Homélie de la célébration des Martyrs du Laos

Publié le 17/12/2018




Romains 8, 31-39 ; Matthieu 10, 26-33 Les disciples ont de quoi s’inquiéter en écoutant Jésus surtout quand il leur annonce qu’il les envoie comme des agneaux au milieu des loups. Mais il leur dit « Ne craignez pas ». Il les invite à avoir l’audace de témoigner malgré tout, car la vérité est irrésistible et rien n’arrête la révélation. Les disciples, témoins de ce dévoilement, ne peuvent que crier ce qu’ils ont vu, entendu et touché. Mais le risque de la persécution est toujours présent comme pour nos frères martyrs. Jésus leur avait dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps ».

Nous fêtons ces jours-ci le premier anniversaire des « Témoins de la Foi au XXe siècle » que le Laos à présenté à l’Eglise universelle 17 hommes morts martyrs entre 1954 et 1970 : un jeune prêtre laotien, 5 prêtres des Missions Étrangères de Paris, 6 missionnaires Oblats de Marie Immaculée – un Italien et 5 Français –, et 5 laïcs laotiens. Béatifiés à Vientiane le 11 décembre 2016, ils sont fêtés en 2017 : à Notre-Dame de Paris le 5 février, à Trente (Italie) le 30 avril, et à Notre-Dame des Neiges, Belleville (Illinois, États-Unis) les 17-18 juin.

L’histoire de leur vie et de leur mort nous plonge dans les soubresauts de la grande Histoire qui, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et dans un affrontement géopolitique est-ouest, vit basculer dans le communisme athée les nations de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Héroïquement, ces hommes sont restés à leur poste, fidèles jusqu’au bout à Jésus Christ, aux instructions romaines et au petit peuple de Dieu confié à leurs soins. Entre 1954 et 1970, ils ont été tués « en haine de la foi ».

 

Bienheureux Joseph Thao Tiên

Vers 1953, le Père Tiên a été mis en prison. Il n’avait pas voulu se sauver : les Pères français le lui avaient conseillé et plusieurs villageois l’y avaient exhorté, mais lui n’a pas voulu. Il a dit : « J’ai été ordonné pour les chrétiens, je ne peux pas les abandonner. Ceux qui veulent me tuer, eh bien, ils devront me tuer ici. » Il voulait vivre et mourir au milieu de ses chrétiens.

Bienheureux Marcel Denis, m.e.p. Lettre de Marcel Denis à sa nièce, 27 mars 1961

« Peut-être as-tu appris que Lak Sao était pris par les communistes ? Ça a chauffé ! … Une fois de plus le Bon Dieu m’a gardé. C’était de justesse. On prie tant pour moi ! Pourvu que cela ne fasse pas changer Monseigneur d’avis. Ce que j’ai de catéchumènes près de Lak Sao n’est pas énorme, le gros de mon travail est plus au nord…

Depuis des années, je circule ainsi, perpétuellement “sermonné” par les gens qui ont peur quand il n’y a pas encore de danger, qui tremblent encore quand il n’y en a plus… »

Bienheureux Jean Wauthier, omi

« Vous voyez que la Sainte Vierge m’a protégé. Aussi, pourquoi avoir peur ? Nous ne sommes rien par nous-mêmes, mais nous sommes des Christ ambulants, on le sent presque physiquement dans ce pays où tout le monde vit sous la crainte des génies et nous sommes l’amour. » Lettre de Jean Wauthier aux Oblats de Solignac, 24 mars 1954

« Face à cette marée diaboliquement inexorable nous sommes vingt Pères qui, conscients de leur faiblesse mais forts de la force de Dieu, avons décidé unanimement à la dernière retraite de rester quoi qu’il arrive. Et ce petit mot est très lourd. Nous savons parfaitement ce qui va nous arriver : la torture et la mort, la torture physique ou morale (on ne sait pas laquelle vaut mieux), le tribunal populaire, les travaux forcés, l’expulsion, diminué, avili… Mais puisque notre Chef Jésus a triomphé de la mort en mourant sur une croix, nous ses disciples nous ne voudrions tout de même pas avoir nos aises sur la terre. » Lettre de Jean Wauthier aux Clarisses de Fourmies, 9 décembre 1954

 

Alors comment ne pas faire le lien avec Mgr Pierre Claverie et ses 18 compagnons et compagnes ont été déclarés bienheureux le samedi 8 décembre 2018 au cours d’une messe célébrée au sanctuaire de Santa Cruz à Oran, en Algérie, dans le pays où ils ont vécu.

