Joseph, le jeune disciple de François d’Assise

Publié le 11/10/2024




Joseph Babcock sera ordonné diacre pour les MEP en vue du sacerdoce, le samedi 19 octobre 2024, dans la chapelle de l’Épiphanie aux MEP par Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique en France. Il recevra ce jour-là son pays de mission.
Joseph Babcock dans la chapelle de l'Epiphanie

Joseph Babcock dans la chapelle de l’Epiphanie

 

À l’âge de 16 ans, Joseph se trouve assis seul au bord de l’immense lac Michigan dans le Wisconsin, au nord des États-Unis. C’est là, en contemplant la nature, qu’il vit une expérience de prière intense et le sentiment très fort d’être aimé de Dieu : « Je ne sais pas ce que je vais faire dans ma vie, lui dit-il, mais elle sera dans Tes mains ». Tout le reste de son parcours, affirme-t-il, découle de ce moment où il a assumé son baptême.

 

Entre l’Opus Dei et les jeux vidéo

Joseph Babcock est né en 1997 à Milwaukee, aux États-Unis. D’un père protestant, et d’une mère catholique dont les parents venaient de Pologne et de Slovaquie. La famille Babcock qui compte aussi son frère et sa sœur, va à la messe le dimanche et prie avant chaque repas. Le père se convertit au catholicisme quand Joseph est encore jeune.

Les enfants fréquentent l’école catholique et parfois des camps de l’Opus Dei, mouvement dans lequel leur mère est impliquée. Les grands-parents slaves sont des figures familiales qui impriment une forte identité religieuse : Jean-Paul II est leur héros ! La famille est très ouverte et toutes sortes de personnes se retrouvent à table chez eux, des hippies locaux aux voisins luthériens.

Joseph est doué dans les études et saute une classe. Après le collège, sa grand-mère suggère de l’envoyer au petit séminaire tenu par les frères capucins. Il est très heureux dans cet établissement. Il admire ses professeurs capucins et découvre pour la première fois l’histoire de François d’Assise.
Il se passionne pour l’informatique et ses parents l’encouragent dans cette voie. Un an plus tard, il obtient une bourse pour des cours du soir de programmation, à condition d’entrer dans une école publique. Son cœur est partagé entre le petit séminaire et cette offre trop belle pour être refusée !

Il change donc de lycée. Il s’imagine déjà gagner beaucoup d’argent avec cette formation. L’été, il fait des stages dans un studio de jeux vidéo, dont le travail à l’intersection de la programmation et de l’art, le fascine.

 

Redécouvrir sa foi

L’école publique est un choc culturel pour lui. Les autres élèves ne partagent pas ses valeurs, ni son éducation. C’est aussi une période où le monde anglo-saxon traverse un courant d’apologie de l’athéisme 1. Les camarades de Joseph se déclarent athées « la religion est la cause de guerres, de violences » assènent-ils, lui ne sait pas quoi répondre. Il fréquente aussi des évangéliques, qui connaissent si bien la Bible et des anglicans dont l’Église traverse un moment de fracture.

Confronté à ces courants de pensée, Joseph essaye de s’y retrouver : quelle est la vérité ? Que croit-il lui-même ? Est-ce que Dieu existe vraiment ? Il lit l’Évangile de Matthieu et une biographie de François d’Assise qui le bouleverse. Il ne comprend pas comment la vie chrétienne peut être aussi radicale mais c’est un modèle qui l’attire.

Il écoute les vidéos de Bishop Barron sur Youtube qui expliquent la foi chrétienne, il lit des livres, il se forme. Il écrit aussi à l’un de ses anciens professeurs capucin pour lui poser ses questions, celui-ci deviendra son parrain de confirmation. Sa foi s’affermit. Jésus est bien le Christ, il a fondé son Église avec Pierre. Joseph reconstruit peu à peu sa foi catholique.

D’abord intellectuelle, sa quête devient spirituelle. Il commence à prier et à ouvrir la Bible. Il va à l’adoration eucharistique et découvre aussi le chapelet. C’est sur les rives luxuriantes du lac Michigan qu’il est débordé par le sentiment d’être entre les mains de la Providence et décide de donner sa vie à Dieu.

Idéaliste, il veut suivre l’exemple de François d’Assise à qui Dieu parlait à travers les lépreux. Il part régulièrement à la rencontre des sans-domicile de Milwaukee. Un jour, il invite l’un d’eux à dîner. L’homme lui explique qu’il n’a pas mangé car il devait aller chez les capucins mais ils sont fermés justement ce soir-là. Très touché, Joseph se dit que c’est la voix de Dieu lui-même. Comme François d’Assise, il sera la main qui se tend vers les affamés.

 

Une jeunesse parmi les capucins

Sans le dire à personne, il décide d’entrer chez les capucins dès la fin du lycée, à 17 ans ! Il est seul sur cette partie du chemin, il n’a pas vraiment d’amis qui partagent sa foi. Il mène sa vie normale d’adolescent qui sort à la pizzeria et programme des jeux vidéo avec cet amour de Dieu qui grandit jusqu’à vouloir Lui donner sa vie.

Il termine le lycée et annonce sa décision à sa famille. Son père, qui rêve pour lui d’une carrière dans l’informatique, se dit que l’idée lui passera ; sa mère le verrait plutôt dans un ordre plus prestigieux comme les jésuites ou l’Opus Dei. Il rentre en année de philosophie à Chicago en tant que candidat capucin. Ses parents comprennent vite qu’il est heureux.

