Aventures missionaire

« Les fruits du Collège général sont visibles aujourd’hui dans la vie de l’Église en Asie »

Publié le 15/12/2025




Le 1er octobre, fête de sainte Thérèse, patronne des missions, a été choisi comme point culminant du 360e anniversaire du Collège général. Le père Vincent Sénéchal, supérieur général des MEP, est intervenu sur l’histoire mouvementée de cette institution qui a marqué l’Église en Asie, et dont les 360 ans « ne marquent pas la fin d’une histoire, mais le début d’un nouveau chapitre ». Voici son discours.

Disours d’ouverture du père Vincent Sénéchal, Supérieur général des MEP lors de la cérémonie d’ouverture des 360 ans du Collège général de penang, Malaisie, 29 septembre 2025

 

Au XVIIe siècle, notre société missionnaire, la Société des Missions Étrangères de Paris, également appelée MEP, a été fondée par le Saint-Siège, sous l’impulsion d’un prêtre jésuite, le père Alexandre de Rhodes. Il est connu pour avoir systématisé l’utilisation des lettres latines pour la langue vietnamienne.

À cette époque, l’Église au Vietnam subissait des persécutions et les missionnaires étrangers – dominicains, franciscains, jésuites – étaient expulsés. Le père de Rhodes était convaincu de la nécessité d’un clergé local pour enraciner l’Église au Vietnam et dans toute l’Asie. Sur les conseils du pape, il a voyagé à travers la France, appelant les prêtres diocésains à consacrer leur vie principalement à la formation du clergé local en Asie.

 

Instructions romaines de 1659

Le père Jean L’Hour nous a rappelé les Instructions romaines de 1659 données par le Missions Étrangères dicastère de la Propaganda Fide aux premiers évêques et prêtres MEP, qui avaient quitté la France par petits groupes pour se consacrer à la formation de prêtres locaux.

Ces Instructions étaient révolutionnaires. Elles mettaient l’accent sur deux principes qui sont toujours au cœur de notre mission.

Premièrement, l’Église en Asie doit être enracinée dans son propre sol. Les missionnaires n’étaient pas envoyés pour construire une Église étrangère, mais pour former des pasteurs locaux pour le peuple de Dieu.

Deuxièmement, l’Évangile doit être proclamé dans le respect des cultures. Les missionnaires avaient pour consigne de ne pas importer l’Europe, mais de laisser le Christ s’incarner dans les langues, les coutumes et les modes de vie asiatiques, pour autant que rien ne soit contraire à la foi.

 

Servir les Églises locales en Asie

Tel était le rôle fondateur des MEP : servir les Églises locales en Asie en formant des prêtres et en soutenant leur croissance. Le Collège général est l’un des fruits les plus durables de cette vision, une vision voulue par le pape Alexandre VII lui-même.

Lorsque les premiers évêques MEP, Pierre Lambert de La Motte et François Pallu, sont arrivés au Siam, ils ont immédiatement fondé un séminaire à Ayutthaya, dans l’actuelle Thaïlande.

Il rassemblait des jeunes hommes de toute l’Asie du Sud-Est et de Chine. C’était plus qu’une école, c’était un atelier missionnaire avec un double échange. Les missionnaires français apprenaient les langues, les cultures, les coutumes et les religions auprès des séminaristes. Les séminaristes apprenaient le latin, la philosophie, la théologie et les sciences ecclésiastiques pour devenir prêtres. Ensemble, ils se sont engagés dans l’évangélisation et la charité, notamment en visitant les villages et en servant dans le dispensaire de la mission. Les séminaristes apprenaient même la médecine.

 

À Penang, la diversité préparait à la mission dans la mosaïque culturelle de l’Asie

Une figure se détache : Mgr Louis Laneau, qui maîtrisait la langue siamoise et avait noué des relations profondes avec le bouddhisme, en particulier grâce à la médecine. Lui et les séminaristes ont appris par la pratique, en devenant des pasteurs proches du peuple. Dès le début, ce séminaire était une communauté de missionnaires, de séminaristes locaux et de quelques prêtres, unis dans une seule famille apostolique. Ils visaient à former des homo apostolicus, des hommes apostoliques, à la fois missionnaires français et futurs prêtres locaux, capables de construire des Églises missionnaires en travaillant ensemble une fois pleinement formés et envoyés par l’évêque.

C’était déjà une image vivante de l’Église comme famille: rassembler les nations dans le Christ, unies par les Écritures, les sacrements et la foi. Lorsque le Collège général déménagea à Chanthaburi, à Hon Dat, à Pondichéry et, enfin, à Penang, il conserva ce même caractère: un rassemblement de séminaristes de nom- breuses nations, vivant avec des missionnaires pour une croissance mutuelle. Cette diversité n’était pas un obstacle, mais une bénédiction. À Penang, elle préparait les séminaristes à la mission dans la mosaïque culturelle de l’Asie: Chinois du Sichuan, Vietnamiens, Laotiens, Cambodgiens, Birmans, Japonais, Coréens, tous étudiant ensemble dans un séminaire entouré d’une majorité musulmane, sous la domination coloniale anglicane.

 

Plus de 700 prêtres formés en un peu plus d’un siècle

Le Collège général de Penang est également devenu un refuge en cas de persécution. Lorsque les séminaires du Vietnam ou de Chine ont fermé, les étudiants se sont enfuis ici. Au XIXe siècle, alors que l’Église en France se remettait encore de la Révolution, Penang est devenu un lieu sûr, où les vocations pouvaient s’épanouir. Plus de sept cents prêtres y ont été formés en un peu plus d’un siècle.

