«Il faudrait que chaque passant puisse être interpellé par le Christ et goûter un peu à la miséricorde de Dieu. » C’est ainsi que le père Henri, fondateur d’une petite communauté locale chargée d’annoncer la miséricorde divine, parlait du projet artistique monumental qui orne le fronton de la toute dernière église de Port Bergé. Elle est placée le long de la seule route qui lie le nord et le sud du pays, juste à l’entrée de la ville.
Jésus miséricordieux
Nous espérions interpréter, par le moyen de la mosaïque, un Jésus miséricordieux, version sœur Faustine, de quatre mètres sur trois. Pourquoi en mosaïque ? Car le père Bertrand a eu cette idée originale et que le père Gabriel aime les projets artistiques qui s’annoncent rocambolesques. La mosaïque est un bon format à Madagascar car on trouve, ici, toutes formes et couleurs de roches et, si elle est bien réalisée, elle peut braver les cyclones et tenir quelques dizaines voire centaines d’années. Seulement, un travail titanesque nous attendait et Ian Knowles, un artiste anglais plein d’expérience, que nous avons consulté sur ce projet, a parfois douté de sa faisabilité. Lorsque je suis arrivé en 2018, l’église était déjà construite et le projet germait dans les esprits. Bien qu’il n’existât, alors, aucune école d’art à Madagascar, les Malgaches ont de l’or dans les mains, ils sont très habiles, de plus la terre est riche de toutes sortes de pierres colorées. Et bien que je ne connaisse rien à l’art de la mosaïque, mais formé à l’iconographie, je m’enthousiasme immédiatement pour ce projet. Nous avons alors lancé un concours national à la radio, pour constituer une équipe. Il fallait trouver les cailloux, les sélectionner, couper 50 000 à 100 000 tesselles de 2 cm de côté, réaliser le dessin préparatoire, former une équipe d’artisans locaux, trouver les financements, etc. Le chantier a commencé en juin 2020.
La belle aventure de Sary Masina Boriziny
Aujourd’hui, nombreux sont les passants, croyants et non croyants qui sont interpellés par la puissance et la grandeur associée à la vision de sœur Faustine. Cette mosaïque, inspirée du style byzantin, diffuse cette image héritée de la divine miséricorde. La paroisse est, depuis, élevée au rang de sanctuaire diocésain de la Divine Miséricorde. Il rassemble de nombreux pèlerins.
P. Gabriel de Lépinau, MEP
Un sanctuaire dédié à la miséricorde de Dieu
Monseigneur quel était votre rêve et quelles sont vos espérances pour ce sanctuaire de la Divine Miséricorde dans le diocèse de Port-Bergé et pour l’Église malgache ?
Nous avons imaginé le sanctuaire de Port-Bergé comme un lieu destiné à rassembler beaucoup de gens, comme une invitation à prier et à voir la miséricorde. L’église a été consacrée le 5 octobre 2019, jour de la fête de sainte Faustine. Je rêvais de créer, sur ce site, un lieu de pèlerinage, car il n’existe pas de sanctuaire proprement dédié à la miséricorde de Dieu ici, à Madagascar. Or, tout le monde a besoin de la miséricorde. Je souhaite que cet endroit devienne un vrai lieu de prière et de grâce, un lieu de rassemblement pour prier les uns les autres et prier pour les uns et les autres.
Pourquoi cette image si grande du Christ sur le fronton de l’église ? Que vouliez-vous nous transmettre ?
Dans mon diocèse, de nombreuses personnes ne savent ni lire ni écrire. Voir, découvrir, s’arrêter pour regarder une image peut beaucoup marquer les esprits, bien plus que des paroles ou un enseignement classique. Sur la route nationale qui longe le site, les passants voient immédiatement l’image de Jésus miséricordieux et ils peuvent s’émerveiller. C’est très émouvant. Beaucoup de non-chrétiens voient cette mosaïque et s’interrogent sur le sens de cette image. Tous sont interpellés par cette œuvre. Cette initiative peut aider à l’évangélisation car, dans notre diocèse, il y a très peu de chrétiens. Sur une centaine de chrétiens, quatre, peut-être, sont catholiques. Cette image peut interpeller sur le sens de la miséricorde de Dieu.
Pouvez-vous nous donner des témoignages, des signes et exemples vivants de cet accueil de la miséricorde de Dieu dans le diocèse ?
