Jean Charbonnier est né le 3 janvier 1932 à Paris. Ordonné prêtre le 21 décembre 1957, il part le 1er décembre 1959 pour la mission de Malacca (Malaisie). Après l’étude du malais, il est nommé vicaire à l’église du Bon Pasteur (1960). Il étudie ensuite le chinois à Kuala Lumpur (1961), avant d’être affecté à l’église Sainte-Bernadette (1962-1970). Il est ensuite rappelé en France pour être professeur au séminaire de Bièvres et au CERM (1970-1974). Pendant deux ans, il poursuit des études et fait des recherches à Taipei (Taiwan), puis il revient à Paris terminer une thèse d’état. En 1980, chargé du «Service Chine», il crée un centre dans l’enclos de la cathédrale de Singapour avec salle de documentation. Il est également chapelain des CJC à Singapour (1979-1988), aumônier de la communauté francophone (1979-1983). Entre 1980 et 1988, il est directeur de « China Catholic Communication » à Zhonglian, aumônier de la JOC chinoise et professeur d’histoire au grand séminaire. En 1996, il est rappelé à Paris pour y diriger et organiser rue du Bac le « Service Chine ».
EXTRAITS DE SON AUTOBIOGRAPHIE
Mes racines chrétiennes
« Je n’ai jamais été très bavard. Depuis mon enfance, j’ai toujours constaté qu’on parlait beaucoup autour de moi et qu’il m’était difficile de placer un mot.
Ma sœur Geneviève, mon aînée de quatre ans, était beaucoup plus loquace. Mais depuis sa petite enfance elle était vivement rabrouée par mon père qui était dur avec elle et ne lui passait rien.
J’étais peiné comme ma mère de la voir pleurer. Mais je me gardais bien d’intervenir de peur de m’exposer aux mêmes dégelées. Toujours est-il que je pris très tôt l’habitude de me taire et de me réfugier dans le monde des rêves. »
Belles années à Singapour 1960-1970
« Dans le Singapour que je découvre en 1960, la vie est simple et la population accueillante. Il y a diversité extrême de races et de langues, mais chacun semble à l’aise dans son milieu culturel d’origine et les gens se côtoient sans heurts, chacun reconnaissant aux autres le droit de vivre suivant sa coutume.
Le seul clivage qui se dessine dans la population est dû au système d’éducation. La moitié de la population chinoise est éduquée dans des écoles chinoises de langue mandarine, l’autre moitié dans des écoles anglaises dont beaucoup sont catholiques ou protestantes. Les écoles chinoises revendiquent la supériorité de leur tradition morale mais elles sont minées par l’idéologie maoïste.
J’apprécie personnellement les qualités de ces deux types d’éducation, mais j’éprouve un penchant pour les jeunes de formation chinoise. J’ai la joie d’en compter un certain nombre parmi mes catéchumènes.
Posté à l’église de Ste Bernadette bâtie en 1959 par le P. Pierre Abrial, ancien de Chine, je suis encouragé par son dynamisme. L’instruction chrétienne s’accompagne d’une formation continue dans divers groupes et associations. Ayant commencé à guider des groupes d’étudiants ou de jeunes travailleurs, je suis vite entraîné à accompagner des adultes dans des groupes familiaux qui se forment dans les nouveaux immeubles. Le Christian Family and Social movement convient bien à l’animation spirituelle des Chrétiens dans le nouvel environnement d’un Singapour en reconstruction. »
Enseignement et recherche France, Taiwan, Hongkong 1970-1978
« Au cours des années 1960 à 1970, la France a vécu des événements cruciaux qui ont entraîné des transformations profondes de la vie et de la pensée. Il y a eu d’abord les blessures mentales laissées par une guerre absurde en Algérie. Les ouvertures offertes par le Concile du Vatican ont secoué la discipline d’Église. En Amérique la jeunesse s’est soulevée contre la guerre au Vietnam. Les hippies ont donné le ton. Il y a eu l’explosion libertaire de la jeunesse en mai 1968 avec mise en question radicale de toutes les traditions. En Chine, la Révolution culturelle de Mao Zedong a laissé croire à un mouvement libérateur des masses.
A l’inverse de mon expérience positive et enthousiaste vécue à Singapour, j’ai l’impression quelque peu réfrigérante de me trouver parmi des gens désabusés, sans vision d’avenir. Le souci de bien remplir la tâche d’enseignement qui m’est confiée me fait reprendre les études de théologie à l’Institut catholique. Je les trouve désordonnées et peu convainquantes. Je suis par contre beaucoup plus motivé par les études de sinologie à la Sorbonne. Elles me permettent d’approfondir ma connaissance pratique de la langue et de mieux percevoir les sources du renouveau chinois
Le programme d’enseignement au Centre d’études et de recherche missionnaire (CERM), prenant fin au bout de trois ans, je ne suis pas mécontent de poursuivre la recherche en sinologie pendant deux ans à Taiwan. Mais une nouvelle perspective s’est ouverte à ma vocation missionnaire. La Chine reprend place dans les préoccupations du monde chrétien. Le colloque de Louvain en septembre 1974 marque un tournant décisif. Mes études chinoises déboucheront désormais sur la vie de l’Église en Chine »
Mission Chine, base Singapour 1979-1993
« De retour à Singapour, je deviens prêtre résident à la cathédrale, chargé de tâches extra-paroissiales : conseiller éthique au Catholic Junior College, enseignant au grand séminaire, aumôneries des francophones et des groupes de jeunes de langue chinoise. Je suis prêt à saisir toute occasion de créer un lien avec l’Église en Chine.