 

De 1994 à août 1996, comme les 7 frères de Tibhirine, 12 autres religieuses et religieux ont donné leurs vies. Toutes et tous, ainsi que beaucoup d’autres heureusement toujours en vie, avaient fait le libre choix en ces années noires de rester fidèles à l’Eglise d’Algérie et à leurs amis et voisins algériens. Ces “19 martyrs d’Algérie” sont 15 Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise, issus de huit congrégations catholiques différentes, assassinés entre 1994 et 1996.

Cette célébration, qui semblait à beaucoup « impossible », a fait passer un message de réconciliation, et d’une guérison possible des blessures.

Les dignitaires musulmans d’Oran se sont associés à la célébration en recevant dans la matinée les familles des bienheureux à la Grande Mosquée Ibn Badis de la ville, en présence du cardinal Becciu et du ministre algérien des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa.

“Cet événement, nous musulmans, nous y associons avec beaucoup de joie”, a expliqué un imam d’Oran, Mostapha Jaber, à la Grande Mosquée, “ces martyrs chrétiens tués pendant cette tragédie nationale étaient des hommes de paix, des hommes de bonne foi, des hommes qui avaient une mission bien déterminée celle de répandre la paix”.

 

Pertinence du message des Martyrs du Laos pour l’Église et la société aujourd’hui

L’héroïcité de la mort des martyrs du Laos est particulièrement parlante aujourd’hui pour l’Église catholique et l’humanité, et cela au Laos comme dans de nombreux pays du monde.

 

  1. Leur identification avec Jésus Christ dans le mystère de sa passion et sa mort salvatrices vient donner un nouveau sens à la vie de ceux qui sont aujourd’hui en butte à la souffrance et à l’épreuve.
  2. Leur attachement et leur obéis­sance inconditionnelles à l’Église, ses responsables comme ses fidèles, a une valeur exemplaire. Pour les prêtres, il y a là aussi un exemple remarquable de ce que veut dire être un bon pasteur à l’image du Christ Pasteur.
  3. Leur esprit de service jusque dans les détails quotidiens, leur abnégation dans les conditions de vie les plus difficiles, leur amour agissant et intrépide pour ceux qui leur étaient confiés et qu’ils n’ont pas voulu abandonner, tout cela vient illuminer les sociétés contemporaines, où le matérialisme et le chacun-pour-soi risquent de rendre caduques les valeurs fortes de service et de solidarité.

4. À une époque où la vocation missionnaire est souvent moins mise à l’honneur dans l’Occident chrétien, le témoignage des martyrs du Laos est capable de susciter dans les jeunes générations un renouveau et un appro­fondissement de cette vocation particulière.

  1. Les chrétiens laïcs qui font partie du groupe, jeunes gens ou hommes mariés, étaient tous catéchistes ou aspiraient à le devenir. Ils sont appelés à devenir des modèles capables d’inspirer et de dynamiser tous les laïcs chrétiens qui servent aujourd’hui l’évangélisation et la catéchèse, ou qui veulent se mettre au service des autres dans leur propre famille et dans la société. Le groupe des martyrs se clôt opportunément sur les noms de deux pères de famille exemplaires.

 

Alors « que dire de plus ? écrit St Paul aux Romains. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?

Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste :

Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ?

Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés.

Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »

 

Vincent Gruber, OMI, le samedi 15 décembre à la Chapelle de l’Epiphanie.

 

Prière en l’honneur des Martyrs du Laos

 

Dieu, Père de tous les peuples,

pour faire naître et former ton Peuple au Laos,

tu as donné au Bienheureux Joseph Thao Tiên

et à ses compagnons, prêtres et laïcs,

une fidélité indéfectible au Christ Sauveur et à son Église,

aux personnes qui leur étaient confiées

et aux exigences de leur vocation.

Le don total qu’ils ont fait de leur vie à la mission,

au milieu des épreuves,

tu l’as consacré en leur accordant la couronne du martyre.

 

Donne-nous, nous t’en supplions,

de savoir imiter leur exemple :

fidèles à notre tour, chaque jour de notre vie,

à l’appel du Christ et au service des plus humbles,

nous pourrons un jour partager au Ciel

le banquet pascal préparé pour tes enfants.

 

Par le même Jésus Christ, ton Fils,

notre Seigneur et notre Dieu,

qui règne avec toi et le Saint Esprit,

maintenant et pour les siècles des siècles.

Amen

 


CRÉDITS

Robinson Gouhier