Cardinal Luis Antonio Tagle : « Le cœur de la mission, c’est la foi, et non l’efficacité »

Pour le cardinal Luis Antonio Tagle, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, le dernier message du pape François aux Œuvres pontificales missionnaires rappelle que la première mission de l’Église est de proclamer l’Évangile, et non de gérer des institutions avec une efficacité commerciale. Le cardinal Tagle, cité par Vaticannews le 28 mai, estime que le pape n’est cependant « pas opposé à des méthodes et des pratiques » qui peuvent contribuer aux activités missionnaires de l’Église. Toutefois, ajoute-t-il, « il nous met en garde contre le danger de ‘mesurer’ la mission de l’Église en n’utilisant que des standards et des bilans prédéterminés selon les modèles enseignés dans les écoles de commerce, quelles que soient leur réelle pertinence et leur utilité ». « Ces outils peuvent aider, mais ils ne doivent jamais se substituer à la mission de l’Église », souligne-t-il. « L’organisation catholique la plus efficace peut très bien se révéler être la moins missionnaire. » Le pape François a envoyé son message aux Œuvres pontificales missionnaires le 21 mai, après l’annulation de leur assemblée générale initialement prévue au Vatican.

Dans son message, le pape a rappelé que si les sociétés missionnaires sensibilisent et appellent à la prière pour la mission, elles collectent également de l’argent pour de nombreux projets à travers le monde, en particulier dans les pays les plus pauvres. Pourtant, a ajouté le Saint-Père, la collecte de fonds ne doit jamais être leur priorité. Selon le cardinal Tagle, les collectes de dons risquent de devenir « simplement des liquidités disponibles plutôt que des signes tangibles d’amour et de prière, ou du partage des fruits du travail des hommes ». « Les fidèles qui deviennent des missionnaires joyeux et engagés sont notre meilleure ressource, et non l’argent en soi », ajoute le cardinal philippin. « Il est également bon de rappeler à nos fidèles que même les plus petits dons, mis ensembles, peuvent contribuer à la charité missionnaire universelle du Saint-Père aux Églises dans le besoin. Aucun don n’est trop petit quand il contribue au bien commun », assure-t-il. Dans son message, le pape met également en garde contre les « pièges et pathologies » qui peuvent menacer l’unité dans la foi des sociétés missionnaires, comme le repli sur soi et l’élitisme. « Plutôt que de laisser la place à l’œuvre de l’Esprit Saint, beaucoup d’initiatives et de structures liées à l’Église semblent se préoccuper surtout d’elles-mêmes », estime le cardinal Tagle.

« Retrouver l’élan de la vie et de la mission de l’Église »

« Beaucoup d’institutions ecclésiales, à tous les niveaux, semblent être obnubilées par l’obsession de se promouvoir elles-mêmes et leurs propres initiatives, comme si elles étaient l’objectif et le but de leur mission. » Le cardinal philippin confie que c’est le don d’amour reçu de Dieu qui est au cœur de l’Église et de sa mission dans le monde, et non « une stratégie humaine ». Si les actions de l’Église sont séparées de sa racine, ajoute-t-il, elles ne deviennent que « de simples initiatives humaines et de simples plans d’action ». « Les surprises et les ‘folies’ de Dieu sont alors considérées comme néfastes envers nos projets préparés. Pour moi, pour éviter tout risque de fonctionnalisme, nous devons retrouver l’élan de la vie et de la mission de l’Église : le don de Dieu en Jésus et dans l’Esprit Saint », poursuit le cardinal Tagle. En appelant les organisations ecclésiales à « briser tous les miroirs de la maison », selon l’expression du pape dans son message, le cardinal philippin estime que le Saint-Père dénonce également « une approche purement pragmatique ou fonctionnelle de la mission », qui finit par conduire à un comportement narcissique qui concentre la mission surtout sur le succès personnel plutôt que sur « la bonne nouvelle de la miséricorde divine ». Il vaut mieux, poursuit le cardinal, que l’Église relève le défi d’aider « nos fidèles à comprendre que la foi est un grand don de Dieu, et non un fardeau », et un don à partager.

(Avec Ucanews et Vaticannews)