Aventures missionaire

« Inclure la voix des pauvres et des jeunes »

Publié le 16/05/2022




Ana Palma, 52 ans, est missionnaire consacrée de la communauté des Serviteurs de l’Évangile de la miséricorde. D’origine espagnole, elle vit dans le diocèse de Lingayen-Dagupan, région de Pangasinan aux Philippines, depuis six ans. Elle raconte l’expérience de sa communauté à l’annonce de la préparation du synode sur la synodalité dans l’Église qui se déroulera en octobre 2023 et dont le thème est : « Pour une Église synodale, communion, participation et mission ».
Aventure Missionnaire revue MEP Synode

Notre communauté des Philippines avec Mgr Socrates. De gauche à droite Rita, Ana, Manoli et Teresa.

Au mois de septembre 2021, notre évêque, Mgr Sócrates B. Villegas, a réuni une petite équipe de treize personnes parmi lesquelles je suis la seule femme. Il a choisi des prêtres ou des diacres représentants des neuf doyennés, un laïc représentant les écoles catholiques, un jeune et deux vicaires. Je me sentais indigne d’être dans cette équipe, mais en même temps j’étais très heureuse de pouvoir préparer le chemin vers le synode de 2023 dans notre diocèse. Nous sommes en train de vivre des moments historiques dans l’Église catholique ; c’est la première fois qu’un pape prépare un synode de cette manière. Le chemin part de la base vers le haut – si on peut utiliser cette image -, depuis le peuple de Dieu jusqu’aux évêques, et non pas à l’inverse. Dans le document préparatoire, se reflète bien le désir qu’a le pape d’écouter toutes les personnes, pas seulement les chrétiens et ceux qui travaillent déjà activement au sein de l’Église, mais bien tous. Il nous a demandé une « attitude de sortie » pour vraiment écouter tout le monde et recueillir les réponses de tous les secteurs sociaux. À partir de cette écoute, l’Instrumentum laboris sera élaboré pour le synode. C’est suite au synode qu’aura lieu la prise des décisions dans les programmes et les concrétisations pour l’avenir. Écouter, participer et discerner, ces trois verbes traversent tout le processus synodal.

 

Développement

À cause de la pandémie, nous avons fait toutes les réunions par zoom. Ce fut un nouveau défi et je me demandais : comment créer un esprit d’écoute, de dialogue et de participation de tous online ? Cela sera-t-il possible ? Mais comme l’Esprit saint ne connaît pas de frontières et est plus grand que tout, ça a été possible ! Nous avons élaboré ensemble une vidéo de présentation et un Power point pour le proposer au diocèse afin d’aider les prêtres à pouvoir expliquer la démarche synodale dans leurs paroisses. Nous avons égalementpréparé un guide avec les questions centrales que le pape nous a laissées et le matériel de base. On m’a chargée d’animer et de réaliser la présentation auprès des religieuses et des consacrées de notre diocèse.

Il y a eu un très bel accueil et un grand désir de participer. Dans notre diocèse, il y a deux couvents de vie contemplative, un de Clarisses et l’autre de Carmélites. Je suis allée personnellement les rencontrer pour leur partager le désir du pape d’écouter toutes les personnes et qu’elles, selon leur charisme et vocationspécifiques, puissent aussi répondre et apporter leur vision. Je suis allée également rendre visite, avec une sœur dominicaine, aux missionnaires de la Charité qui n’ont pas de téléphone portable mais seulement une ligne fixe. Nous leur avons donc remis les questionnaires et, ensuite elles ont rapporté leurs réponses à l’évêché.

 

Conversion

Tout ce processus nous a aussi demandé de nous convertir. Certains prêtres ont été surpris de ce que, dans les enquêtes, il s’agissait uniquement d’écouter et de recueillir les réponses. Nous avons dû préparer les curés de paroisse pour qu’au moment de faire la synthèse des réponses ils ne résument ou ne recueillent pas uniquement les « bonnes » réponses ou celles qui seraient les plus en accord avec l’Église. Leur dire qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, que tout est bien, puisque nous sommes tout simplement encore dans l’étape de l’écoute et que toutes les voix doivent être recueillies.

Dans ce sens, notre Église locale a encore besoin d’inclure davantage la voix des pauvres, de nombreux exclus, de personnes d’autres religions et des femmes, etc. Pour certaines congrégations religieuses, ce fut une surprise que le pape ait envie de les écouter, et pour certains prêtres, il leur a fallu aller à la rencontre des plus éloignés pour écouter ce qu’ils pensent de l’Église.

