Malgré une longue frontière commune et de nombreux échanges commerciaux avec la Chine, la Birmanie a été longtemps libre de toute contamination. Plusieurs raisons étaient évoquées pour expliquer ce phénomène. Pour beaucoup, les 500 000 bonzes du pays, qui récitent quotidiennement des prières pour le bien de la communauté, étaient la plus sûre protection contre le virus. Pour l’étendre sur tout le territoire, le 2 avril, un groupe de sayadaw (chef de monastère bouddhiste) a survolé le pays en chantant les parittas (prières de protection). D’autres assuraient que le régime alimentaire birman riche en ail, en oignon et en piment empêcherait la contamination. Pour certains, c’est le climat du pays qui les préserverait de la pandémie. Enfin, avec humour, on évoquait la mauvaise qualité des produits made in China envoyés en Birmanie pour se persuader que le virus ne ravagerait pas le pays. Mais le 23 mars 2020, cette illusion d’un îlot libre du coronavirus, s’est brisée. En effet, à Tedim (État Chin) et à Yangon, deux cas ont été identifiés, suivis lentement par d’autres. Tous ces premiers patients ont été contaminés à l’étranger (aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie…). Lentement, le virus se propage maintenant à l’intérieur du pays. Le 11 mai, le gouvernement dénombre 180 cas et neuf décès. L’État semble bien gérer l’épidémie. Cependant, comme le soulignait le cardinal Bo, la Birmanie est « une nation pauvre, dépourvue des ressources médicales » nécessaires en cas de nombreuses contaminations. De plus, le Tatmadaw (armée birmane) lutte toujours contre des groupes armés séparatistes, tout particulièrement dans l’État Rakhine et dans le sud de l’État Chin où sévit l’Arakan Army. En tout, plus de 184 300 personnes[1] sont forcées de vivre dans 128 camps répartis dans les États Kachin, Karen, Shan et Rakhine, sans les services d’hygiène, médicaux et de soins adéquats. Enfin les conditions de vie de la grande majorité des Birmans rendent impossible la mise en place d’un strict confinement et l’isolement des personnes malades. Toutes ces conditions rendent le pays extrêmement vulnérable et dépendant de l’aide de ses voisins pour faire face à la pandémie.
Les célébrations publiques annulées
La petite communauté catholique de Birmanie contribue au mieux de ses capacités à soulager le pays. À travers les services de la Karuna Mission Social Solidarity (KMSS), équivalent de la fondation Caritas en Birmanie, l’Église vient en aide aux populations les plus vulnérables en distribuant de la nourriture, des masques… De nombreux diocèses ont également mis à la disposition du gouvernement des locaux pour héberger des personnes devant être placées en quarantaine ou le personnel soignant. Comme partout une des premières mesures prise pour lutter contre le virus fut d’interdire les rassemblements. Dans un premier temps, cette décision obligea l’Église à annuler les nombreuses activités prévues pour la jeunesse en cette période de grandes vacances, puis à suspendre les messes publiques en semaine. Enfin, face à la multiplication des cas de coronavirus, l’Église dut se résoudre à interdire toutes célébrations publiques, remplacées par des services retransmis sur les réseaux sociaux grâce à Radio Veritas Asia. Enfin, en pasteur courageux, le cardinal Charles Maung Bo, SDB, archevêque de Rangoun et président de la Fédération des conférences épiscopales asiatiques, a pris la parole au début du mois d’avril pour dénoncer « les mensonges, la répression et la corruption du parti communiste chinois » et appeler Pékin à s’excuser et « au minimum, [à] remettre les dettes étrangères des pays les plus atteints pour couvrir les coûts engendrés par le Covid-19 ». Un mois après le début de la crise, il est difficile de savoir comment la situation va évoluer. J’espère qu’au moment où vous lirez ces lignes tout cela sera un mauvais souvenir car si le Covid-19 frappe plus fort encore la Birmanie, les conséquences économiques, sociales et politiques, en cette année électorale, pourraient stopper net les faibles progrès qu’il a faits depuis 2015.
P. Ludovic Mathiou, MEP
[1] Estimation du ministère de la protection sociale, des secours et de la réinstallation au mois de janvier 2020.
CRÉDITS
photos MEP