Eglises d'Asie

L’épiscopat local salue la prise en compte de l’expérience philippine dans l’encyclique Laudato Si

Publié le 30/06/2015




Quelques jours après la publication par le pape François de Laudato Si, l’épiscopat philippin salue le fait que le pape cite dans son encyclique une Lettre pastorale des évêques philippins datée de 1988 et y voit une reconnaissance des efforts pastoraux de l’Eglise des Philippines pour placer la question …

… de la défense de l’environnement au cœur des débats contemporains.

Au paragraphe 41 de Laudato Si, sous le chapitre intitulé « La perte de la biodiversité », le pape François, déplorant l’atteinte aux barrières de corail des mers tropicales et subtropicales, cite les évêques philippins qui, en 1988, posaient la question : « Qui a transformé le merveilleux monde marin en cimetières sous-marins dépourvus de vie et de couleurs ? »

Pour Mgr Socrates Villegas, président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP), cette citation est « une affirmation que nous, aux Philippines, allons dans la bonne direction lorsque nous enseignons que la Création est un don dont nous devons prendre soin ». Dans un communiqué daté du 25 juin dernier, le président de la CBCP rappelle que la citation utilisée par le pape François dans son encyclique est tirée d’une Lettre pastorale de janvier 1988 intitulée « What is happening to our beautiful land ? A Pastoral Letter on Ecology », document que Mgr Villegas présente comme étant « la première Lettre pastorale au monde rédigée par une Conférence épiscopale sur la question de l’environnement ».

En janvier 1988, sollicitée par un certain nombre de prêtres philippins engagés dans les luttes populaires contre la déforestation et l’exploitation minière, la CBCP avait publié cette lettre pastorale, lue dans toutes les églises du pays, pour attirer l’attention du public sur « la grave crise » créée par l’exploitation sauvage des forêts et de la mer : « Notre pays est en danger. Les blessures infligées à l’environnement signifient une nourriture moins nutritive, une santé plus précaire, et un avenir incertain. Tout ceci ne peut qu’amener une intensification de l’agitation sociale et politique. » La Conférence épiscopale demandait aux communautés chrétiennes de s’informer davantage sur les questions de l’écologie, et de s’associer aux luttes pour la défense de l’environnement.

Signe de l’actualité toujours plus grande de ces questions, les évêques réactualisaient leur prise de position en 2008. A l’occasion des vingt ans de cette première lettre pastorale sur les questions environnementales, le document, intitulé « Défendre la sainteté de la vie », soulignait l’urgence à « agir immédiatement » et reprenait mot pour mot la conclusion de la Lettre pastorale de 1988, pointant ainsi le peu de progrès réalisé en deux décennies en matière de protection de l’environnement.

En présentant son message ce 25 juin, Mgr Villegas a souligné combien les Philippins « souffrent cette année d’un été particulièrement chaud ». « Personne ne peut vraiment nier que, cette année, l’été est un des plus chauds que nous ayons jamais eus. Nous sommes également conscients que le caractère de plus en plus erratique de la météo se traduit notamment par des typhons plus violents (…). Mais l’encyclique du pape restera lettre morte tant que nous-mêmes ne serons pas retournés par l’appel de saint François [d’Assise] à exalter toutes les créatures », a-t-il mis en garde, mettant en avant le fait que les scientifiques seuls ne pourront résoudre la crise environnementale. « C’est la disposition au péché que nous avons tous en nous qui fait de nous des agents de la dégradation du monde qui nous a été confié », a encore analysé le président de l’épiscopat philippin.

Aux Nations Unies ou ailleurs dans les instances internationales, les Philippines sont souvent citées comme l’archétype du pays ayant à souffrir des conséquences du réchauffement climatique, que ce soit du fait de typhons plus fréquents et violents ou de la montée du niveau des océans. Le pape François lui-même avait tenu, lors de son voyage en janvier dernier aux Philippines, à venir jusqu’à Tacloban pour y conforter les populations victimes du « super typhon Yolanda/Haiyan ». Mais qu’en est-il de l’action concrète des pouvoirs publics philippins en la matière ?

Sur la scène internationale, au sein des conférences sur le changement climatique, le gouvernement philippin est un ardent avocat de la réduction des gaz à effet de serre. Sur la scène domestique, la situation est légèrement différente. Pour répondre aux besoins d’une économie et d’une population en forte croissance, les pouvoirs publics ont un temps pensé faire appel à l’énergie nucléaire. Ce fut le cas sous la présidence de Ferdinand Marcos, qui, en réponse au choc pétrolier de 1974, commanda auprès des Américains une centrale nucléaire. Celle-ci, construite de 1976 à 1984, n’a jamais été achevée, malgré des milliards de dollars dépensés en pure perte. Construite dans une région sujette aux tremblements de terre, elle est restée dans les mémoires comme un monument d’inefficacité et de corruption.

Depuis, l’accent a été porté sur les énergies renouvelables et, de fait, la géothermie, les installations hydroélectriques et d’autres procédés tels la biomasse fournissent aujourd’hui près de 30 % de la production électrique. Le plan de 2011 de l’actuel président Benigno Aquino prévoyant d’atteindre 50 % d’électricité produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030 ne sera toutefois pas réalisé, font valoir les spécialistes du secteur. Le 28 mai dernier, les autorités ont délivré l’autorisation de construction d’une centrale thermique fonctionnant au charbon près de Narra, sur Palawan, une île pourtant classée en zone écologiquement sensible. Selon Greenpeace, cité par Asia Sentinel, 45 nouvelles centrales thermiques au charbon entreront en service d’ici à 2020, faisant passer les émissions de CO² du pays de 64,4 millions de tonnes/an à 79,8 millions de tonnes/an.

Si les émissions par habitant des Philippines restent relativement faibles (159ème rang mondial, derrière le Nicaragua), le système en place demeure peu incitatif et les acteurs privés, à qui incombe la production d’électricité, trouvent plus d’intérêt à brûler du charbon, peu coûteux, qu’à investir dans des technologies « propres ». Selon le cabinet de consultant Pacific Strategies & Assessments (PSA), basé à Manille, auteur d’un rapport sur le sujet, « en résumé, il est plus facile et plus valorisant de parcourir le monde et les conférences sur le changement climatique pour prononcer d’importants discours sur le climat, que de s’attaquer réellement au problème sur place ». Sans apporter de réponse, l’étude de PSA pose la question : « Comment le gouvernement philippin peut-il mettre en place une politique suffisamment incitative pour encourager les acteurs privés à investir dans des sources d’énergie propres et renouvelables ? ».

(eda/ra)