Cette année, Madagascar a été en communion avec le monde entier. La pandémie de Covid-19 a unifié le monde pour lutter contre un ennemi commun. Nous pensions être isolés sur la Grande Île, loin des soubre- sauts du monde, mais ce virus nous a rapprochés. Fin février, j’ai pu me rendre à l’île Maurice pour visiter quatre prêtres des MEP qui y travaillent. À l’aéroport, le calme régnait car il n’y avait déjà plus d’avion vers l’Asie, seulement vers l’Inde et Madagascar. Nous pensions être loin du virus. Pourtant, le 21 mars, nous entrions en confinement. Pas de taxi pour Tana, seuls les camions pouvaient rouler. Heureusement les taxis circulaient encore dans la région épargnée par le virus.
Le président de la République a vanté une plante d’origine chinoise pour lutter contre le virus. Cette plante, l’Artemisia annua[1], est cultivée à Madagascar pour produire des médicaments de synthèse contre le paludisme. Nous la cultivons à Tsarahasina pour lutter contre la fièvre des marais, qui tue encore beaucoup de monde. Elle est efficace, nous la prenons en tisane. Je ne connais pas son effet sur la Covid-19, mais elle a surtout un effet bénéfique pour renforcer les défenses immunitaires.
Je ne sais pas si elle a sauvé beaucoup de monde. En tout cas, la déclaration du président fut une aide précieuse pour relancer la recherche sur cette plante, afin d’éradiquer le paludisme qui tue beaucoup plus que le virus dans notre région.
À Madagascar, il n’y a eu que peu de décès officiellement et peu de malades. La population est très jeune et a peut-être des défenses immunitaires plus développées. L’Institut Pasteur vient de publier un article dans lequel il estime que 40 % de la population malgache a été en contact avec la Covid-19. Dans la région où je me trouve, dans le nord de l’île, comme dans tout Madagascar, la vie a repris son cours depuis le mois d’août. Dans la capitale, tout le monde porte le masque. Actuellement, il semble que le virus se développe dans les universités de Diégo et de Mahajanga. À suivre…
J’ai pu me déplacer normalement dans l’île début décembre pour visiter les prêtres MEP de Madagascar. Les volontaires MEP enseignants sont rentrés en France fin mars. Sur les six qui sont restés, il n’en demeure plus que deux qui travaillent avec moi dans les constructions. Nous espérons que quelques-uns pourront nous rejoindre au cours du premier trimestre 2021.
Depuis le 21 mars, très peu d’avions arrivent ou quittent Madagascar. Le pays est isolé. Malgré cela, la vie continue en brousse et l’arrivée des pluies régulières dans la région de Port-Bergé redonne du courage aux cultivateurs. Nous sommes en pleine période de plantation des arbres à Tsarahasina, avant de repiquer le riz.
À Tsarahasina, fin janvier 2020, nous avons eu de grosses inondations dans la plaine, le riz a été abîmé et le maïs a été ravagé par une chenille, la pyrale. Début mars, nous avons été obligés de distribuer plus de quarante tonnes de riz dans les villages environnants. Ce fut un moment difficile pour tous. Au mois de juin, nous avons stocké plus de dix tonnes de riz que nous venons de redistribuer comme semence.
Un diocèse en construction
Malgré le confinement, dès le mois de juin, j’ai pu reprendre des journées à pied pour visiter les communautés chrétiennes en brousse. Les chantiers n’ont jamais été arrêtés, les maçons voulaient travailler pour vivre. Les volontaires Lucile et Emmanuel ont continué leur travail avec confiance. Au sein de la mission de Tsarahasina, en 2020, nous avons pu construire trois salles de classe pour une nouvelle école à Antsambalahy, deux églises en parpaing avec toiture en tôle à Ambodimadiro et à Bemakambana, ainsi qu’une église en mur de torchis avec toiture en tôle à Entremahely. Chaque chantier est une aventure pour acheminer les matériaux et faire bouger les gens qui portent le sable et les pierres avec les charrettes. Nous avons encore quatre églises à construire en 2021. Cette année, dans la paroisse, nous avons eu peu de baptêmes et aucun mariage n’a été célébré. Cela est dû en partie au confinement. Nous espérons que les mois à venir nous permettront de mieux travailler dans les villages.
