Vianney, parle-nous de ta jeunesse, ta famille, les personnes qui t’ont marqué.
J’ai 30 ans et je suis né dans une famille catholique dans la ville de Meaux, sous-préfecture de la Seine-et-Marne, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Mon père était ingénieur en informatique et se déplaçait souvent. Ma mère était ergothérapeute puis elle a repris ses études pour devenir directrice de Maison d’accueil spécialisée (MAS). Ces établissements s’occupent des personnes handicapées. Je suis le troisième d’une fratrie de quatre enfants. Ma sœur aînée est mariée et mère de deux jeunes enfants. Mon grand frère et mon petit frère doivent se marier cette année et l’année prochaine. Avec mon ordination diaconale prévue en juin, les mois qui suivent revêtent, pour nous tous, une grande importance !
Le scoutisme est peut-être ce qui a été le plus représentatif de ces années de jeunesse. J’ai rejoint les Scouts unitaires de France à la fin du collège. Je garde de ces moments de très beaux souvenirs et des amitiés qui durent toujours aujourd’hui ! Il y avait aussi, peut-être déjà à l’époque, un signe avant-coureur de la vocation : lorsque j’étais assistant-chef, faute de prêtre, j’avais accepté d’assumer le rôle d’aumônier pour ma troupe d’éclaireurs. L’attrait pour la spiritualité et le Christ étaient, apparemment, déjà là, mais je ne l’aurais pas formulé ainsi à l’époque.
Quel est ton parcours ? Comment es-tu arrivé aux MEP ?
J’ai fait toute ma scolarité à Meaux. J’ai passé deux ans à Paris pour préparer un concours pour des écoles d’ingénieur. J’ai ensuite intégré une école d’ingénieur dans l’est de la France, à Nancy. J’y ai passé quatre ans. Deux années d’affilée, puis une année de césure et, enfin, une dernière année composée de cours et d’un stage de fin d’études.
Ma vocation est réellement née lors de ces années à Nancy. La préparation au concours ne m’avait pas laissé beaucoup de temps pour réfléchir et prendre du recul sur ma vocation. De toute façon, il me fallait un diplôme et donc une garantie de travail pour pouvoir réfléchir librement sur ma vie.
Une fois en école d’ingénieur, la question du sens de ma vie a commencé à me travailler intérieurement. J’avais conscience que les quarante prochaines années allaient se dérouler aussi bien que les précédentes mais que ça n’aurait pas forcément beaucoup de sens. Je cherchais une plénitude là où il n’y en avait pas. Ce questionnement était suffisamment fort pour que je décide de prendre une année de césure. Je voulais faire une pause dans ma progression vers le monde du travail. Mon but était de voyager, de « voir du pays », pour que ce questionnement qui me paraissait un peu saugrenu à l’époque, me passe. Je me souviens que c’était tout de même assez désagréable. Notre société matérialiste n’avait plus rien à me proposer, et je n’en étais pas du tout satisfait ni heureux ni épanoui. Le pire est que je ne voyais pas non plus comment je pouvais répondre à ma soif d’un bonheur plus grand. Je ne pensais pas une seule seconde que c’était le Christ, lui-même, qui me comblerait.
Mon année de césure a donc été forte en voyages. Je suis parti six mois en volontariat avec les MEP au Vietnam et six mois en stage d’ingénieur au Cameroun. Les MEP m’avaient été recommandées par un ami qui était également parti avec la Société. Je dois dire que je n’étais pas très emballé au début. Après mon premier entretien et la session de formation, mon avis avait tout de même déjà bien changé. J’avais aimé la spontanéité et l’accueil chaleureux du 128 rue du Bac.
Une semaine après l’entretien, les MEP m’ont appelé pour m’annoncer que je partais donner des cours d’anglais dans un séminaire au Vietnam. Je me souviens d’une grande joie et d’une certaine excitation à la perspective de cette nouvelle aventure.