Lorsque le père Henry, un père polonais missionnaire de la Sainte Famille, est venu ici, j’étais très heureux de le recevoir car il cherchait un diocèse où il pourrait travailler et enseigner la spiritualité de la miséricorde de sainte Faustine, elle-même polonaise. J’ai pensé que ce serait une bonne occasion pour promulguer cette dévotion de la miséricorde. Je l’ai accueilli chaleureusement ici. Puis, nous avons élevé cette église et avons parlé du chapelet de sainte Faustine. Beaucoup de croyants font le chapelet de la miséricorde et bon nombre de Malgaches s’y intéressent. Nous avons voulu montrer, de façon concrète, l’amour de Dieu, l’amour du prochain. Cette fresque montre la miséricorde de Dieu, en action. Nous voulions montrer que l’Église est sensible aux préoccupations quotidiennes des Malgaches : en leur parlant, en les écoutant, en les aidant à prier. Beaucoup de témoignages vont dans ce sens. Les fidèles et des non-croyants y trouvent une aide. Cette image les soulage dans leurs souffrances. Ils savent qu’ils peuvent se tourner vers Jésus miséricordieux pour alléger leurs peines et douleurs qu’elles soient d’ordre familial, de santé ou autre. Ici, ils reçoivent des grâces, certains y trouvent une sorte d’apaisement spirituel ou encore une stabilité dans leur foyer. En outre, ce sanctuaire abrite les reliques de saint Jean Paul II et de sainte Faustine. Cette proximité avec les saints qui ont promulgué la miséricorde renforce donc le caractère spirituel du lieu. L’espérance anime les chrétiens de Madagascar. Lors de la première célébration du dimanche de la miséricorde, plus de 5 000 personnes ont afflué de toute l’île. Certains parcourant de très longues distances impliquant plusieurs jours de voyage. Ce qui témoigne de leur foi et de leur confiance en Jésus miséricordieux. Cet enthousiasme formidable nous encourage à poursuivre le chemin spirituel du chapelet de la miséricorde. Aujourd’hui, dix-sept diocèses proposent ce chapelet. Si tant de personnes prennent le temps d’entreprendre de si longs et si difficiles voyages, c’est bien la preuve qu’ils trouvent l’aide de Dieu. C’est un très fort encouragement pour nous. La fête de la consécration du sanctuaire fut une belle réussite.
Que retenez-vous de cette grande journée ?
Ce fut une très belle fête de grâce pour tous ceux qui sont venus participer à cette journée de joie et de recueillement. Du nonce apostolique, au cardinal, aux neuf évêques venus ensemble, aux prêtres, religieuses et religieux et si nombreux laïcs, tous ont été émerveillés par cette fête de Jésus miséricordieux. Lorsque je suis monté sur l’échelle bénir l’image mosaïque sur le fronton, tout le monde était stupéfait, pensant que l’évêque allait tomber. Eh bien non, je ne suis pas tombé. Quelle merveille ! Cette image aide vraiment les visiteurs à réfléchir sur la portée de l’amour de Dieu pour nous tous. Des habitants venus de vingt-deux diocèses ont assisté à la célébration. Dieu nous bénit par ses saints, par cette image, par son peuple. Je suis très heureux, et fier aussi, du message qui est passé ce jour-là. Chacun garde un bon souvenir de cette célébration. Le nonce apostolique a souligné, dans son discours, que « c’est d’ici à Port-Bergé que va commencer et se propager la dévotion à la miséricorde divine ». Il nous a encouragés à y préparer le Grand Jubilée 2033. Aujourd’hui, chaque diocèse de Madagascar commence à célébrer la miséricorde de Dieu, surtout le deuxième dimanche de Pâques. C’est un véritable engouement, une belle réussite. Ici, dans notre petit village, le pèlerinage a déjà commencé. Les chrétiens du diocèse viennent régulièrement, ceux d’autres régions nous rejoignent également. Bon nombre de Tananarive, d’autres de Mahajanga, d’autres encore de Mandritsara, pourtant situé à 320 km d’ici. Malgré les mauvaises routes, ils prennent la peine de venir ici, ils ont suivi leur foi. Quelle belle reconnaissance pour cette image qui attire de plus en plus de monde. Lors du prochain congrès eucharistique, qui se déroulera à Diego du 23 au 25 août 2024, plusieurs évêques, mais aussi de nombreux croyants, mués par le désir de prier ensemble, passeront certainement dans ce sanctuaire. Il est sur la seule route qui mène vers Diego. Dieu merci.
P. Gabriel de Lépinau, MEP