Aventures missionaire

Rajesh Mohur, nounou de Carlo Acutis

Publié le 19/07/2024




Alors que l’Église, en reconnaissant un miracle, a ouvert la voie à la canonisation de bienheureux Carlo Acutis (1991-2006), nous vous proposons le témoignage de Rajesh Mohur, Mauricien qui s’est installé en Italie et fut nounou. Nous l’avons rencontré à Milan, la veille de l’annonce de la canonisation du sainternaute qui l’a mené à embrasser la foi catholique.
Rajesh Mohur et Carlo Acutis

Rajesh Mohur et Carlo Acutis

Ce mercredi après-midi, le ciel milanais est dégagé et il s’agit pour nous d’un petit miracle. Les jours précédents, toute la région de nord de l’Italie a été copieusement arrosée. Les inondations ont même fait des victimes. À notre descente du train, nous sommes accueillis par Rajesh Mohur qui nous attend sur la place de Milano Centrale remplie de touristes. Rajesh, que nous avons rencontré quelques mois plus tôt à l’île Maurice, est vêtu d’un sweat bleu. Apprenant que notre visite sera aussi une occasion de l’interviewer, Rajesh regrette de ne pas avoir opté pour une chemise. Dans cette ville, une des capitales mondiales de la mode, il n’est pas étonnant d’avoir ce genre de réaction. Mais pas le temps de s’attarder sur les détails, l’heure tourne et Rajesh doit rentrer au plus vite à son domicile, là où Carlo Acutis a vécu avant de mourir, foudroyé par une leucémie.

Rajesh et Soeur de Marcelline

Rajesh et Soeur de Marcelline

Après deux changements de métros, nous voilà dans le quartier où la famille de Carlo a résidé. L’endroit porte les caractéristiques typiques des grandes villes d’Europe. Des bâtiments et des rues alignés symétriquement. Au loin, on peut apercevoir les gratte-ciel qui rappellent que Milan est la capitale économique de la Lombardie. C’est dans cet environnement qu’a grandi le jeune Carlo. Ce qui ne l’empêchera pas d’avoir le souci des plus pauvres. Rajesh est intarissable sur le sujet. Nous faisons un premier arrêt devant une des écoles que le futur saint a fréquentées et qui dépend d’une congrégation des religieuses de Sainte-Marcelline, la soeur de saint Ambroise de Milan. Nous sommes vite rejoints par une des religieuses ayant accompagné le jeune Carlo. D’origine mexicaine, la soeur nous relate, dans un anglais parfait, sa rencontre avec le bienheureux. « Je me souviens très bien du petit Carlo. C’était un enfant joyeux et il passait le plus clair de son temps avec les religieuses. Qui aurait dit qu’un jour il serait saint ? s’émerveille-t-elle. C’est moi qui ai présenté Carlo à son professeur d’informatique », poursuit-elle. « Oui, c’était un vrai génie en informatique », confirme Rajesh qui, une fois la soeur partie, nous dira que c’est la providence qui nous a réunis. « De mémoire, la religieuse n’a jamais accordé d’interview à qui que ce soit. C’est une chance pour nous de l’avoir rencontrée. »

Face à l’école du jeune bienheureux se trouve l’église où il venait priait avant d’aller en cours. Malheureusement, elle est fermée mais Rajesh a bon espoir de nous la faire visiter. Nous poursuivons notre route vers le domicile de Carlo Acutis. Une fois à destination, nous empruntons un ascenseur et arrivons chez les Acutis. Rajesh y vit avec son épouse, une Mauricienne qui travaille dans la gastronomie. La demeure des Acutis est aussi vaste que somptueuse. Les propriétaires n’y logent que deux à trois fois par an. Le reste du temps, c’est Rajesh, le Mauricien qui s’occupe de la gestion et de l’entretien. Les parents de Carlo ont pris leurs quartiers à Assises, là où repose le jeune bienheureux, selon ses dernières volontés. « Je revenais d’Inde pour des études. Je suis allé tenter ma chance en Italie. Très vite, j’ai été mis en contact avec le couple Acutis. Il cherchait quelqu’un pour veiller sur le jeune Carlo qui avait quatre ans. Tout de suite, cela a accroché entre moi et le petit garçon. C’est comme cela qu’on m’a engagé. » Les nombreuses photos du garçonnet et de son nounou témoignent de cette proximité.