Au Vietnam, j’ai été profondément touché par la joie des séminaristes vietnamiens. Il faut dire qu’ils avaient réussi un concours pour entrer au séminaire : quatre cents candidats pour quarante places. Leur joie était réelle. Cette joie a été le début d’une vraie remise en question pour moi. Je savais que la réponse à mon interrogation du sens de la vie se trouvait là. Il faut aussi dire qu’à 22 ans, heureusement l’Esprit saint nous guide pour trouver les bonnes réponses.
Quelles rencontres ont été déterminantes dans ton cheminement ?
La joie des séminaristes vietnamiens m’a beaucoup touché. Le témoignage des prêtres vietnamiens du séminaire m’a aussi interpellé. Je me souviens du père Doai qui avait la trentaine, qui était jeune, qui était promis à une belle carrière d’avocat et qui avait renoncé à tout pour être prêtre. Le plus surprenant, pour moi, à l’époque, est, qu’en plus de tout cela, il était heureux. Dans ma vision rationaliste d’ingénieur, cela dépassait ce que je pouvais entendre.
Tu te prépares à être ordonné diacre dans quelques jours. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
L’engagement au célibat est peut-être le plus fort pour moi. Au-delà du renoncement, je le vis comme une consécration au Christ. En ce sens, cet engagement est même source d’une grande joie. Il est difficile d’avoir 30 ans et de ne pas s’être encore donné. Depuis mon entrée au séminaire, il est indéniable que, chaque année, je vis un don réitéré de moi-même au Christ. Mais il n’y a pas encore eu de oui définitif et ferme dans ma vie. De même qu’il y a des âges pour discerner, je pense qu’il y a des âges où il faut se donner pour grandir.
Alors que les diocèses de France manquent de prêtres, comment envisages-tu la mission aujourd’hui ?
Je ne sais pas si la question est juste dans ce sens-là. Dieu seul gouverne son Église et en est responsable. Je n’ai jamais envisagé la mission à l’étranger en balancement avec la mission dans mon diocèse. J’ai d’abord posé la question au Seigneur. Dans la prière, je lui ai demandé où il me voulait. Bien sûr, j’ai réellement considéré la possibilité de rejoindre mon diocèse et de quitter les MEP. Mais il m’a semblé que Dieu me demandait de ne rien changer, de ne rien toucher à ce qu’il avait commencé à construire. La paix du cœur et une certaine certitude de fond ne m’ont jamais quitté par ailleurs vis-à-vis de la mission ad extra.
Y a-t-il une figure de saint qui t’a particulièrement marqué ?
La vie de saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars, m’a beaucoup touchée. Il y a eu beaucoup d’extraordinaire dans sa vie, mais le plus important n’est peut-être pas là. Sa fidélité au Seigneur, sa simplicité et aussi sa confiance éperdue en Dieu me touchent beaucoup. Je ne peux pas cacher que je suis très heureux de l’avoir pour saint patron.
As-tu déjà une idée de la mission dans laquelle tu pourrais être envoyé ? Et comment te prépares-tu à cette mission ?
Je n’ai strictement aucune idée de la destination où je pourrai être envoyé. Pour l’instant, je sais que mon pays de mission a besoin d’un liturgiste formé. Je fais donc une licence à l’Institut supérieur de liturgie de l’Institut catholique de Paris. Pour le reste, je laisse Dieu faire et j’essaye de faire confiance.
Que dirais-tu à un jeune qui se pose la question de la vocation missionnaire ?
Je lui dirais de ne pas s’inquiéter et de faire confiance au Seigneur. Plus largement, à tout jeune se posant la question de la vocation consacrée, il me semble qu’il faut redire que c’est avant tout un chemin de joie. Oui, il y a des croix et des peines, mais ça n’est rien à côté de la joie profonde que ça procure. Dans notre société matérialiste, j’ai l’impression que l’engagement au célibat est de moins en moins compris, même chez les catholiques. Mais le renoncement traduit, d’abord et avant tout, le don de soi à une personne : le Christ. Et je suis sûr que notre Seigneur ne saurait se dédire de sa propre parole : « Il est fidèle celui qui vous appelle ! » (Th 5, 24).
CRÉDITS
MEP