Aventures missionaire

Quelques variations ecclésiales

Publié le 09/11/2018




Le Père Michel Gaultier nous retrace son itinéraire missionnaire, de l’église de Kofu à la maison locale de Shizuoka.

 

L’église de Kofu, dans le département de Yamanashi, a été construite en 1925 par les Pères des Missions Étrangères. Le bombardement de la ville par les Américains, à la fin de la guerre en 1945, l’aépargnée.
J’ai été nommé curé de Kofu en 2008. À mon arrivée, une « ancienne » de la paroisse m’a confié qu’elle avait gardé un sou- venir très vivant du dernier Père des Missions Étrangères qu’elle avait connu, un homme à grosse voix et qui fumait la pipe, le Père Fernand Delbos. C’était il y a plus de 60 ans et elle était toute jeune fille.

Le souci des plus démunis

Avec un jeune vicaire japonais, j’avais la responsabilité de trois paroisses. Un dimanche, en décembre 2008, à la fin de la messe, je remarque une jeune femme Brésilienne qui vendait des petits repas-sandwich qu’elle avait préparés le matin chez elle. Elle m’avoue n’avoir plus d’argent. Après informations, nous prenons conscience qu’un nombre important de travailleurs japonais et étrangers de notre ville, se retrouvaient subitement sans travail du fait de la crise économique japonaise qui sévissait à l’époque.

C’était les préparatifs de Noël. Difficile de se réjouir sans réserve de la naissance de Jésus-Christ, sans penser aux difficultés financières sérieuses d’un nombre important de membres de la paroisse et d’habitants de Kofu. Nous avons commencé timidement à organiser des repas gratuits, comme une soupe populaire, une fois par semaine, pour les gens du quartier. À notre surprise, le nombre des participants aux repas augmentait chaque semaine. En quelques mois, nous préparions entre 50 et 60 repas. Notre initiative, ayant été remarquée par le journal local du département, fut l’objet d’un article important. Ce fut le début d’une petite aventure. Plusieurs associations de quartier sont venues nous proposer leurs services pour nous aider à préparer les repas, à mettre en place une structure d’accompagnement à la recherche de travail, de logement et de soins médicaux. Il s’agissait de soutenir les plus démunisdans leur relation avec l’État pour obtenir des aides sociales. Ce sont finalement onze petites associations de la ville qui se sont regroupées pour faire une nou- velle association indépendante (du type association loi 1901 en France) reconnue et subvention- née par l’État.

Une mission sacerdotale novatrice

Cette aventure m’a donné des idées. À 75 ans, un curé de paroisse est tenu de présenter sa démission de curé à son évêque, qui l’accepte ou non selon les cas. Mais il n’est pas interdit de la présenter plus tôt s’il a de bonnes raisons pour cela. Cette petite expérience avec la paroisse de Kofu m’a fait rêver. J’approchais les 70 ans. Et si je pouvais terminer ma vie missionnaire au Japon en étant dégagé de la responsabilité pastorale d’une paroisse, pour me mettre humblement au service « d’hommes de bonne volonté », qui vivent à leur manière l’Amour de Dieu pour les hommes hors de nos églises ? Mais que faire et comment ? L’occasion de réaliser ce rêve me fut alors donnée.

Le diocèse de Yokohama s’étend sur quatre départements, Kanagawa, Shizuoka, Yamanashi et Nagano. À la fin de la guerre, en 1946, l’évêque de Yokohama a confié l’administration et l’évangélisation du département de Shizuoka aux Missions Étrangères. Pour mener à bien leur mission, les MEP avaient besoin d’une maison centrale à la ville préfecture de Shizuoka où résidaient le responsable et l’économe MEP. Plus tard, l’administration ecclésiale du département fut rattachée à l’évêché de Yokohama, et dans les années 1990-2000, cette maison perdit progressivement de son importance et de sa nécessité. Quelques Pères âgés y résidaient, mais, en 2011, cette maison se trouva inoccupée. L’évêque de Yokohama et le responsable des Missions Étrangères acceptèrent ma proposition de faire de cette maison un centre de service social à la dis- position d’associations de quartier. C’est sa fonction actuelle. Elle est utilisée régulièrement par des organisations d’aide aux gens dépendant de la drogue, de l’alcool, et aussi par des sans-logis. Elle est utilisée également comme centre d’accueil, par le ministère de la justice, pour des séjours de deux-trois jours à quelques semaines, pour des personnes qui sortent de prison, en liberté surveillée, avant de leur trouver une insertion stable. Cette nouvelle fonction d’une maison MEP n’est sans doute pas une œuvre d’Église comme il en existe dans de nombreuses paroisses, mais il me semble qu’elle donne aux usagers un visage de l’Église un peu différent de celui de nos paroisses. Un visage tout simple, une maison à leur service.