À la fin du 19e siècle, les MEP décident de fonder une maison de retraite spirituelle en Asie, pour prier pour la mission et pour aider les pères ressentant le besoin de se ressourcer et de revigorer leur vocation missionnaire. Les journées y seront rythmées par la prière, la méditation et le travail manuel, à l’image d’une communauté monastique. Sous la direction du Père Jean-Joseph Rousseille, la maison de Nazareth ouvre ses portes en 1884.
Dès son l’ouverture, il est décidé d’y adjoindre une imprimerie. Les pères pourront ainsi effectuer un travail manuel tout en servant utilement les besoins des missions. La mise en place de l’imprimerie est confiée au Père François Monnier qui n’a aucune expérience dans le domaine mais une grande ambition : publier massivement des ouvrages non pas en français ou en latin mais en chinois, en thaï, en tibétain… pour les diffuser à un prix modique ou gratuitement. En s’appuyant sur la technique de la galvanoplastie étudiée au Japon, le Père Monnier développe en quelques années un nouveau processus pour la fabrication des matrices et des caractères d’imprimerie, très efficace et peu couteux, qui va faire le succès de l’imprimerie.
D’abord implantées à Macao, la maison de Nazareth et son imprimerie déménagent quatre fois avant de s’installer définitivement en 1896 à Douglas Castle, dans la campagne de Pokfulam à l’ouest de l’île de Hong Kong. Dans le prolongement de ce petit château néogothique construit par un riche marchand écossais, le Père Rousseille fait élever une chapelle, construire des lieux de vie et un grand bâtiment pour abriter les ateliers de l’imprimerie.
À son apogée au début du 20e siècle, l’imprimerie de Nazareth compte plus de 50 ouvriers chinois et une dizaine de pères MEP travaillant à leur côté ou venus spécialement pour apporter leur expertise linguistique. En 1933, l’imprimerie propose plus de 800 ouvrages en près de 30 langues (chinois, thaï, lolo, japonais, coréen, miao-mung, laotien, malais, tibétain, annamite, tagalog…). En 50 ans, elle a publié plus de 3 millions d’exemplaires, soit environ 62 000 par an, mais également des millions de caractères d’imprimerie pour les presses locales des MEP dans toute l’Asie.
En plus des traductions de la Bible et des ouvrages religieux, les travaux des missionnaires rattachés à l’École Française d’Extrême-Orient ou à d’autres organismes de recherche scientifique ont été imprimés par l’imprimerie Nazareth, faisant sa réputation auprès des érudits du monde entier. Entre autres, le Nouveau Manuel de la Langue Chinoise Écrite (Sin-kuo Wen) traduit en français avec les 7 principaux dialectes chinois en romanisation, écrit par le Père Henri Lamasse et publié en 1922, a été récompensé par l’Académie française.
Cependant, la révolution chinoise de 1949 change profondément la situation des MEP en Chine. Malgré leur succès, la maison de Nazareth et son imprimerie sont vendues au gouvernement de Hong Kong et ferment leurs portes en 1953. Les bâtiments de Nazareth deviennent la propriété de l’université de Hong Kong et sont aujourd’hui une résidence universitaire. La partie de l’imprimerie, rongée par les termites, a été démolie.
La mission des MEP est d’annoncer l’Évangile en Asie. Afin d’accomplir cette mission, les missionnaires doivent pouvoir communiquer avec les peuples auprès desquels ils sont envoyés. Pour apprendre les langues asiatiques, pour transmettre la foi chrétienne et former des prêtres locaux, les missionnaires ont besoin de livres. Dans les différents pays de mission, ils vont s’atteler à traduire la Bible, les ouvrages nécessaires à la liturgie et au travail pastoral mais aussi des dictionnaires et manuels de langue.
Dès son arrivée au Siam en 1664, Louis Laneau apprend à lire et à écrire le siamois et le cochinchinois. Il comprend d’emblée la nécessité de passer par la langue locale pour transmettre le contenu de la foi et entreprend donc de nombreuses traductions : livres de catéchisme, dictionnaires, recueils de prières… Au total, il ne compose pas moins de 26 titres en siamois, en pali et en pégouan. En 1684, il traduit l’intégralité des quatre Évangiles en siamois, dans deux volumes composés en tout de 532 feuillets, la première en cette langue.
Au 19e siècle, le développement de l’industrie et des techniques d’impression modernes va permettre aux missionnaires de publier en masse des livres dans les langues asiatiques. Vers les années 1890, presque toutes les grandes missions MEP d’Asie possèdent une imprimerie : la Corée, le Sichuan (Chine), le Yunnan (Chine), Guizhou (Chine), le Tonkin (Vietnam), le Siam (Thaïlande), la Birmanie (Myanmar), l’Inde, Hong Kong… En 1892, les quatre Évangiles traduits et commentés en chinois par le Père Joseph Dejean sont imprimés par les MEP. C’est la première traduction des Évangiles en chinois publiée par l’Église catholique. Publié en 1899 après 5 ans de labeur, le dictionnaire français-tibétain rédigé par le Père Auguste Desgodins (MEP) est quant à lui le premier ouvrage imprimé en tibétain.
Ce travail de traduction et d’impression a permis une diffusion remarquable d’ouvrages religieux, scientifiques et linguistiques dans des dizaines de langues asiatiques à travers le monde. L’Histoire d’une âme de sainte Thérèse de Lisieux connait ainsi une diffusion fulgurante au Japon. En 1911, la traduction en japonais réalisée par le Père Sylvain Bousquet (MEP) est publiée par l’imprimerie Saint-Joseph à Osaka fondée par le Père Petrus Marmonier (MEP). Elle fait partie des dix premières traductions mondiales, apparaissant cinq ans après la traduction italienne et la même année que la traduction espagnole. Certaines de ces publications sont parfois les seules références pour des langues aujourd’hui disparues. Les travaux des missionnaires et les publications des imprimeries MEP sont conservés à l’Irfa, qui compte près de 30 000 ouvrages, manuscrits et documents.