Du 24
novembre
2018
au 31
août
2019

L’exposition sera fermée du 1er au 15 août inclus.

 

Photographe: Jean-Marie Dufour
Commissaire: Frédéric Mounier

Vue de loin, l’Eglise du Vietnam porte toujours l’image de communautés persécutées, d’églises fermées et ruinées, de vocations empêchées.
Une Eglise de catacombes, marquée par plusieurs générations de guerre et de révolution communiste.
Vue de près, après avoir rencontré, du Nord au Sud, des dizaines d’acteurs, on ne peut qu’être frappé par l’extraordinaire vitalité, aujourd’hui, de ces communautés, qui forment peut-être le visage d’une « fille aînée asiatique » de l’Eglise universelle.

 

Spécialiste de l’information religieuse, Frédéric Mounier a dirigé le service « Religions » du quotidien « La Croix » dont il a été le correspondant permanent à Rome de 2009 à 2013. Jean-Marie Dufour, ancien volontaire MEP au Vietnam, est photographe indépendant, il retourne régulièrement  au Vietnam pour des projets photographiques.

 

Au Nord-Vietnam, la «Vendée catholique» revit

 

Fondée sur le sacrifice des martyrs, l’Eglise du Nord Vietnam affiche, en dépit ou grâce à son histoire faite de sang versé et de violences, une vitalité exceptionnelle.

Une Eglise ressuscitée. Telle est l’impression produite au vu de l’incroyable vitalité, aujourd’hui, de l’Eglise du Nord-Vietnam, ex-Tonkin occidental.

Autour de la capitale, Hanoï, dense de ses huit à dix millions d’habitants, les paroisses égrenées au fil des rizières de la vallée du Fleuve rouge tissent un réseau catholique exceptionnel, visible
par ses clochers qui balisent l’horizon. Alors même que, depuis 1954 jusqu’au milieu des années 2000, les séminaires ont été fermés, l’élite intellectuelle décimée, sans oublier l’exode de centaines de milliers de catholiques vers le sud, les églises, dont beaucoup sont neuves, sont pleines du matin au soir, mais aussi les salles de catéchismes, les séminaires. Au point que l’un des très nombreux curés, aussi jeunes que dynamiques, n’hésite pas à risquer: «Ce qui nous a sauvés, c’est le communisme. En nous persécutant, il a maintenula foi des martyrs. »

Car tout commence avec ces 117 martyrs dont l’Eglise célèbre aujourd’hui le trentième anniversaire de la canonisation.

C’est à So Kiet, à deux heures d’autoroute d’Hanoï, qu’on peut comprendre cette source essentielle du catholicisme nord-vietnamien, et aussi son émouvante actualité.

Fondée 2009, par Mgr Kiet, alors archevêque d’Hanoï, le sanctuaire a été érigé en basilique mineure l’année suivante. Chaque jeudi, plusieurs milliers de pèlerins viennent, littéralement avec tambours et trompettes, vénérer les martyrs dont les reliques sont conservées ici. Le recteur, le P. Joseph Mai Xuan Lan, retrace l’histoire mouvementée du lieu: «En 1954, le gouvernement a confisqué tous nos terrains, soit une vingtaine d’hectares, sauf l’église. En 2002, ils ont voulu yconstruire une école, mais les paroissiens ont exigé que les terrains soient rendus à l’Eglise. En 2009, ils nous en ont rendu une grande partie, mais les paroissiens ont continué à revendiquer la restitution intégrale. En novembre 2017, le vice Premier ministre nous a rendules dix derniers hectares. »

Désormais, les dizaines d’urnes reliquaires pieusement conservées au sein d’un musée voient défiler des dizaines de milliers de pèlerins chaque mois. Et la basilique ne désemplit pas, du matin au soir.

Cette fécondité des martyrs est encore plus palpable dans le diocèse voisin de Bui Chu. L’évêque, Mgr Thomas Vu Dinh Hieu, ne se lasse pas de faire découvrir avec enthousiasme son diocèse, à la fois le plus petit du Vietnam par la taille (1350 km2) et «le plus grand du pays»: 720 églises, 175 paroisses, un tiers de catholiques (pratiquants à 90 %), 209 prêtres, près de 1000 religieuses. A tel point que Mgr Vu Dinh Hieu doit avouer: «Malgré nos 190 séminaristes, nos six à vingtordinations par an, nous manquons de prêtres ! » Et la confirmation de 8000 jeunes chaque année est un casse-tête pour son agenda…

On trouve de tout à Bui Chu: une réplique de la façade de Saint-Pierre de Rome à peine moins imposante que l’original, une salle du séminaire abritant 44 cercueils translucides contenant les corps en habits liturgiques (figurés par des mannequins) des martyrs diocésains, des maisons particulières toutes neuves arborant fièrement en façade des statues plus que grandeur nature du Christ, de Marie et de Joseph. Et un évêque tout à fait serein sur ses relations avec les autorités civiles: «Ici, le dialogue est facile. L’évêché n’est pas dans le cahier noir. Chacun sait que si je dis quelque chose à mes catholiques,ceux-ci sauront réagir.».

