Mgr Joseph Nguyên Chi Linh, archevêque de Hué, président de la conférence épiscopale du Vietnam, a donné une conférence aux MEP à l’occasion de la fête de l’Epiphanie. Il a présidé la messe et consacré le nouvel autel de l’oratoire des martyrs récemment rénové. Reportage en images.
Homélie de S. Exc. Mgr Joseph Nguyen Chi Linh, Archevêque de Hué, Président de la Conférence épiscopale du Vietnam, Membre honoraire des Missions Etrangères de Paris
Solennité de l’Epiphanie
Chapelle des Missions Etrangères de Paris
Dimanche 6 janvier 2019
La messe de Noël est un événement à la fois très grand et très important dans l’histoire de l’humanité. Très grand parce que l’auteur en est Dieu Lui-même, et très important parce que le salut offert à l’être humain est Jésus-Christ Lui-même.
Ce salut n’est pas réservé à Israël seulement mais il est offert à toute l’humanité. Le problème est donc de savoir comment l’homme accueille la lumière de Noël.
Pour comprendre plus concrètement le sens de l’Epiphanie, nous pouvons imaginer le contexte de l’Evangile de ce jour. Celui-ci met en scène l’histoire de l’humanité, à travers trois groupes de personnes : Hérode, les docteurs de la Loi et les trois Mages.
Hérode est un homme juif, mais c’est l’empereur romain qui l’a fait roi. Selon lui, son trône en or est un bien qu’il faut protéger à tout prix. C’est la raison pour laquelle il devient peut-être un homme barbare. L’histoire nous enseigne, en effet, qu’il a tué trois fils et une femme juifs parce qu’il pensait qu’ils préparaient un complot contre lui.
Hérode est également celui qui a mis à mort les enfants de la région de Bethléem. C’est seulement parce que les mages ont demandé : « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? » qu’Hérode est devenu fou au point d’ordonner l’assassinat d’enfants innocents.
Il s’agit bien d’une personne insidieuse. Il ordonne à ses subordonnés de rechercher et de mettre à mort l’Enfant-Jésus.
Extérieurement, il reçoit le soutien des prêtres juifs, « [il] convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : “Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui”. »
En réalité, Hérode n’est pas la seule personne à être si malhonnête et si méchante. Dans l’histoire de l’humanité, au cours des deux derniers millénaires, il y a toujours eu des tyrans qui, comme Hérode, ont défendu d’une manière inhumaine leurs intérêts personnels ou ceux d’un groupe donné. Cette attitude a provoqué des conflits sanglants, l’extermination d’innombrables innocents et le piétinement du droit à la démocratie et au respect de la dignité.
Cela nous rend triste et nous pousse d’autant plus à la réflexion que nous participons nous aussi à ces crimes : d’une manière directe ou non, d’une façon ou d’une autre, en silence ou par la compromission, nous faisons le jeu de ces gouvernements inhumains qui menacent ou qui tuent l’être humain.
Le deuxième groupe de personnes que nous trouvons dans l’Evangile de ce jour, ce sont les grands prêtres et les docteurs de la Loi. Ils sont des experts des Saintes Ecritures au point qu’Hérode, lorsqu’il sent son trône d’or menacé, les consulte pour connaître le lieu de naissance du Christ. Les grands prêtres et les docteurs de la Loi ouvrent alors les Livres Saints, ils les expliquent parfaitement à Hérode et indiquent aux Mages leur chemin. Ils referment ensuite les Livres mais ils ne font alors plus rien : ils ne partent pas, ils ne se mettent pas en chemin, ils n’entreprennent aucun projet.
Est-ce le genre de personne qui, après avoir expliqué l’Ecriture, a été réprimandé par Jésus au motif de l’hypocrisie ? Il dira : « Vous ressemblez à des sépulcres blanchis à la chaux : à l’extérieur ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures » (Mt 23,27) ?
Nous pensons peut-être que nous ne sommes pas aussi mauvais que ces hommes. Mais nous ne pouvons assurément pas douter de ceci : les grands prêtres et les docteurs de la Loi représentent beaucoup de chrétiens parmi lesquels nous nous trouvons. Nous sommes des docteurs de la Loi qui conservons notre religion d’une manière traditionnelle, dogmatique et rigoureuse mais nous avons peur des difficultés, des ennuis, de perdre du temps et d’abandonner nos vieilles habitudes.