 

Les laïcs et les jeunes

Dans notre pastoral station (zone pastorale qui fait partie d’une grande paroisse), nous avons également travaillé ce chemin du synode avec les laïcs et les jeunes. Un dimanche après la messe, nous avons proposé à toute personne qui le désirait de rester dans la chapelle. Une dame engagée dans la paroisse et qui reçoit la formation dans notre communauté leur a expliqué l’esprit du synode et les possibilités d’y participer. Ensuite, les jeunes, par groupes, ont également répondu au questionnaire, selon leur vision des choses.

Les laïcs se sont répartis pour pouvoir rejoindre tous les secteurs possibles : les travailleurs des champs, les conducteurs de tricycles, ceux qui travaillent dans les marchés, les femmes qui sont à la maison, les personnes d’autres religions, celles qui travaillent dans les bureaux, etc. On nous avait demandé un nombre minimum de participants par paroisse pour que tous les secteurs de la société puissent être représentés.

 

Expérience dans notre communauté

Chaque communauté religieuse était invitée à répondre au questionnaire par communauté.  Dans la nôtre, nous sommes quatre missionnaires, deux Portugaises et deux Espagnoles. Nous avons consacré deux après-midis pour répondre ensemble. Pour que le processus soit synodal, nous avons d’abord prié cela chacune personnellement avant de le mettre en commun. Nous avons répondu chacune à toutes les questions, et même s’il y avait des opinions différentes, toutes les réponses ou points de vue devaient être pris en compte. Cela a été très riche et nous a demandé une profonde écoute et un respect de l’opinion de l’autre. Entre toutes les congrégations du diocèse, nous avons créé une équipe d’encoders, c’est-à-dire de trois religieuses qui s’occupent de passer toutes les réponses dans un document Excel. Avec ce document, je me suis chargée de faire un résumé de toutes les communautés pour l’envoyer à l’évêque.

Nous avons voulu profiter de tout ce processus pour notre propre diocèse. En recueillant toutes les réponses de chaque doyenné, des écoles et de tous les religieux, cela nous donne une très bonne vision panoramique pour le travail pastoral au sein du diocèse.

 

D’autres expériences du synode

J’aimerais partager aussi quelques expériences de l’esprit du synode qui signifie « cheminer ensemble, discerner ensemble et réaliser ensemble la mission ». La culture philippine est une culture très communautaire ; en elle le sens d’« aller ensemble », de « faire les choses ensemble » est implicite. Ce qui est surprenant c’est d’aller seul quelque part les Philippins ne peuvent pas le comprendre. Aujourd’hui encore, plus de six ans après mon arrivée ici, quand je vais acheter du pain au marché, on me demande : « Tu es venue seule ? Et ta compagne, où est-elle ? »

À Noël, nous avons fait deux très belles expériences de mission avec les jeunes. Une de ces missions s’est passée dans une zone assez pauvre, où nous voulions transmettre aux enfants le message de la naissance de Jésus. Ensuite, nous avons fait des jeux, et la fête s’est terminée par une merienda (un goûter philippin) et nous avons offert une paire de tongs à chaque enfant. C’est grâce à la générosité de différentes familles que nous avons pu offrir la merienda et les cadeaux. L’autre mission était une initiative des jeunes eux-mêmes qui voulaient partager leurs propres vêtements. Un après-midi, sur le chat de Facebook que nous avons, ils ont écrit ce message : « Celui qui désire partager l’un ou l’autre vêtement qui lui appartient, qu’il l’amène au hall de la paroisse. » Ce même après-midi, ils ont reçu tous les vêtements déposés, les ont triés et répartis en petits sacs. Le 24 décembre après-midi, ils sont allés vers le centre de la ville pour les partager à des personnes de la rue. Les jeunes étaient heureux d’avoir donné du « leur » et d’avoir pu être instruments del’amour de Dieu. Ils « avaient été Noël » pour d’autres.

Voilà ce que je pouvais partager, l’humble expériencede vivre notre mission en « ton de synodalité ».

 

Ana Palma, missionnaire des Serviteurs de l’Évangile, Philippines, diocèse de Dagupan

 

 


CRÉDITS

A. Palma