Nous faisons la visite de la maison et nous arrêtons dans la salle à manger. Rajesh nous indique le lieu où Carlo s’asseyait. « Chaque soir, Carlo invitait sa famille à dire une prière avant de manger. » Déjà, selon Rajesh, le petit Carlo montrait des prédispositions pour le service de la charité. « Carlo ne manquait jamais une occasion pour aider les pauvres. Je me souviens qu’il mettait ses repas, son argent de poche ou ses cadeaux d’anniversaire de côté. Ensuite, avec lui, je sillonnais les parcs des alentours pour tout redistribuer aux sans-abri. J’ai été saisi par son coeur charitable. » Rajesh multiplie les anecdotes. « Je me souviens du jour où, après l’école, le jeune Acutis est entré dans une église pour vivre un temps d’adoration eucharistique. Venant d’un horizon confessionnel différent, je ne mesurais pas encore l’importance de la présence réelle. » Mais, c’était sans compter la sagesse du jeune Carlo. « Sa réaction après l’adoration m’a aidé à entrer dans cette dynamique de la conversion vers Jésus. Devant le Très Saint- Sacrement, Carlo n’était plus le même. Il savait que Jésus était là à ce moment précis. Il me parlait aussi de la nécessité de participer à la messe. Et Rajesh de poursuivre avec un partage de bienheureux Carlo. Souvent, il me disait qu’on voit régulièrement de longues files d’attente aux abords des stades de foot ou des cinémas, mais il n’en est rien pour l’adoration eucharistique ! Si les gens savaient ce qu’ils manquaient. » Entre temps, Carlo, rempli de compassion pour ses petits camarades dont les parents étaient en instance de divorces, il les réunissait chez lui pour leur remonter le moral.

 

Naissance d’un sainternaute

Très vite, Rajesh Mohur, le Mauricien, voit se déployer le jeune apôtre-évangélisateur des internets. « Le jeune Acutis était un passionné d’informatique. Il en fait rapidement un outil pour faire connaître les miracles eucharistiques. » Les témoignages du jeune Carlo vont bouleverser Rajesh et le conduire à vouloir embrasser la foi catholique. « J’étais en quête d’un vrai bonheur et Carlo Acutis m’a aidé à le trouver. » Parti chercher des jours meilleurs, notamment en Angleterre, Rajesh finira par retourner chez la famille milanaise pour continuer à s’occuper du jeune Carlo. « Nous allions à la messe ensemble, j’avais même commencé à suivre des cours de catéchèse. Carlo me soutenait surtout dans les moments de déserts spirituels », se remémore Rajesh. Ce dernier va prendre le baptême et aura pour parrain et marraine nul autres que le père et la mère de Carlo Acutis.

La visite de la demeure de Carlo continue avec les commentaires de Rajesh Mohur. Nous arrivons dans la chambre du jeune garçon. Un moment de grande émotion. Mis à part quelques changements au niveau de la literie pour accueillir ses frères et soeurs, des jumeaux, la pièce n’a pas beaucoup changé affirme notre guide. Ce dernier nous montre une photo du jeune Carlo qu’il a prise. Des peluches, un piano, des trophées souvenirs rappellent que nous sommes dans une chambre d’enfant et de jeune ado. Mais ce qui saute aux yeux, c’est la prédominance des nombreuses icônes religieuses dont celle de saint François d’Assises que Carlo affectionnait.

 

L’arrivée de la maladie

La vie de la famille Acutis va basculer avec le début des ennuis de santé de Carlo. Rajesh nous montre une autre chambre, celle qu’il a occupée durant sa maladie. « C’est comme si c’était hier. Je revois Carlo rentrer plus tôt de l’école. Il avait de la fièvre. Dans ses yeux on commençait à voir la progression de la leucémie foudroyante qui l’a emporté. J’étais plus que jamais à ses côtés. » Là encore, le jeune Carlo fera montre d’une foi inébranlable. La voix tremblante Rajesh raconte : « Sa mère était souvent en larmes. Carlo n’arrêtait pas de la consoler en lui disant qu’il allait offrir toutes ses souffrances au Christ dans l’espérance qu’il irait au ciel. »

C’est à ce moment précis que Carlo émet le souhait d’être inhumé à Assises, près de saint François.

 

Un parfum de sainteté

Comme ce fut souvent le cas avec d’autres saints auparavant, Rajesh Mohur ainsi que les proches de Carlo vont vivre des expériences surnaturelles. « En allant nous recueillir sur sa tombe, nous avons tous été surpris par un parfum agréable. » Rajesh dira qu’il n’avait jamais senti rien de tel. Même après la mort de Carlo, Rajesh affirme avoir ressenti sa présence. « Il m’est apparu en rêve pour me dire qu’il allait bien. Le plus surprenant, c’est qu’un jour il avait l’air tout bronzé. Bien sûr, je l’ai questionné et sa réponse m’a laissée sans voix. Il m’a dit que s’il était plus bronzé que d’habitude, c’était parce qu’il est parti à l’île Maurice ! »

Rajesh Mohur, qui n’a pas perdu son sens de l’accueil à la mauricienne, insiste pour que nous partagions un déjeuner avant de partir. Au menu, des raviolis au fromage. Le repas terminé, nous nous dirigeons vers l’église où Carlo venait se recueillir. La providence est au rendez-vous, l’église est ouverte. Nous y faisons une halte pour adorer le Seigneur dans le Très Saint-Sacrement comme l’aurait fait bienheureux Carlo. Durant notre séjour en Italie, nous aurons la grâce de nous rendre à Assises, au plus près de saint François. C’est dans le sanctuaire du dépouillement qu’est exposée la dépouille de bienheureux Carlo Acutis. Une visite durant laquelle nous ferons l’expérience de la divine providence dans les rencontres. À l’heure où nous écrivons, la date de la canonisation du sainternaute n’a pas encore été annoncée.