L’occasion se présente grâce à une offre du P. Paul Tong. Il m’invite à assurer la direction spirituelle d’un groupe de jeunes universitaires de langue chinoise formés par la JEC. Je leur propose la mission de renouer avec les chrétiens de Chine qui ont été isolés de la vie de l’Eglise universelle pendant près de 30 ans. Ces jeunes forment dans ce but une équipe spéciale qui prend le nom de « Zhong lian » (Lien- Chine)
Leur apport est providentiel, car le supérieur des Missions Etrangères me nomme la même année responsable du Service Chine créé par les Missions Etrangères à l’assemblée générale de 1980. De nombreuses visites en Chine deviennent possibles depuis Singapour. En lien avec Hongkong et Taïwan, nous fournissons en Chine les documents d’Église publiés en chinois depuis le 2ème Concile du Vatican. Nous publions un Guide bilingue anglais- chinois des églises en Chine. Le magazine illustré « Zhonglian » fait connaître aux jeunes de Chine la vie de l’Église dans le monde, le sens de la foi chrétienne et l’histoire chrétienne en Chine. La coopération d’un jésuite chinois nous permet d’accueillir de nombreux prêtres et religieuses de Chine pour des retraites spirituelles. »
Du Relais France-Chine à Espace-Chine
« Avoir Paris pour base au lieu de Singapour n’éloigne pas vraiment de la Chine mais permet en fait de nouveaux échanges. L’afflux en France d’étudiants de Chine inclut, à partir de 1994, la venue de séminaristes, prêtres et religieuses qui viennent mettre à jour et approfondir leur théologie et leur vie spirituelle. Les autres pays européens faisant face au même développement, nous organisons une coopération européenne en lien avec Roman Malek, SVD, d’Allemagne, Angelo Lazzarrotto, PIME de Rome, Jerôme Heyndrickx, CICM de Belgique. Notre accueil européen comporte des orientations communes, culturelles et spirituelles. On nous appelle « la bande des 4 » bien que nous n’ayons aucun lien avec les extrémistes maoïstes de la Révolution culturelle.
La Chine s’ouvre à pas de géant au tourisme international. Les Français sont de plus en plus tentés par une découverte de la Chine et beaucoup d’entre eux souhaitent y faire des rencontres chrétiennes tout en s’initiant aussi aux traditions bouddhistes et taoïstes du pays. Prenant la relève du P. Paul Richard à la direction de l’Association Relais France-Chine, j’ai l’occasion d’organiser quelques voyages, puis d’accompagner des groupes organisés avec une agence de voyage. Il s’agit de faire comprendre l’évolution historique de la Chine et de faire tomber les préjugés. Trompés par la presse, les Français croient souvent qu’il y a deux Eglises en Chine, l’une fidèle à Rome et l’autre à la traîne du Parti. Je souligne qu’il n’y a qu’une seule Église en Chine avec deux prises de positions complémentaires plutôt que divergentes.
Paris attire de nombreux chercheurs chinois ou sinologues européens. Il est important de les accueillir. Les archives de la Société des Missions Etrangères leur sont ouvertes. Je suis heureux d’accueillir un certain nombre d’entre eux dans le bureau « Espace Chine » qui me reste après le transfert à Hongkong de la coordination Chine MEP en 2006 et la fermeture de Relais France-Chine en 2010
Appréciant l’influence de la civilisation chinoise dans le processus actuel de mondialisation, je souhaite que la modernisation de la Route de la soie envisagée par le président Xi Jinping comporte aussi des éléments spirituels. Ce fut le message porté par le messager franciscain d’Ouest en Est, il y a huit siècles. Ces évocations historiques me conduisent à visiter les grandes étapes de la Route de la soie : Arménie, Iran, Ouzbékistan et Mongolie. Une échappée en Éthiopie me ramène aux origines bibliques de notre foi et aux expansions actuelles de la Chine en Afrique. Mes dernières sorties se font plus proches, sur les traces de St Paul à Malte et en Crète.
Début 2020, les MEP impriment un nouvel élan au service des archives en lançant l’IRFA, Institut de Recherches France-Asie. Le service des volontaires encourage depuis 15 ans la participation des jeunes à la mission. Mais la pandémie Covid-19 impose rapidement des mesures de confinement. Espace Chine doit s’installer dans l’ancien bureau de l’archiviste. Les quelques 5000 livres de notre documentation chinoise doivent être reclassés en un nouveau catalogue. »
RETOUR EN IMAGES AVEC LE PERE JEAN CHARBONNIER à l’occasion de la Journée mondiale de prière pour l’Eglise de Chine :
Emission KTO TV du 23 mai 2021
CRÉDITS
MEP