Dans le diocèse aussi, les chantiers ont continué. À Pont- Sofia, Lucile, une volontaire architecte, a réalisé les plans et suivi le chantier d’une église de 24 x 14 mètres. Une belle expérience pour elle ! À Ampasimatera, Emmanuel a suivi le chantier d’une école de douze salles de classe sur trois niveaux. Un beau chantier avec beaucoup d’imprévus, mais une belle expérience technique et humaine ! Il a aussi suivi plusieurs chantiers de clôture à Port-Bergé et, depuis le mois de décembre, la construction de trois salles de classe avec un étage à la paroisse du Sacré-Cœur à Port-Bergé. Avec une entreprise, nous avons terminé la construction d’une maison pour religieuses à Tsimijaly (Mampikony) et une autre à Mandritsara, dans la paroisse de la Sainte-Famille. Pour 2021, nous avons encore plusieurs gros projets, dont deux maisons pour des religieuses à Ampasimatera et à Ankiririky. Et nous allons enfin commencer le centre de santé à Port-Bergé.
Cette année, le diocèse a accueilli les pères de la Société du Verbe divin, une société de prêtres missionnaires originaire d’Allemagne. Sont venus œuvrer dans le diocèse un prêtre polonais et un prêtre indonésien. Depuis plusieurs années, ils travaillent tous les deux à Madagascar. Ils vont ouvrir une troisième paroisse à Mandritsara. Trois prêtres trinitaires malgaches vont aussi nous rejoindre pour ouvrir une paroisse à Mampikony.
Malgré le confinement, nous avons vécu l’ordination de Daniel, un jeune originaire de Mandritsara. Il y a régulièrement des ordinations dans notre diocèse, mais encore trop peu. En dépit des efforts des prêtres, des religieuses et des catéchistes, nous sommes toujours à 2 % de catholiques sur le territoire du diocèse. L’ouverture de nouvelles missions et l’arrivée de congrégations religieuses permettent à l’Église d’être plus proche des gens pour témoigner de l’amour du Christ sauveur. Pendant le confinement, certaines personnes ont pu développer une nouvelle passion. Pour nous, prêtres, la passion qui nous habite depuis notre engagement, c’est de faire découvrir à tous l’amour du Christ pour tous les hommes. Cette passion nous fait vivre et nous guide. Quelle joie humaine et spirituelle de pouvoir vivre une telle passion qui prend tout notre être ! Comment transmettre cette passion aux plus jeunes ? Il n’y a pas de solutions toutes prêtes, mais chacun doit faire une rencontre personnelle avec le Christ ressuscité. C’est le Christ qui doit agir dans le cœur de chacun. Et il faut lui laisser de la place dans notre vie. Il faut laisser de la place à la Providence. Peut-être que ce temps de confinement aura permis à certains de développer un autre regard sur le sens de la vie. Ce virus s’est répandu à une vitesse fulgurante dans le monde, jusque dans des lieux très reculés. Nous pouvons rêver que l’Évangile se répande à la même vitesse et fasse autant parler de lui.
Des fruits d’espérance
Depuis quelques années, j’aide des parents à faire soigner des enfants qui ont un bec-de- lièvre ou des pieds bots. Cette action permet de transformer ces projets petits mais qui portent des fruits d’espérance. Depuis cinq ans, j’ai entrepris un petit élevage de moutons à Tsarahasina. Au nombre de trois au début, ils sont plus de soixante aujourd’hui. Nous commençons à donner deux brebis à des personnes qui veulent débuter un élevage et, dans deux ans, ils nous rendront deux brebis. Ainsi, nous allons diffuser ce petit élevage dans la région.
L’école agricole dont je m’occupe à Port-Bergé se développe tranquillement et porte aussi de beaux fruits. Les anciens élèves sont heureux de repasser à l’école et de donner des nouvelles. Leur projet, pour certains, prend forme. Ils arrivent à améliorer leur vie.
La population augmente rapidement, elle est très jeune, mais la société est encore incapable d’anticiper et d’organiser cette évolution. L’Église essaie d’améliorer la vie des gens, sans pouvoir anticiper le changement de société que nous sommes en train de vivre. Chacun est pris par l’urgence, il manque des penseurs et des lieux de réflexion pour avoir une vision à plus long terme. Nos prochains défis seront peut-être là, pour aider à la mission dans un contexte qui évolue très vite.
Que cette nouvelle année qui commence dans une ambiance mondiale un peu spéciale vous aide à revenir à l’essentiel de votre vie et à se détacher des combats inutiles ! Le Christ nous attend comme témoins de son amour, là où nous vivons dans notre quotidien. Soyons ses témoins dans nos engagements, dans notre travail !
[1] http://maison-artemisia.org
P. Bertrand de Bourran, MEP
CRÉDITS
Revue MEP / B. de Bourran