Aventures missionaire

Les signes du Vietnam

Publié le 10/05/2019




Après l’avoir tant espéré, voici un numéro de la revue MEP dédié au Vietnam ! C’est une joie que ce pays qui m’a tant apporté soit mis en avant. J’y suis partie un an en volontariat MEP, au service d’enfants en situation précaire et de jeunes sourds. Cette année aura été décisive pour moi à plus d’un titre, et pour mon orientation professionnelle.

 

Lorsqu’en février 2017, on m’a annoncé que je partais au Vietnam, ma première réaction a été d’aller chercher des informations sur internet. Je ne savais même pas le situer sur une carte de l’Asie ! C’était le plongeon dans l’inconnu, vers l’Extrême-Orient et ses mystères.
Mais ce départ, pour moi, tombait juste au bon moment : terminant une licence d’histoire sans trop savoir quoi faire ensuite, j’avais besoin de prendre du temps hors de mon cadre habituel, de tourner ma vie vers les autres au lieu d’être obnubilée par les tracas du quotidien. Comme beaucoup d’autres volontaires, je pensais ouverture d’esprit, nouvelle culture, service, découverte de soi, apprentissage, maturité. Une belle liste, pleine de promesses, avec en prime la possibilité de raconter mon histoire au retour après avoir passé un an à l’autre bout du monde, dorée par le soleil des Tropiques. J’ai signé sans hésiter.

Les préparatifs

Une fois ma semaine de formation terminée, j’ai dû attendre encore cinq longs mois avant de partir, le temps de terminer l’année scolaire. Comme j’étais sur des charbons ardents, j’en ai profité pour creuser un peu ; j’ai notamment appris quelques mots de vietnamien, et découvert que les prononcer correctement allait être un vrai défi. Je me suis aussi renseignée sur le centre d’accueil : cette maison héberge environ 80 enfants et adolescents issus de familles en situation précaire, pour leur permettre d’avoir une éducation stable et leur ouvrir des perspectives d’emploi une fois adultes. J’avais hâte de concrétiser cette image assez abstraite.

Enfin, en juillet 2017, le départ est arrivé. Je crois que je me souviendrai toute ma vie de mes premiers jours au Vietnam. Accueillie par une postulante qui parlait français, je me suis retrouvée, après une heure et demie de bus, installée sur une moto avec tous mes bagages, à rouler sur des routes de campagne dans une direction inconnue. Mon chauffeur m’a laissée devant le portail de ce qui allait être ma maison pour un an, avec un geste un peu bourru pour me dire d’entrer.
Il faut imaginer la scène : une Française perdue dans une agglomération vietnamienne, débarquée d’une moto avec deux valises et un sac, qui ouvre en hésitant un vieux portail et se retrouve face à deux bâtiments séparés par une cour déserte. Pas un chat. L’angoisse. Et puis, tout d’un coup, deux petites filles pieds nus, d’environ deux ou trois ans, ont débarqué dans la cour, m’ont dévisagé dix secondes puis ont couru vers moi pour me faire un câlin. Un accueil pareil, ça se passe de mots !

Langue des signes vietnamienne

Y repenser me fait prendre conscience que dès ce premier contact, il a fallu communiquer sans les mots, avec le langage du corps. C’est quelque chose qui a tenu une place très importante durant toute ma mission ; la langue vietnamienne n’est pas facile à maîtriser, à l’écrit comme à l’oral. Bien qu’utilisant l’alphabet latin, elle est pleine d’accents qui la rendent chantante et possède six tons. Lorsque l’anglais ou le français n’étaient pas compris et que je n’avais pas le vocabulaire adéquat en vietnamien, j’ai eu très souvent recours aux gestes et expressions du visage pour exprimer ce que je voulais. Cette habitude a été accentuée et aidée par la présence, au sein du centre où je vivais, de huit enfants et adolescents sourds. Ils m’ont appris les bases de la langue des signes vietnamienne, en utilisant des dessins, des mimes et parfois leur connaissance de l’anglais. Durant plusieurs mois, j’ai participé avec la sœur responsable de leur petit groupe à leurs cours et activités le soir : écriture, mathématiques, apprentissage de l’articulation, travail de lecture labiale, dessin, J’ai aussi travaillé très souvent avec eux dans leur atelier d’artisanat. C’est grâce à cet artisanat et à leur apprentissage de métiers manuels comme la pâtisserie, la couture ou la coiffure que la communauté les aide à être autonomes et à se préparer à la vie active.

Ma « presque jumelle » sourde

Les plus âgés de ce groupe avaient mon âge, nous sommes devenus amis. L’amitié, quand on ne parle pas la même langue, c’est particulier. C’est encore plus vrai avec la langue des signes, parce qu’on est obligé de regarder vraiment l’autre, de laisser paraître ses émotions sur son visage et dans son comportement. Pour cette ouverture particulière à l’autre qu’ils m’ont fait découvrir, je suis particulièrement reconnaissante envers la communauté, et envers trois personnes en particulier Maria Vân, ma « presque jumelle » sourde, Sœur Myriam avec laquelle j’ai beaucoup travaillé et discuté de la vocation, et Pauline, volontaire française qui m’a aidée à mettre des mots sur ce que je vivais.

Servir les autres, c’est servir le Christ.

C’est le grand apprentissage que j’ai fait lors de cette année au Vietnam : partir en mission exige de pouvoir dire « maintenant, je vis pour les autres ». Je prends du temps pour moi aussi, bien sûr, mais je suis là pour servir. Ma mission m’a appris à choisir d’être vraiment servante des autres, pas avec l’obéissance aveugle et triste d’un esclave mais en étant dans la joie. Comme dit l’Évangile, « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40). Servir les autres, c’est servir le Christ, choisir d’aller là où l’on est envoyé.

En rentrant en France, je ne pouvais pas imaginer laisser derrière moi ce que j’avais appris, comme une parenthèse que l’on referme ; impossible, en particulier, de laisser la langue des signes et le monde des sourds coincés entre deux pages de mon carnet de voyage. Je me suis inscrite dans une formation intensive en LSF (langue des signes française), qui m’a ouvert les yeux sur une culture incroyablement riche et m’a confortée dans mon choix de devenir, si Dieu le veut, interprète en français-langue des signes.

Mon bilan, c’est un grand merci à toutes les personnes côtoyées au cours de cette mission, un grand espoir pour la suite, et la décision de garder, comme on dit rue du Bac « la Joie… quand même ! ».

Par Jeanne de Bournonville, volontaire MEP.

Pour en savoir plus et commencer les démarches, rendez-vous sur le site du volontariat.