Voici bientôt 28 ans que je suis arrivé au Japon et j’ai encore tant de choses à apprendre… plus cela va, moins j’en sais, c’est-à-dire que plus le temps passe, plus le champ des découvertes s’étend ! Celui de l’Église au Japon en fait partie.
Le nouvel évêque du diocèse de Saitama où je suis, Mgr Mario Michiaki Yamanouchi, après une année de visite pastorale, a opéré un grand mouvement : plus de la moitié des prêtres ont été changés de paroisse. J’ai fait partie du lot et, en avril dernier, je suis donc passé de la paroisse de Tokorozawa à celle de Kawagoé, toutes les deux situées dans le même secteur pastoral et de taille assez similaire. Ce secteur est celui du « block ouest » du département de Saitama, l’un des quatre départements qui constituent notre diocèse de Saitama.
L’histoire de ces deux paroisses est par contre complètement différente : Kawagoé est appelée aussi « la petite Edo » de l’ancien nom de la capitale du Japon devenue Tokyo. Une ville chargée d’histoire avec son vieux quartier visité par les touristes, ses nombreux temples bouddhistes et sanctuaires shinto, connue pour sa résistance aux missionnaires catholiques au début du XXe siècle. Ce fut finalement le siège de la première paroisse du département de Saitama il y a plus de 100 ans. Tokorozawa est une paroisse fondée il y a environ 60 ans à partir de Kawagoé, avec le développement d’un bourg qui accueillait les chantiers d’entretien d’une compagnie de train et devenue aussi ville-dortoir pour les personnes travaillant à Tokyo et cherchant à se loger à bon marché…
Cela fait étrange de passer d’une paroisse à l’autre dans le contexte du Covid-19 puisqu’il n’y avait aucune activité pastorale ni dans l’une ni dans l’autre ! Je n’ai pu saluer et remercier les paroissiens de Tokorozawa ni n’ai pu, encore, saluer la communauté qui m’accueille à Kawagoé à ce jour car les messes n’ont repris que le 21 juin, seulement une par dimanche avec des conditions drastiques sur le nombre des participants et leur accueil…
Une paroisse solidaire
La paroisse est engagée depuis de longues années au service des SDF pour lesquels existe un groupe appelé « onigiri-No-Kaï » (la réunion des « onigiri » qui sont de petits pavés rectangulaires de riz fourrés avec le plus souvent un morceau de légume ou une prune marinés et enveloppés d’une feuille séchée d’algue). Deux fois par mois, des personnes de la paroisse et du voisinage se rassemblent pour préparer un repas qui sera partagé avec les SDF qui se présentent. Il y a aussi un « vestiaire » pour fournir des vêtements et une infirmière (à la retraite) est là pour d’éventuels soins ou fournir des médicaments. Un médecin de la paroisse peut aussi intervenir pour des soins plus lourds qui nécessitent une hospitalisation. Avec le Covid-19, le repas partagé a été suspendu mais remplacé par une préparation de sacs alimentaires qui sont distribués. C’est beaucoup moins convivial mais mieux que rien.
Depuis mai dernier la distribution de nourriture s’est élargie à de jeunes Vietnamiens qui ont perdu leur emploi suite au Covid-19. Cela est coordonné avec le groupe SOS (aides matérielles et alimentaires à des personnes en difficulté dont beaucoup d’étrangers d’Amérique latine, d’Afrique et maintenant du Vietnam) qui existe sur le secteur pastoral qui fait appel aux dons alimentaires et reçoit aussi des aides de la Banque alimentaire locale.
La paroisse a aussi sur son terrain un centre pastoral diocésain tout à fait prometteur et que l’évêque m’a demandé de raviver. Actuellement il accueille une ONG de la ville de Kawagoé dédiée à la coordination d’un soutien scolaire de collégiens et lycéens ayant des difficultés familiales et/ ou scolaires. J’ai déjà pu faire connaissance des deux coordinateurs de l’organisation.
Suite aux conséquences du Covid-19 sur l’emploi, nous accueillons aussi, dans ce centre des Vietnamiens étudiants ou stagiaires qui ont été remerciés par ceux qui les employaient… dès le mois de mars. Arrivés à bout de ressources, ils se sont adressés au réseau des Vietnamiens dont une forte communauté catholique est présente sur Kawagoé. L’occasion d’organiser avec l’aval du diocèse un accueil d’urgence, certes limité en nombre, pour certains d’entre eux qui attendent de pouvoir retourner au Vietnam : il n’y avait plus d’avion depuis mars et les vols n’ont repris que depuis juillet… Et ce sont plus de 20 000 jeunes garçons et filles qui attendent de pouvoir repartir chez eux ! Les billets sont distillés au compte-gouttes à travers l’ambassade du Vietnam au Japon et au double du prix ordinaire…
Me voilà donc au tout début d’une nouvelle expérience pastorale et j’ai donc de nouveau tout à apprendre, dans la joie de l’Évangile !
P. Antoine de Monjour, MEP
CRÉDITS
Revue MEP