Aventures missionaire

La construction du presbytère avance à petits pas

Publié le 13/05/2021




À Myé Gné, près de Mandalay, la construction du presbytère où réside le père Prodhomme n’avance pas. Il n’était toujours pas raccordé au réseau électrique après quatre ans de vaines demandes. Récit d’un parcours du combattant entre pandémie, contraintes administratives et corruption de fonctionnaires.
P. Olivier Prodhomme MEP

Le Père Olivier Prodhomme célèbre la messe chez des particuliers

Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34). Et « déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il prend soin de vous » (1P 5, 7).

Voici quatre ans déjà que je réitère mes demandes pour avoir l’électricité, être raccordé au réseau national. Quatre ans que j’entends les mêmes réponses, à savoir : « Votre dossier et en cours. Vous êtes installé sur le terrain qui appartient à la compagnie nationale des chemins de fer du Myanmar, vous devez trouver un compromis avec eux. Vous êtes trop éloigné de la ligne principale pour vous raccorder. On peut vous raccorder, mais cela coûtera trop cher. »

 

Cadeaux de Noël

Bref, les réponses se succèdent et le dossier n’avance pas. Pourtant, depuis quatre ans, à chaque Noël, tous ces différents groupes de fonctionnaires reçoivent un petit cadeau. Mais rien n’y fait.

Décembre 2020, Noël arrive et, cette fois-ci, Dieu semble disposé à m’aider dans ce projet. Je reçois l’information que la compagnie nationale d’électricité est disposée à me raccorder au réseau. Les fonctionnaires en charge du dossier souhaitent me rencontrer pour finaliser l’opération. Après concertation, tout est cadré enfin. Nous sommes d’accord sur l’estimation et sur le calendrier du déroulement des travaux. Mi-janvier 2021, la ligne est enfin plantée, poteaux, fils haute tension, transformateurs, barrières de sécurité, compteur…, bref tout est enfin prêt, il ne reste plus que les trois câbles à raccorder. Le temps passe et les trois derniers câbles restent pendus en l’air, comme si le temps s’était arrêté. On m’explique que, pour le raccordement final, je dois passer un nouveau compromis avec les fonctionnaires accrédités. Pourtant, tout est déjà payé : matériaux, pose de la ligne, main-d’œuvre, etc. Mais non, il faut de nouveau se montrer généreux pour finaliser le projet. Je décide d’attendre, malgré mon impatience de voir se réaliser ce projet tant attendu. Les groupes de fonctionnaires se succèdent pour vérifier la qualité du chantier et de son installation. Ils reçoivent tous une petite enveloppe mais les trois câbles restent bien suspendus dans le vide.

 

Le voyage Mandalay – Rangoun

On me fait signe que mon visa a été prorogé pour un an et que je dois me rendre à Rangoun pour récupérer mon passeport. Nous sommes en temps de Covid, les démarches se succèdent pour entreprendre ce voyage depuis Mandalay. Je reste seulement deux jours à Rangoun, le temps de récupérer mon passeport. Mais pour le retour, les règles ont évolué́. Un test PCR négatif est exigé́ pour reprendre l’avion vers Mandalay. Je me rends donc au point de dépistage afin d’obtenir un test. Arrivé très tôt le matin, on me donne le numéro 338. Je sens que l’attente sera longue et fastidieuse. Je décide de me mettre un peu à l’écart sur les marches de l’ancien hôtel de la ville de Rangoun. Assis là, je regarde tout ce petit monde qui, comme moi, attend son tour. Je remarque les impatients qui glissent discrètement quelques billets dans la poche de l’infirmier qui garde l’entrée, ceux qui arrivent accompagnés de fonctionnaires et qui n’ont pas besoin de numéro, bref je m’aperçois que je suis plus près du numéro 500 que de celui que j’ai en main. Une jeune Birmane vient me rejoindre sur les marches de l’hôtel de ville. Une belle et gracieuse jeune dame, vêtue de la tenue traditionnelle, avec ses longs cheveux. Elle est, comme tous les autres Birmans qui attendent, plongée sur son téléphone portable. Facebook, Instagram, Twitter sont le loisir quotidien des Birmans, tous âges confondus. Nous ne nous rencontrons donc pas. Soudain mon téléphone sonne. C’est Tante Merry, une parois- sienne qui me demande des nouvelles et souhaite me rencontrer. En fait, Madame Merry m’apporte chaque semaine une pâtisserie qu’elle confectionne elle-même. Elle vient d’avoir une nouvelle recette par sa fille et est impatiente de m’apporter le gâteau qu’elle souhaite faire. Nous échangeons donc au téléphone sur ce sujet, puis nous parlons de la situation sanitaire du pays, de mon retour à la paroisse et d’autres banalités courantes. Nous terminons par les traditionnelles bénédictions de part et d’autre selon les coutumes locales.