Plus proche d’Hanoï, la paroisse de Bang Se affiche, elle aussi, une santé éclatante. C’est sur son territoire qu’a été martyrisé Pierre Lê Tuy, en 1833. Si l’oratoire dédié au saint est modeste, le vicaire, le P. Joseph Tran Ngoc Long, qui a déjà célébré trois messes ce matin- là, explique: «Nous avons dû construire une nouvelle église pouraccueillir dignement nos dizaines de milliers de pèlerins.» A l’accueil s’empilent en effet des dizaines de cahiers remplis d’intentions de prières. «20 % proviennent de non catholiques», précise le P. Joseph. Pour ces derniers, la paroisse a prévu un texte d’accueil, à lire devant la statue du martyr: «Je ne sais pas vraiment qui vous êtes, mais j’entends bien que vous êtes miséricordieux et que votre intercession
est très forte. C’est pourquoi je porte mes intentions devant vous.» En raison de ce succès populaire, le jeune vicaire explique: «Pour financerla construction de la nouvelle église de 2000 places (2,5 millions de dollars), nous n’avons pas eu besoin de faire des appels aux dons.
Les gens ont reçu tant de grâces qu’ils ont donné beaucoup d’argent, et aussi beaucoup de leur temps pour travailler». Et il précise: « Les autorités locales ont donné leur accord très facilement : elles craignent les réactions du peuple.» La consécration de l’édifice, prévue mi-novembre 2018, mettra en valeur marbres, bronzes et vitraux. Les foules seront présentes, y compris de la paroisse voisine, distante de quelques centaines de mètres.

Parmi les martyrs, la figure de saint Théophane Vénard, prêtre des Missions Étrangères originaire de Poitiers, exécuté à Hanoï en 1861, irrigue ces diocèses du Nord-Vietnam. Plusieurs paroisses revendiquent les lieux où il a vécu caché, celui où il a été arrêté, celui où sa tête a été retrouvé plusieurs jours après sa décapitation. Surnommé «Van», il est connu et vénéré, presque intimement, par tous, toutes générations confondues.

A travers les époques teintées de sang vécues au Nord-Vietnam, la fermeté de la foi des martyrs a toujours été un horizon indépassable.«Les communistes ont voulu remplacer, dans les familles, l’autel des ancêtres par l’Oncle Hô. Ils n’y sont pas parvenus», témoigne un jeune prêtre. Sur cet autel, cœur de la vie familiale, « Van » figure, encore aujourd’hui, en bonne place.

Ainsi prospère le catholicisme du Nord-Vietnam. A l’instar de son homologue vendéen, il s’est construit sur des ruines sanglantes, s’est développé grâce à la constance d’une transmission familiale, et ressuscite aujourd’hui à la faveur du vigoureux esprit d’entreprise vietnamien, palpable du Nord au Sud du pays.

A la faveur de leurs voyages à l’étranger – de très nombreux jeunes prêtres ont été formés aux Missions Etrangères de Paris ainsi que dans des séminaires américains – les cadres de l’Eglise ont conscience des inévitables limites de ce modèle. «Partout, la sociétéde consommation attise la sécularisation, confie un curé. La perspective, désormais, d’une bonne vie matérielle, ainsi que d’autres figures données en modèle aux jeunes, vont modifier en profondeur notre modèle d’Eglise. Peut-être d’ici une dizaine d’années…»

En attendant, «nous avons coutume de dire que l’Eglise du Vietnamest plus romaine que Rome», plaisante un prêtre. Les effigies du « pape Phan Xi Cô », présentes dans toutes les paroisses ne sont pas synonymes d’appel à lutter contre le cléricalisme, tant celui-ci apparaît, paradoxalement, assimilé avec bonheur et simplicité dans la vie quotidienne, modelée par le modèle confucéen traditionnel d’harmonie familiale. «L’Eglise est notre mère, explique Jean-Baptiste Tran Van Linh, mécanicien et président laïc du conseil pastoral de Bui Chu. Mon travail consiste à mettre en œuvre ce que l’évêque et les prêtres ont décidé. »

Frédéric Mounier

 


Date
Du 24 novembre 2018 au 31 août 2019
Lieu
128, rue du bac 75007 Paris
Prix
Entrée libre


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