Aventures missionaire

Kim, une vie engagée

Publié le 21/01/2019




Par le P. Emmanuel Kermoal, MEP Elle s’appelle Kim. Elle est née il y a 52 ans dans une vieille famille catholique dans la province Kangwon, située au nord-est de la Corée. Cette région très montagneuse touche la Corée du Nord. Kim a deux frères et quatre sœurs. Elle a reçu le baptême pratiquement à sa naissance. Mais, sa vie ne fut pas toujours facile et cela l’a parfois amenée au bord du précipice.

Dans l’histoire de l’Église, il existe bien autre chose que les scandales, les hérésies, les schismes, les guerres de religions ou l’Inquisition. Nous savons qu’il y a eu des gens admirables, des saints et des saintes inscrits dans le livre des saints grâce à qui l’Église a pu jusqu’à aujourd’hui témoigner de Jésus Christ et de son Évangile. Ces saintes et saints sont connus. Par mieux, il y a des papes, des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses et, bien sûr, des laïcs. Nous pouvons remercier ces saints et saintes qui nous ont transmis l’essentiel de la foi. Aujourd’hui, je voudrais parler d’une personne qui ne sera jamais inscrite dans le livre officiel des saints et des saintes.

La sainteté du quotidien 

C’est une personne qui n’est jamais interviewée à la télévision.
Elle n’apparaît nulle part. Pourtant, c’est grâce à des personnes comme elle, que l’Église reste debout. C’est grâce à des personnes comme elle qu’on peut encore trouver de la joie et de l’espérance dans l’Église. Je suis missionnaire en Corée depuis quarante-quatre ans et, durant toutes ces années passées, j’ai eu la chance de rencontrer sur ma route des personnes comme Kim. Elles m’ont donné force, foi et espérance. Je ne pourrais jamais l’oublier.

Voici ce qu’elle m’a dit un jour : « Ma famille était pauvre. Mon père était un petit paysan de province. Il avait quelques lopins de terre qu’il avait du mal à cultiver car il ne travaillait pas beaucoup. Il passait ses journées à rencontrer ses copains et à boire de l’alcool. Arrivée à l’adolescence, je ne supportais plus cette vie de pauvreté. J’en voulais à mon père et je me suis mise à le haïr. J’ai arrêté d’aller à l’église et j’ai commencé à désespérer de tout. Un jour, j’avais 15 ans, j’en ai eu marre de la vie, et j’ai décidé de la quitter. J’ai pris une briquette de charbon qui servait à chauffer la maison, je suis allée dans une chambre, et j’ai respiré le gaz carbonique. J’ai perdu connaissance et je ne serais sans doute plus dece monde si un de mes frères n’était pas passé par là. Il m’a découverte inanimée et m’a amenée à toute vitesse aux urgences à l’hôpital. Il m’a sauvé la vie. Cette expérience m’a beaucoup marquée. Petit à petit, j’ai retrouvé la foi et je me suis accrochée à Jésus pour ne plus le quitter. » Après ce passage difficile,Kim a repris ses études et elle est sortie du lycée avec un diplôme de secrétaire qui lui a permis de trouver du travail à Séoul ou dans sa banlieue. Elle a travaillé comme secrétaire d’un professeur dans une université, puis comme secrétaire dans une pharmacie.

Sa dignité de mère de famille

Kim s’est mariée assez jeune avec un jeune homme qu’elle connaissait. Le mariage s’est d’abord bien passé. Elle aimait son mari et lui aussi l’aimait. Deux filles sont nées de cette union.

Mais, au fil des années, son couple a pris du plomb dans l’aile. Son mari s’est lancé dans des
business d’import-export. Le résultat est qu’il a échoué dans presque tout ce qu’il a entrepris et il s’est retrouvé avec des dettes. À partir de ce moment, il a pris ses distances avec sa famille ne voulant leur causer des ennuis à cause des dettes. Petit à petit, il ne rentrait àla maison que tous les deuxou trois mois et il repartait on ne sait où. Depuis quelques années, son mari ne donne plus de signe de vie. Kim a dû élever ses deux filles pratiquement seule. En plus, elle accueille aussi chez elle, sa vieille maman. « J’ai tiré un trait sur ma vie de couple », m’a-t-elle dit, « J’ai essayé de donner une bonne éducation à mes filles qui me conseillent de divorcer. Mais je ne le ferai pas. J’aime toujours mon mari et, s’il revient, je l’accueillerai, mais maintenant je fais ma vie sans lui. » Derrière ces mots très sobres, on peut deviner la douleur de Kim devant l’échec de sa vie de couple. Mais, cela ne l’empêche pas de garder sa dignité et d’être une bonne mère de famille. En 2007, elle a été appelée à travailler à la Mission ouvrière, comme permanente de l’ACE, le mouvement des enfants. Cette année en désaccord avec le nouveau responsable, elle a décidé de quitter la Mission ouvrière pour aller travailler dans un centre de prêtres soit en retraite soit en pastorale spécialisée.