Au moment de raccrocher, la jeune Birmane assise à mes côtés se tourne vers moi me félicitant pour mon usage de la langue birmane. Effectivement, bien qu’accaparée par ses applications téléphoniques, elle avait suivi toute ma conversation.

Nous entamons donc une discussion et nous nous présentons. Elle travaille dans une banque locale, très heureuse de sa position sociale et de son salaire, heureuse également de vivre à Rangoun.

 

Une conversation providentielle

Je lui présente alors mon état de prêtre missionnaire catholique, mais, à l’évocation de mon statut, elle disparaît. Je décide de ne pas faire attention. Les Birmans sont parfois imprévisibles ! En fait, elle est allée à la recherche d’une chaise pour moi, jugeant indécent qu’un prêtre s’asseye sur des marches en ciment. Je tente de refuser son offre mais, devant son insistance, je finis par accepter sa délicatesse. Nous continuons de nous présenter. Elle me confie une déception, elle devait se fiancer, mais quelques jours avant la cérémonie de fiançailles, elle s’est rendu compte de l’infidélité de son petit ami. Très déçue par cette inconstance, elle ne se montre pas très tendre avec les jeunes garçons birmans : buveurs, fêtards, infidèles… Elle me confie qu’elle ne compte plus entreprendre de nouvelle relation et préfère s’engager dans la voie du célibat.

Je lui confie alors mes petits soucis du moment. Un presbytère dont la construction n’avance pas, à cause de milliers de contraintes administratives, et une installation afin de recevoir l’électricité́ qui est suspendue dans les airs. Je lui confie tout mon désarroi, car beaucoup d’argent a été engagé dans ces deux projets qui semblent impossibles à terminer. Elle m’écoute et me répond que, pour mon presbytère, elle ne me sera d’aucune aide, mais, par contre, sa sœur travaillant à la direction générale de la compagnie qui alimente le pays en électricité́, elle lui en touchera deux mots ; elle me demande alors mon numéro de téléphone.

11 h 30 sonnent, on annonce que le centre de dépistage ferme et qu’il rouvrira à 13 h 30. C’est la pause déjeûner et le numéro 200 n’a pas encore été appelé́. Je lui propose d’aller manger une assiette de riz ensemble dans les petites échoppes derrière la place. Elle accepte, je commande du riz frit et elle une assiette de nouilles birmanes à la manière de Bagan. Mais, au moment de payer, elle refuse que ce soit moi qui règle la note. De nouveau coutumes et traditions locales veulent que le commun des mortels invite un prêtre et non l’inverse. Je ne discute pas car je sais que je n’aurai pas gain de cause.

 

Formules locales de bénédiction

13 h 30 sur nos montres, nous regagnons nos places et pour elle très vite son numéro est appelé́, nous nous quittons donc de nouveau avec les formules locales de bénédiction. Quant à moi, j’attends patiemment. Finalement, je serai dans la dernière dizaine et, à 17 h 40, je quitte le centre avec un test Covid négatif qui, finalement, ne me sera d’aucune utilité́ car, au moment de prendre l’avion, le délai du test, valable 36 heures, est dépassé́ de 45 minutes. Je n’ai pas pu prendre l’avion. J’ai dû repasser un test et racheter un billet ! Cette histoire aurait pu se terminer ainsi, mais, hier au soir, j’ai reçu un appel téléphonique de cette jeune Birmane rencontrée sur les marches de l’ancien hôtel de ville de Rangoun. Elle a parlé́ de moi à sa sœur. Mon dossier a été consulté et ne présente aucune anomalie. Comme pour la plupart, je dois mon sort aux petits fonctionnaires de base corrompus. La compagnie a donc exigé que les fonctionnaires locaux terminent mon installation et que, selon ses dires, ce matin même les ouvriers viendraient faire en sorte que ma ligne électrique soit ouverte, que le compteur soit posé avec les scellés d’usage.

Eh oui, depuis tôt ce matin, les ouvriers sont là et s’activent, car tout doit être opérationnel avant ce soir. Tout finit donc par s’arranger ! À quand une rencontre pour la reprise des travaux du presbytère ?

 

P. Olivier Prodhomme, MEP

 


CRÉDITS

Revue MEP