « Selon l’argent qu’on réussit à réunir, grâce à mon équipe de passeurs, on leur fait traverser la Chine, puis on les fait passer soit par le Laos, soit par la Thaïlande. »

A la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, ce sont toutefois les protestants qui sont les plus actifs dans l’aide aux réfugiés. « Ils sont beaucoup plus libres, parce qu’ils n’ont pas de hiérarchie. Ils font des appels aux dons, et leurs fidèles répondent vite et beaucoup », explique le prêtre catholique.

Les contacts entre la Corée du Nord et le « grand frère » chinois sont nombreux. Outre des ouvriers nord-coréens travaillant dans des usines chinoises et des échanges commerciaux, les Nord-Coréens ayant de la famille parmi la minorité coréenne de Chine sont autorisés à leur rendre visite une fois par mois. L’occasion d’échanger des biens, de la nourriture, de l’argent, mais pas seulement. « Les communautés protestantes essaient de leur transmettre l’Evangile. Quand ils repartent dans leurs pays, ils tentent à leur tour d’évangéliser leurs proches », explique le prêtre français.

Des radios chrétiennes basées en Corée du Sud émettent également à destination de la Corée du Nord, même si les autorités déploient tous les efforts possibles pour brouiller les signaux et en bloquer l’audience.

Le christianisme semble bien présent en Corée du Nord. Certaines familles étaient chrétiennes avant la division des deux Corées ; on peut penser que, d’une manière ou d’une autre, la foi a été transmise dans le cercle familial. D’autres ont été évangélisées à travers leurs contacts avec la Chine. Le régime communiste de Pyongyang interdit toute pratique religieuse. Les pratiques traditionnelles comme les diseurs de bonne aventure, ou divination, sont tolérées, mais le christianisme est perçu comme une menace à la stabilité du pouvoir. Il est toutefois difficile d’avancer des chiffres. Certaines organisations non gouvernementales sud-coréennes évoquent le chiffre de 300 000 chrétiens, protestants pour la plupart – une affirmation invérifiable. Trois réfugiés sur quatre parvenant à quitter le pays se disent chrétiens.

(eda/sl)