Aventures missionaire

La mission prend place dans l’accompagnement

Publié le 29/07/2020




Envoyé au Vietnam et à Hong-Kong, le Père Paul a vécu au contact des jeunes populations les différentes révoltes depuis les terribles manifestations de la place Tiananmen. Pour lui, la mission passe aussi par les nombreux combats de la justice sociale.
Missions Etrangères de Paris MEP

Vigile pascale en petit comité et retransmise en direct sur Facebook.

Mon père disait souvent : « On en apprend tous les jours. » Orphelin de bonne heure, à l’âge de neuf ans, papa savait traire les vaches, labourer les champs, rentrer les fourrages et les moissons… puis il apprit à dresser les chevaux, à faire « les coupes » dans les forêts. Avec maman il sut élever une grande famille et payer de sa personne pour élever ses enfants. Comme maman, il avait du courage et surtout l’humilité de dire, tout au long de son expérience et de quelques échecs : « On en apprend tous les jours un peu plus ! » C’est ainsi que mes parents vécurent une vie très missionnaire.

Mon âge aujourd’hui me rapproche du grand âge de mon père. Ceci m’aide à découvrir que nos vies missionnaires sont remplies de bons souvenirs. Plus nous nous laissons façonner et animer par les attentes et besoins des gens, plus nous devenons missionnaires. La vie du missionnaire n’est pas d’abord faite du courage de partir ailleurs et de la volonté d’annoncer la Bonne Nouvelle. C’est plutôt l’écoute de la Parole et la Présence de Dieu qui invitent le missionnaire à s’insérer dans la vie des gens. Le missionnaire est accueilli et « en apprend tous les jours ». Il accompagne ceux qui reprendront ses initiatives pour mieux les réaliser. Souvent, il accompagne simplement celles ou ceux qui prennent de bonnes initiatives !

Je voudrais ici partager quelques expériences missionnaires vécues dans l’accompagnement de jeunes gens ou de leurs jeunes communautés, au Vietnam et à Hong-Kong. Au Sud-Vietnam, de 1967 à 1976, j’ai découvert un des chemins de la mission. Vivant à la paroisse Saint-François- Xavier, dans le centre catholique de Cholon, je fus embarqué dans un tissu de relations humaines en monde chinois. Un catéchiste m’introduisit dans des quartiers de banlieue, à Phu Tho et Phu Tho Hoa, où vivaient de pauvres gens, souvent atteints de maladies incurables, telles que la lèpre, la pneumonie et la poliomyélite. De nombreux enfants étaient dépourvus d’une éducation scolaire primaire.
Une trentaine de jeunes amis, chrétiens et non chrétiens du centre-ville, ont voulu venir me retrouver dans ces milieux où ils n’avaient jamais mis les pieds… Ils ont découvert avec moi, et mieux que moi, les besoins des familles et des enfants. Entre eux, ils ont formé une communauté pour y faire quelque chose. Trois fois par semaine, ils ont visité et informé les familles et édiles des voisinages qu’ils allaient créer une école du soir pour jeunes non scolarisés. Ils ont réalisé ce que je n’aurais su accomplir moi-même. Ils ont créé des relations vivantes, fraternelles et efficaces, répondant aux besoins primaires dans l’éducation, puis dans les plats cuisinés, la couture. Des enfants paralysés ont été introduits dans un des rares hôpitaux spécialisés en polio. Celui que beaucoup connaissaient comme « fantôme d’étranger » devint un de leurs amis. La mission passe par les nombreux actes de charité et l’accompagnement du bénévolat. Mais la mission passe aussi par les nombreux combats de la justice sociale. Je l’apprendrai mieux à Hong-Kong.
De 1978 à 1994, les Jocistes de Hong-Kong (membres de la Jeunesse ouvrière chrétienne) me formèrent à la révision de leur vie et de leurs actions, pratiquée dans leur mouvement, en groupes de base. La révision de vie commence par « voir » et « écouter », un lent proces- sus pour mieux connaître et comprendre ce qui marque la vie de chaque jeune employé ou membre d’une famille. La révision de vie nous aide à passer de causes à effets ; elle nous conduit à mieux voir et comprendre, donc à trouver les moyens et le chemin qui conduiront à corriger une situation personnelle ou commune qui fait mal. Ceci nous aide à chercher la voie pour une action qui nous rend solidaires pour faire face et résoudre un problème. Rien ne changera sans ta participation : nous avons besoin de ta réflexion, de ta sagesse et de ta patience pour améliorer notre vie commune et nous rendre heureux.