 

Visite de Rajesh Mohur à Maurice

Chemise blanche impeccable, légèrement déboutonnée, une paire de jeans qui n’est pas sans rappeler son petit protégé Carlo… ce samedi 6 janvier 2024, c’est un Rajesh Mohur ému qui entre dans l’église Sainte-Odile. Ce Mauricien qui vit en Italie, se remet à peine de son entretien avec Mgr Jean- Michaël Durhône qui l’a reçu longuement à l’évêché le matin même. Patricia Bhujoharry, responsable du mouvement Les amis de Carlo Acutis à l’île Maurice, initiatrice de ces rencontres, avoue être dépassée, à la fois en ce qui concerne la gestion du temps et l’accueil réservé à Rajesh, Mauricien, nounou du bienheureux Carlo Acutis. Après une brève rencontre avec le père Alain Romaine, curé de Sainte-Odile, notre compatriote arrive dans une église quasi comble pour un samedi, veille de grande rentrée. Sur place, les fidèles venus des quatre coins du pays se sont hâtés pour venir écouter le récit de l’ami mauricien du jeune sainternaute – c’est comme cela qu’est connu bienheureux Carlo, en raison de sa passion pour internet comme outil d’évangélisation. Après une courte introduction de la rencontre par Patricia Bhujoharry, le père Alain Romaine rappelle la portée historique de ce moment. « Il est rare de pouvoir entendre le témoignage d’un contemporain d’un saint et encore plus celui d’un jeune béatifié. La grâce qui nous est donnée est d’autant plus grande qu’un Mauricien a côtoyé Carlo. » Et le père Romaine d’ajouter : « Quand nous voyons des jeunes béatifiés ou canonisés, cela veut dire qu’ils ont été touchés par la grâce divine, indépendamment de leurs capacités et leur intelligence. C’est l’Esprit saint qui agit en eux comme avec Marie ou encore Thérèse de Lisieux. Nous pouvons nous réjouir que Dieu nous donne un bienheureux pour les jeunes de cette génération. Dans cent ans, nous nous rappellerons encore de Carlo Acutis, saint représenté en tracksuit. »

S’en est suivi le mot d’accueil de Patricia Bhujoharry, cheville ouvrière de la visite-témoignage de Rajesh Mohur. Cette Rose-Hillienne, est une véritable disciple de bienheureux Carlo. « C’est un rêve d’avoir Rajesh parmi nous. C’est la première fois que nous nous voyons en présentiel après de nombreux échanges autour du jeune déclaré bienheureux en octobre 2020 », confie Patricia. En écho à sa joie, l’assistance aidée de l’équipe d’animation, vêtue d’un tee-shirt à l’effigie de Carlo, participe volontiers à un temps de Praise and Worship. C’est ensuite que Rajesh Mohur, la soixantaine, vient au micro pour faire le récit de sa rencontre avec la famille d’un jeune saint. Ses premiers mots témoignent de sa ferveur pour le jeune geek entré au ciel : « Je suis très touché d’être ici. Quand je suis entré dans l’église, j’ai eu des frissons et des larmes aux yeux. Carlo Acutis est au paradis. Si vous avez des difficultés dans la vie, à n’importe quel moment, vous pouvez vous tourner vers lui. Il va porter vos intentions auprès du Seigneur », lâche-t-il.

Durant près de quarante minutes, Rajesh Mohur a gratifié les Mauriciens venus l’écouter d’histoires qu’il a vécues avec Carlo qui, selon lui, connaissait quelques mots du créole mauricien. Après le témoignage de Rajesh, il y a eu un temps de louange et d’adoration eucharistique comme l’aurait voulu le jeune bienheureux. Une chose est sûre, Rajesh a su nous mettre l’eau à la bouche concernant bienheureux Carlo Acutis. À tous, en particulier aux jeunes qu’il exhorte d’oser tendre vers la sainteté en parlant de Dieu sur les réseaux sociaux, il promet de revenir pour continuer la mission de celui dont il était nounou, bienheureux Carlo un saint pour notre génération.

 

Rodney Coco, journaliste, chargé de communication du diocèse de Port-Louis

 

 


CRÉDITS

R. Coco