Pour le dire en un mot, nous aimons vivre tranquillement à la maison, nous n’aimons pas aller loin.
Le Pape François explique ceci lorsqu’il appelle l’homme à sortir vers les périphéries : « L’Eglise doit sortir d’elle-même, elle doit rejoindre les périphéries géographiques, humaines et existentielles ».
Ainsi, nous rendons grâce à Dieu. Si de nombreux chrétiens se montrent encore réticents à se mettre en chemin vers des pays lointains, il existe encore quelques missionnaires qui quittent leur pays natal pour cheminer vers des cieux lointains, pour en ouvrir les frontières au Royaume des Cieux.
Les Missions Etrangères de Paris, avec les autres instituts missionnaires, sont des témoins éloquants de cet esprit de sortie.
La fête de l’Epiphanie, que nous célébrons aujourd’hui, constitue une opportunité très significative pour faire mémoire des milliers de missionnaires qui sont partis du 128 rue du Bac. Plusieurs d’entre eux sont devenus des saints martyrs.
Nous les portons en haute estime et nous remercions les Missions Etrangères de Paris d’avoir créé il y a quelques années le service du volontariat. Celui-ci permet à des jeunes de participer au service de la mission dans les pays d’Asie selon leur propre vocation et d’une manière discrète.
Cette initiative ne permet pas seulement à ces jeunes de chercher le sens de leur vie, ils peuvent surtout découvrir ce que signifie porter le message de l’Evangile aux nations. Certains d’entre eux deviennent d’ailleurs des religieuses ou des prêtres.
Ces modèles d’engagement nous aident à appréhender qui sont les Mages dans l’Evangile de ce jour. Saint Jean-Paul II a écrit un ouvrage qui s’intituleTémoin de l’espérance.
Ce thème est tout à fait approprié pour entrer dans le mystère des Mages. C’est Dieu seul qui vient chercher l’homme en premier. L’étoile qui guide les Mages témoigne de ceci : « Nous avons vu son étoile à l’orient » (Mt 2,2).
Les Mages se mettent donc en chemin à la recherche du Seigneur à cause d’une impulsion intérieure, ou pour le dire selon notre thème, ils cheminent avec passion parce qu’ils sont remplis de l’espérance de voir le Seigneur.
C’est ce qu’Abraham nous a déjà montré : il est le premier à chercher Dieu. A l’appel discret de Yahvé, il renonce à tout ce qu’il possède pour se rendre vers une terre dont il ignore tout.
Les Mages entreprennent la même démarche, ils rencontrent de nombreuses difficultés au cours de leur périple : l’étoile qui les guide les empêche de perdre leur chemin. Il leur faut s’informer mais par mal chance ils tombent sur Hérode, ce roublard ! Ils deviennent immédiatement la cible privilégiée de ce roi cruel.
Le pèlerinage des Mages débute donc au milieu des dangers mais ils ne se découragent nullement. Il en est allé de même pour les missionnaires qui sont venus chez nous : on les a mal compris, on les a rabroués et on les a parfois mis à mort, ils ont fléchi et se sont relevés, ils ont poursuivi le chemin des trois Mages et le salut a été offert aux peuples de toutes les nations. Les peuples païens sont devenus les héritiers de Jésus Christ (cf. Ep 3,6), comme nous l’enseigne saint Paul dans la seconde Lecture.
L’Eglise a été fondée par le Seigneur. A nous qui en sommes les membres, il revient de répondre aux soifs profondes de tous les hommes et de toutes les époques : tous aspirent au Seigneur. Le fait que les Mages aillent adorer l’Enfant-Dieu authentifie la parole que nous avons entendue dans la première Lecture : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » (Is 60,3). La Lumière du Christ a autrefois resplendi dans la crèche de Bethléem, elle illumine désormais toute la Terre.
L’Eglise nous appelle aussi à suivre cette étoile à la suite edes trois Mages qui sont allés se prosterner au pied de l’Enfant Jésus. Celui-ci est la joie et la nouveauté offertes au monde, ainsi qu’à chacun de nous : puissions-nous nous-mêmes devenir des hommes et des femmes joyeux, authentiquement nouveaux et qui portions la Lumière divine auprès de chaque homme. C’est aussi le vœu que je formule pour les Missions Etrangères de Paris, ainsi que pour chacun de vous qui participez ou qui vous unissez par la prière à cette messe. Amen.