Un jour, un grand groupe de servants d’autel d’une église coréenne de la ville vient visiter le couvent. Ils sont enthousiastes, prennent tout en photo. Joseph est sous le charme.

Il souhaite ensuite entrer en postulat mais il est conscient d’être très jeune. Son père spirituel le rassure : « c’est tôt, c’est vrai, mais tu es prêt ». Il retourne à Milwaukee et se joint à huit autres postulants capucins. Leur vie est faite de prière et de service des pauvres. Il est ensuite envoyé au noviciat près de Santa Barbara en Californie.

Il y passe une année formidable, qui lui permet de grandir spirituellement. Dans ce monastère magnifique de la campagne californienne, il n’y a ni téléphone, ni ordinateur ! Des stars hollywoodiennes viennent à la messe chez eux. Les capucins travaillent les vignes et prient quatre heures par jour. Ils vivent une grande fraternité entre eux.

Il retourne à Chicago comme séminariste capucin pendant trois ans. Il étudie la philosophie et la théologie et fait beaucoup d’apostolat : catéchisme chez les Mexicains, soupes populaires, visite des réserves amérindiennes… Le week-end, il s’occupe des jeunes du petit séminaire, il joue durant des heures au ping-pong avec eux et parle longuement de la foi. L’été, il accueille les pèlerins dans un sanctuaire à Détroit 2.

Un jour, il se rappelle ce groupe coréen qu’il avait reçu quelques années plus tôt et il décide de se rendre à une messe coréenne. Un couple l’aborde : « Nous avons besoin d’un aumônier pour notre tiers ordre franciscain lui disent-ils, voulez-vous l’être ? » Joseph accepte et se retrouve parmi des personnes âgées qui ne parlent pas anglais ! Ils chantent le Salve Regina ensemble, communiquent avec des dessins et rient beaucoup. Le langage est un obstacle, pourtant, ces gens insistent pour qu’il reste ! Pour mieux accompagner les tertiaires franciscains, il s’inscrit en cours de coréen à l’université et se découvre une passion inattendue pour cette langue !

 

La vocation missionnaire

Durant ces années, il se pose des questions. À 15 ans, il a remis sa vie entre les mains de Dieu. Il doit redonner son « oui » régulièrement. Il est heureux dans la pastorale et dans la prière personnelle mais la vie collective au quotidien lui pèse, il envie l’autonomie des prêtres diocésains. Il voit que ses frères capucins, qu’il admire tant, s’épanouissent d’une autre façon que lui : pour eux, la vie communautaire est la base de leur vocation.  Joseph souhaite plutôt devenir prêtre missionnaire.

Il se renseigne sur les instituts missionnaires. Les prêtres maryknolls proches de chez lui sont plutôt âgés. Il a connu un prêtre colomban mais cette congrégation n’existe presque plus. Par des amis communs, il prend contact avec le père Will Conquer, un prêtre franco-américain des missions Étrangères de Paris (MEP). Les deux hommes se comprennent immédiatement ! Joseph découvre que les MEP œuvrent en Asie, ce qui l’attire. Il voit une congrégation vivante avec des jeunes, le volontariat… Il apprécie leur charisme de communion avec l’Église universelle et le grand respect des cultures locales.

Rapidement, il souhaite entrer aux MEP. Partir de l’autre côté de l’Atlantique ne lui fait pas peur, il est assez jeune pour ce changement. Il en fait part à ses confrères tout en leur demandant un peu de temps pour discerner. Il porte la robe de bure des capucins jusqu’au dernier jour ; la retirer est un véritable arrachement ! Il a été si bien entouré de bons guides et de bons amis… « Je n’ai pas eu une jeunesse ordinaire constate-t-il, mais ce que j’ai reçu, personne ne peut me l’enlever ! »

 

Vers la France

C’est à ce moment que survient la pandémie du Covid. Joseph se retrouve confiné en famille. Son frère et lui profitent pleinement de cet imprévu pour développer leur complicité. Joseph commence l’étude du français et ses démarches administratives. Ses parents le soutiennent : son père aime beaucoup Paris, sa mère est sous le charme des photos de la Rue du Bac !

Il entre en propédeutique aux MEP en août 2020. La première année l’épuise. L’apprentissage du français est laborieux, il a le sentiment de tout recommencer, lui qui a déjà beaucoup étudié… Mais il apprécie la culture française, latine et profondément chrétienne. Il est fier de l’héritage des MEP, surtout le témoignage des martyrs. « J’ai trouvé ma place aux MEP » affirme-t-il.

Dans les difficultés, il parle longuement avec le Père Rufus, un coréen, qui l’aide beaucoup. Ce prêtre est pour lui un modèle « comme saint François ». Il connaît tous les sans-domicile du quartier. Ensemble ils prient et font des maraudes pour apporter de la nourriture et de l’amitié aux laissés-pour-compte de Paris. Il est également porté par la prière de religieuses carmélites américaines qui lisent la Revue MEP.

Joseph se prépare à nouveau à un grand départ. Sa foi a plus de maturité maintenant, il aime témoigner de Jésus auprès des non-chrétiens. Il a hâte de connaître son pays de mission puis de devenir prêtre pour apporter l’eucharistie.

 

de Sophie Agueh

 

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1 / avec des auteurs comme Sam Harris, Richard Dawkins ou Christopher Hitchens.

2 / le sanctuaire du bienheureux Solanus Casey, un capucin de Détroit mort dans les années 50.

 

 

Témoignage de Joseph – Maison Saint Théophane MEP

 


CRÉDITS

Collection privée / MEP