Andrew, le chercheur de vérité

Publié le 11/10/2024




Andrew Dernovsek sera ordonné diacre pour les MEP en vue du sacerdoce, le samedi 19 octobre 2024, dans la chapelle de l’Épiphanie aux MEP par Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique en France. Il recevra ce jour-là son pays de mission.
Andrew Dernovsek

Andrew Dernovsek dans la chapelle de l’Epiphanie

En septembre 2019, Andrew Dernovsek atterrit à Paris dans un avion en provenance des États-Unis. Il ne peut qu’être surpris lui-même de se retrouver dans ce pays dont il ne connaît rien… et puis, s’imagine-t-il, « les Français n’aiment pas trop les Américains… vais-je être accepté ? »

Andrew a fait ce voyage improbable pour devenir prêtre des Missions Étrangères de Paris (MEP), mais le chemin qui l’a mené jusque-là fut bien moins direct qu’un vol transatlantique !

 

L’enfant des montagnes du Colorado

En 1983, Kim et Ken Dernovsek, un couple de médecins américains du Wisconsin qui priait depuis de nombreuses années pour avoir un enfant, ont la joie d’adopter un petit garçon coréen.
Quelques mois plus tard, ils ont la surprise d’attendre un heureux événement et c’est ainsi que naît Andrew, le 22 octobre 1983.
Profondément croyants, les Dernovsek élèvent leurs fils dans la communion anglicane. Le petit Andrew, « enfant du miracle » choyé par ses parents, grandit dans le Colorado où la famille s’établit juste après sa naissance. Dans ses jeunes années, il fréquente l’école catholique et reçoit une solide formation biblique dans sa paroisse anglicane.
À l’âge de 16 ans, il participe à une mission de solidarité en Haïti avec les jeunes de son Église. Il découvre pour la première fois un pays différent du sien, confronté à la misère et à la violence. Il parle avec des Haïtiens pour comprendre leur réalité. Au retour, alors que ses camarades, affirment « ne plus jamais vouloir y retourner », Andrew se sent au contraire attiré par l’humanitaire et la découverte de pays lointains.

À cette époque, il entre dans un lycée prestigieux que ses parents lui offrent. Mais l’adolescent s’avère turbulent… il multiplie les incartades jusqu’à se faire renvoyer ! Honteux et incapable de faire face, il fugue pendant six jours dans la montagne, sans penser à la peine qu’il cause à ses parents avouera-t-il plus tard.

L’évènement le fait tout de même réfléchir ! Conscient de son besoin de discipline et très patriote, il s’inscrit à l’Institut militaire de Virginie, après le lycée. Ces quatre années d’études au rythme de l’armée transforment l’adolescent difficile en homme responsable. Mais éloigné de ses parents, sa pratique religieuse se fait plus sporadique.

 

Les douleurs et les espoirs de l’Afrique

En 2004, il accompagne ses parents dans une mission en Ouganda. Les médecins Dernovsek veulent étudier scientifiquement l’impact des campagnes de promotion de l’abstinence sexuelle et de la fidélité sur la prévalence du VIH-SIDA. Ils constatent l’efficacité de ces programmes pour faire reculer la maladie 1. Au cours du voyage, ils fondent avec les Ougandais l’ONG « Éducation universelle à la chasteté » pour soutenir les succès du pays dans la prévention du SIDA. En 2006, Andrew retourne en Ouganda pour développer l’ONG et lancer le programme au Burundi.

Après ses études, Andrew s’engage pendant deux ans et demi avec le Peace Corps, un programme de volontariat humanitaire du gouvernement américain. Il est envoyé au Lesotho, au sud de l’Afrique, pour faire de la prévention du Sida. Il doit faire campagne pour l’abstinence et la fidélité mais il refuse de promouvoir le préservatif.

Il est accueilli sur place dans une paroisse catholique qui couvre les quarante villages alentour. La zone est très pauvre, ravagée par le Sida et sans traitements disponibles.

En plus de sa mission de prévention, le dynamique Andrew mène de nombreuses actions : jardinage, construction de sanitaires, installation de l’énergie solaire, ouverture d’une boulangerie avec les veuves du Sida etc.