Les événements de Tiananmen
C’est aussi à travers la révision de vie que des personnes sont motivées à s’impliquer dans une action protégeant les droits des hommes et promouvant la justice sociale. En 1989, j’ai été ému et secoué par les événements de Pékin sur la place Tia- nanmen. Les copains de l’usine où je travaillais ont fabriqué des étendards pour participer à des marches en soutien aux étudiants de Chine. Trois millions de personnes ont marché dans les rues de Hong-Kong, j’y ai vu des Hongkongais porter des drapeaux rouges étoilés. Ils vivaient corps et âme avec les jeunes sur la place Tiananmen, rêvant de démocratie, voulant le respect du droit de vote et supprimer la corruption. Ils voulaient procéder à un dialogue qui éviterait l’avancée des chars sur la place et sur les étudiants. Dans le centre de la Jeunesse ouvrière chrétienne de Hong- Kong, cette nuit-là, j’ai pleuré avec d’autres en voyant les chars contourner un manifestant pour foncer sur les jeunes. Le lendemain, nous nous sommes retrouvés dans un stade de l’île de Hong- Kong pour prier et chanter, en soutien mutuel et en soutien aux aspirations d’un peuple de jeunes en recherche de solidarité. Très vite, des nouvelles alarmantes circulaient : des éléments perturbateurs à la solde du système étaient
présents en divers lieux du territoire de Hong-Kong, pour y appliquer les directives de Pékin. Les gens parlaient silencieusement.

Des années de mécontentement
Le 1er juillet 1997, le secrétaire général du Parti vint de Pékin à Hong-Kong pour y recevoir allégeance du gouvernement local. Celui-ci est désigné et supervisé par le pouvoir central, dans le concept et l’espace prévus « un pays, deux systèmes », Hong-Kong conservant sa caractéristique capitaliste, utile au territoire lui-même et à toute la Chine. Toute la production des usines est déjà passée sur le continent. Les banques et le port de Hong-Kong sont au service du continent et du commerce chinois.
Ce même 1er juillet 1997, un contingent de plus de 6 000 soldats passe la frontière de Hong-Kong et s’installe en différents points du territoire. Le chef du gouvernement local se trouve entre le marteau et l’enclume, entre la Chine et la population locale. Le slogan « un pays, deux systèmes » aura une vie trop courte et trop fragile pour fixer l’avenir de Hong-Kong.
En 2012, les Hongkongais expriment dans la rue leur mécontentement, car leurs droits démocratiques sont de plus en plus menacés, la montée des prix de l’immobilier détruit leur chance d’acquérir un logement familial. Les chrétiens ne peuvent pas ignorer ces voix, ils s’en inquiètent et les soutiennent, d’autant plus que, cette même année, la main de Pékin cherche déjà à s’ingérer dans les affaires locales pour réécrire l’histoire enseignée dans les manuels scolaires !
En 2014, les électeurs de Hong-Kong réclament des élections au suffrage universel. La Fédération des étudiants s’oppose à la désignation, agréée par Pékin, des futurs candidats à l’élection du chef de l’exécutif. Ils organisent une campagne de désobéissance civile et, paisiblement, occupent tout le centre de Hong-Kong. C’est le mouvement dit « révolution des parapluies ». De septembre à décembre, ce mouvement a galvanisé la jeunesse et provoqué des émeutes dans la société. Il m’est arrivé de marcher avec ces manifestants, d’être appelé à participer à des moments de prière organisés par eux et à célébrer l’eucharistie.

Un combat difficile
Au fil des années, Hong-Kong se rapproche d’une date fatidique : 2047. Hong-Kong pas- sera alors au slogan « un pays, un système » et sera intégrée au système de Pékin. Avant 1997, les gens de Hong-Kong ont pensé et espéré que la Chine s’ouvrirait et qu’ils parti- ciperaient à cette ouverture… En l’an 2019, le moment est venu de défier Pékin. Les dirigeants chinois tentent de faire passer à Hong-Kong une loi nouvelle, obligeant « certains auteurs d’infractions aux lois » à être extradés vers la Chine pour y être jugés ! La cheffe de l’exécutif de Hong-Kong collabore… Autrefois, les gens s’adaptaient aux situations de vie et du travail à Hong-Kong. Ils pensaient aller vers de meilleurs jours. Le gouvernement local, comme celui de la Chine, fut pris au dépourvu par les manifestations de la jeunesse qui réveille les anciens, défie Pékin et refuse de se laisser phagocyter par un régime autoritaire. Il est temps de réagir et de « penser le futur avec nous : nous ne sommes pas des émeutiers, nous refusons la tyrannie ».
Ceci conduit à une escalade des émeutes et aux revendications suivantes : retirer le projet de loi concernant l’extradition et le jugement en Chine. Il faudra trois mois de réclamations… ce qui conduit à renforcer le mouvement populaire et ses demandes. Les manifestants étant blessés, beaucoup dis- paraissent sous les coups de la police ou de ses alliés, triades à la solde de la Chine… On demande le dédommagement des blessés, des enquêtes sur les brutalités de la police et la libération des détenus.
Pas de réponses à ces appels. Hong-Kong a beau être la troisième place financière de ce monde, la vie y devient de plus en plus chère et complexe. « Notre gouvernement se plie aux exigences de Pékin, il ne fera rien, ni pour instaurer des réformes démocratiques, ni pour répondre à nos revendications. » Le combat est difficile, mais les manifestants hongkongais savent que s’ils perdent cette bataille, leur avenir est mal parti.
Nous continuerons de croire à un mieux-être humain et à prier pour un mieux vivre ensemble. Mon père disait « il faut y croire » ; mais sur ce chemin-là, « on doit encore en apprendre ».

 

Père Paul, MEP

 

 

 

 

 

 

 

 

 


CRÉDITS

revue MEP