Tout cela nous rappelle la mission centrale du séminaire : la formation des prêtres. Les prêtres sont indispensables à l’Église, ils sont les collaborateurs de l’évêque. Sans prêtres, il n’y a pas d’Eucharistie, pas de sacrements. Mais le sacerdoce est plus que les sacrements. C’est une vocation de double fidélité. Proximité avec le peuple et ser- vice: parler leur langue, partager leurs joies et leurs peines, marcher avec eux. Et amour de l’Église: rester enraciné dans la commu- nion avec le successeur de Pierre, l’évêque, les fidèles, comme signe d’unité.

 

Former les prêtres dont l’Asie a besoin

Le Collège général a toujours formé des prêtres qui sont à la fois fils de leur peuple et fils de l’Église catholique.

Fort de ces fondements, l’un des plus grands atouts du Collège général a été sa capacité d’adaptation.

Après Vatican II, il a embrassé le renouveau et a, ensuite, soutenu la création de séminaires régionaux à Bangkok, à Singapour et à Kuching. Le nouveau campus de Mariophile témoigne également de ce dynamisme.

À travers tous ces changements, une chose est restée: la joie de la foi et la ferveur de la vocation. Les anciens étudiants disent que la vie était exigeante, mais remplie de respect, de fraternité et de zèle missionnaire. Aujourd’hui, l’adaptation reste essentielle, en particulier pour former les prêtres dont l’Asie a besoin.

 

Les qualités requises des prêtres missionnaires d’aujourd’hui

Le cardinal Giorgio Marengo, en Mongolie, a récemment décrit les qualités requises des prêtres missionnaires d’aujourd’hui. En fait, nous aurions pu poser la question à Mgr Olivier Schmitthaeusler, évêque de Phnom Penh, qui se trouve dans un contexte où les prêtres sont peu nombreux et où la mission est très impor- tante. Le cardinal Giorgio Marengo a déclaré qu’il avait besoin de prêtres.
Avec une identité claire et une ouverture d’esprit : seuls ceux qui sont enracinés dans leur identité peuvent véritablement s’engager auprès des autres. Mais ils doivent s’en- gager avec ouverture d’esprit. La flexibilité est essentielle.

Capables d’établir un équilibre entre solitude et sociabilité : les prêtres doivent savoir gérer le silence et être capables de faire face à la solitude, mais aussi de vivre la fraternité. Les smartphones ne suffisent pas pour y parvenir.

Capables de prendre des responsabilités et de construire la communion : la mission n’est jamais l’affaire d’un seul homme. Elle exige un travail d’équipe, de l’humilité et de la patience avec les communautés locales.

Ayant une formation solide : les prêtres ont besoin de bases théologiques, humaines et spirituelles. La grâce s’appuie sur la nature. Sans une préparation solide, la mission en pâtit.

Par-dessus tout, avec un amour profond pour Dieu et pour les hommes. La mission n’est pas une idéologie, mais un service, soutenu par la foi dans le Christ.

En bref, une spiritualité forte, une grande humilité, du bon sens et la capacité à créer de la communion.

 

Des fruits visibles aujourd’hui dans la vie de l’Église en Asie

Le Collège général a déjà formé de tels prêtres, voire des saints. Des professeurs et des séminaristes sont devenus martyrs en Corée et au Vietnam. Beaucoup sont devenus de bons pasteurs à travers l’Asie. Nous savons que les fruits du Collège général sont visibles aujourd’hui dans la vie de l’Église en Asie. Quant à nous, la Société des MEP, nous continuons à servir l’Église en Asie et dans l’océan Indien, dans les quatorze pays, où cent trente pères MEP travaillent en Asie et dans l’océan Indien. Nous envoyons également des jeunes âgés de 18 à 35 ans qui souhaitent s’associer à nous en tant que missionnaires laïcs en Asie et dans l’océan Indien, et même certains prêtres associés, certains provenant de pays asiatiques, appelés par le Seigneur à être missionnaires avec nous pendant plusieurs années, si leur évêque y consent.

En particulier, nous poursuivons notre mission en soutenant la formation sacerdotale. Au 128, rue du Bac à Paris, dans notre maison mère, nous accueillons près de soixante-dix prêtres du Vietnam, d’Inde, de Corée, d’Indonésie, de Chine, de Madagascar, de Thaïlande et d’ailleurs. Ils sont envoyés par leurs évêques diocésains pour suivre des études supérieures à l’Université catholique de Paris, et nous vivons ensemble dans une communauté de prière et d’amitié. Ces prêtres reçoivent des bourses et un accompagnement, afin de pouvoir retourner dans leurs Églises après un master ou un doctorat, fortifiés.

Il ne s’agit pas seulement d’un travail académique. Cela s’inscrit dans la continuité de la vision du Collège général: former un clergé local, solide dans la foi, enraciné dans son peuple et en communion avec l’Église universelle.

 

Le début d’un nouveau chapitre

Chers frères et sœurs, trois cent soixante ans ne marquent pas la fin d’une histoire, mais le début d’un nouveau chapitre. Avec gratitude pour le passé, fidélité pour le présent et espoir pour l’avenir, nous confions ce séminaire à Marie, reine des Apôtres, et aux martyrs et saints d’Asie, en particulier ceux qui ont été professeurs et étudiants au Collège général. Que le Collège général continue à former des prêtres proches de leur peuple, profondément amoureux de l’Église et fidèles au Siège de Pierre. Qu’ils soient de véritables missionnaires pour le monde et de fidèles serviteurs du peuple de Dieu. Merci et que Dieu vous bénisse tous.

 

P. Vincent Sénéchal, supérieur général MEP


CRÉDITS

E. Frécon / MEP