Dans cet environnement dépouillé de tout confort, sans eau courante, ni électricité, sans viande aux repas ni facilités, Andrew est profondément heureux et s’attache aux habitants. Mais le SIDA fauche sous ses yeux un nombre effarant de pères et mères de famille en pleine force de l’âge. Quasiment chaque semaine, Andrew assiste à des funérailles.

 

Face à la souffrance, un cri vers le Ciel

« Cette période restera en même temps une des plus belles et une des plus dures de ma vie » assure-t-il. Il souffre beaucoup de voir la population décimée par la maladie et traverse un questionnement spirituel intense. « Nous sommes nés, nous souffrons et nous mourrons… est-ce qu’il n’y a que ça dans la vie ? » lance-t-il dans une prière de détresse.

De plus en plus, il ressent la présence du Christ à ses côtés. S’il ne sait pas encore ce qu’il fera de sa vie, il sait que ça sera avec Dieu. Il se met à prier et à lire la Bible tous les jours. Au cours de la deuxième année, il vit une expérience spirituelle forte et une conviction inattendue mais très claire, s’installe dans son cœur : il deviendra prêtre catholique missionnaire en Asie !

Cet appel est tellement intense qu’il prend son cheval – le moyen de transport local – et file vers la connexion Internet la plus proche. Il recherche des groupes catholiques sur le Web et raconte simplement ce qu’il a vécu. Il reçoit cette réponse d’un prêtre Maryknoll américain : « avant de devenir prêtre, tu devrais devenir catholique ! »

À son retour au Colorado, « Éducation universelle à la chasteté » a beaucoup grandi. Andrew prend la direction de l’œuvre et recherche les donateurs, organise les formations… il voyage beaucoup. Les volontaires de l’ONG délivrent un message d’amour de Dieu et de chasteté par des conférences de deux heures aux lycéens et aux étudiants. Les jeunes sont ensuite suivis par des formations plus approfondies, des clubs, des activités. La méthode est un succès et se répand bientôt en Ouganda, au Burundi et en Tanzanie. En dix ans, plus de 500 000 jeunes s’engagent à l’abstinence sexuelle jusqu’au mariage fidèle avec l’ONG. Ce travail est soutenu de façon très œcuménique par les différentes Églises chrétiennes.

 

La recherche d’une Église

Sur le plan personnel, cette vocation reçue au Lesotho lui paraît finalement moins claire. Il n’est pas catholique, a-t-il bien compris ce que Dieu voulait lui dire ? Et puis, il aimerait se marier. Pourtant, l’appel reste présent, comme un « murmure » au fond de lui. Pour en avoir le cœur net, il participe à une messe catholique : personne ne l’accueille, il n’y a pas de chants, et, à la fin, chacun retourne chez lui sans se saluer. Andrew doute ; cette Église ne l’attire pas.

Il intègre alors une Église évangélique où il trouve beaucoup de jeunes, des louanges… Toujours entier dans sa foi, il anime rapidement lui-même un groupe biblique.

Un jour, les membres de son groupe l’interpellent « tu travailles avec les catholiques dans ton ONG, ils ne sont pas vraiment chrétiens n’est-ce pas ? Ils prient les statues, ils adorent les saints… » Andrew pense à l’un de ses amis, prêtre en Ouganda… Il est convaincu que les catholiques sont de bons chrétiens mais il ne sait pas l’expliquer. Il promet de faire des recherches pour leur répondre.

Il se dirige d’abord vers le Catéchisme de l’Église catholique et c’est une révélation ! Il y trouve des références sur les Pères de l’Église. Il lit, cherche à bien comprendre et se sent de plus en plus catholique ! Il essaye de prier le chapelet pour la première fois.
Il se rend compte qu’il ne s’était jamais vraiment posé la question de la différence entre les Églises : anglicans, évangéliques, catholiques… ne sont-ils pas tous chrétiens ?

Il est surtout bouleversé par la présence réelle dans l’eucharistie « cet incroyable don que Jésus nous donne ». C’est l’élément qui lui manquait ! Il quitte les évangéliques à l’occasion d’un déménagement et trouve une paroisse catholique – très chaleureuse cette fois —. Il s’inscrit à un parcours de formation. « J’ai cherché le Seigneur avec un cœur ouvert et il m’a mené à sa mère et à son Église. » constate-t-il. Ses parents suivent de leur côté le même chemin vers l’Église catholique.