La vie ordinaire d’une femme extraordinaire

Kim a une vie ordinaire. Rien ne la distingue des autres. Mais, quand on la connaît bien, on découvre une personne extraordinaire et surtout une chrétienne dont la foi pourrait être montrée en exemple à beaucoup.Pendant de longues années, la vie de Kim commençait à 5 heures du matin. Avant d’aller au travail, elle faisait une heure de méditation des textes de la messe du jour et ensuite elle allait à la messe quotidienne dans sa paroisse. « C’est cela qui me donne la force pour mener ma vie » m’a-t-elle dit. Parfois, elle emmenait ses deux filles quand elles le voulaient bien. Pour quelqu’un qui va au travail tous les jours se nourrir ainsi de la parole de Dieu et la méditer, ce n’est pas quelque chose de facile. De nos jours, il y a tellement de tentations qui nous guettent : la télévision, internet, le téléphone portable, les jeux. Kim a choisi de méditer la parole de Dieu tous les matins et de se nourrir de l’Eucharistie pour commencer sa journée. Depuis le début de cette année, Kim a arrêté de travailler à la Mission ouvrière. Travaillant dans un centre où il y a des prêtres, elle doit s’y rendre tôt et ne plus aller à la messe du matin.

Dans ce centre où il y a une dizaine de prêtres, on n’a pas prévu de messe pour les employés qui souhaiteraient avoir l’Eucharistie. Même si elle n’a plus l’Eucharistie quotidienne, Kim se nourrit tous les joursde la Parole de Dieu. Elle me rappelle l’importance que laParole de Dieu, lue, écoutée et méditée et pratiquée tous les jours, peut avoir dans nos vies.

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Un trésor pour l’Église

En fait, si on regarde bien, depuis de longues années, pratiquement depuis le temps où elle a repoussé la tentation d’en finir avec la vie, la vie de Kim est une vie engagée dans l’Église, pour l’Église, pour l’Évangile, avec les chrétiens qu’elle rencontre. Plus concrètement, aujourd’hui, en plus de sa vie de travail, toute sa vie est consacrée aux enfants et aux jeunes du mouvement de l’ACE. Tout le temps libre qu’elle a, à part une part consacrée à sa famille, tout le reste, elle le donne au mouvement : réunion d’équipe, sessions de formation, rencontre avec les parents.

« Je suis heureuse de donner ce temps aux enfants et aux jeunes. Pouvoir annoncer la Bonne Nouvelle à tous ces enfants et à tous ces jeunes, c’est ma plus grandes joie. Ce n’est pas toujours facile car les jeunes d’aujourd’hui sont un peu déboussolés par toutes les tentations que la société moderne leur propose. J’essaie d’être à leur écoute et de leur apporter la joie de l’Evangile. C’est cela qui fait la joie de ma vie quotidienne. » Depuis des années Kim travaille avec des prêtres. Par-fois elle en est très proche. Elle connaît bien les défauts, les imperfections des prêtres. Il lui arrive parfois d’être choquée par certains comportements d’autorité des prêtres. Mais cela ne l’empêche pas de rester fidèle à l’Église, à l’Évangile. La vie de Kim n’a rien d’extraordinaire, mais sa fidélité à la Parole de Dieu qu’elle médite une heure tous les jours, sa fidélité à l’Eucharistie, son engagement sans faille auprès des enfants et des jeunes dans la discrétion et l’humilité, en font une personne exceptionnelle qui nous fait aimer l’Église de Jésus Christ malgré toutes ses imperfections. Notre Église, aujourd’hui encore, a besoin de personnes comme Kim qui, sans bruit, donne le goût de l’Évangile à tous ceux qui, un jour, ont croisé leur route. Comme beaucoup d’autres avant elle et après elle, Kim est un immense trésor pour l’Église.