 

Découverte des sacrements et vocation

En 2015, il fait sa première communion et sa confirmation. Il a des difficultés à comprendre la confession : il est chrétien, il a l’habitude de demander pardon à Dieu, faut-il vraiment tout dire à un prêtre ? La peur le bloque, mais il y va en se disant que « la peur ne vient pas du Seigneur ». Cette première absolution le soulage d’un poids qu’il « ne savait même pas qu’il portait », il en a même des sensations physiques. Son confesseur lui dit à la fin : « Andrew, j’ai hâte d’aller à ton ordination », alors qu’il ne lui a jamais parlé de son projet de prêtrise !
L’appel à devenir missionnaire revient intensément dans son cœur et ses pensées. Il sent que le moment est venu. Il en parle à ses parents et ceux-ci pleurent de joie en lui avouant qu’ils pensaient qu’il deviendrait prêtre.

Il se met en quête d’une congrégation. Il prend contact avec les missionnaires Maryknoll, mais les trouve très engagés politiquement, ce n’est pas ce qu’il cherche. Il visite d’autres communautés, demande l’avis des prêtres et de l’évêque, mais personne ne semble savoir où le diriger.

Il entre dans la Société Notre Dame de la Sainte Trinité, qui lui propose de mettre en place un programme de chasteté au Belize en Amérique centrale. Il y passe six mois, sa mission marche bien, mais il se sent appelé à évangéliser des peuples qui ne connaissent pas encore le Christ. Le responsable des novices lui conseille de lire l’encyclique Redemptoris missio de Jean-Paul II.

Cette lecture marque fortement Andrew, le pape polonais parle exactement de sa vocation ! Elle doit donc exister quelque part ! Il quitte le noviciat et continue ses recherches sans succès.
S’est-il trompé d’appel ? Doit-il devenir prêtre diocésain ? Il confie son désarroi dans la prière et s’abandonne aux mains du Seigneur.

 

Vers la France

Quelques jours plus tard, il découvre les MEP en naviguant sur le site Internet des évêques asiatiques 3. Il veut s’informer mais tout est en français ! Avec l’aide de Google traduction il pense avoir enfin trouvé le charisme dont parle l’encyclique. Sauf que… cette congrégation est lointaine… les Français prendront-ils au sérieux cet Américain qui veut devenir missionnaire ? Il se décide à leur écrire en pensant « s’ils ont le même appel que moi, peut-être comprendront-ils ».

Son message est reçu avec bienveillance aux MEP par le Père Bernard de Terves qui parle parfaitement l’anglais ! Après quelques conversations par skype, il est invité à visiter les MEP pendant une semaine.

Andrew part pour Paris, rendu prudent par ses précédents échecs, il attend de voir si les MEP sont bien ce qu’il pense. Accueilli à la Rue du Bac, il ressent une paix profonde. Lui qui craignait l’incompréhension des Français est vite rassuré : « nous parlons la même langue, dit-il, celle de la mission ». Il discute longuement avec des prêtres MEP et se dit que cette fois, il a trouvé sa place !

En 2019, Andrew entre en propédeutique aux MEP puis au séminaire l’année suivante. Malgré la difficulté à apprendre la langue, il travaille énormément, aidé par ses frères séminaristes et réussit ses examens.

Au cours des études, il assimile les fondements de la foi catholique notamment sur l’eucharistie qui l’a tant porté. Il a maintenant hâte d’être ordonné.
Il veut servir l’Église et vivre parmi les gens Ad vitam : « Je suis disponible pour aller là où Dieu m’envoie » assure-t-il sereinement.

 

de Sophie Agueh

 

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1 / L’Ouganda a lutté contre la Sida grâce aux campagnes de promotion de la chasteté et de lutte contre la polygamie. La prévalence du VIH est passée de 21 % en 1991 à 5 % en 2001 dans le pays. Ce succès est documenté par le gouvernement américain. Voir le site : https://www.uceglobal.org/what-we-do/decrease-hiv-aids-stds/

2 / Les Maryknolls sont une congrégation missionnaire catholique américaine.

3 / La FABC, Fédération des Conférences épiscopales d’Asie

 

 

 

 

 

“Made for more” : Andrew’s missionary vocation 1/2

« Made for more » : The MEP Charisma 2/2


CRÉDITS

MEP