Messe de jubilés de sacerdoce : P. Paul Billaud, à gauche (50 ans) / P. Lucien Legrand, 2ème à gauche (75 ans) / P. Pierre Perrard, à droite (60 ans)
Homélie, du 6 juillet 2025, du P. Lucien Legrand, à l’occasion du jubilé de ses 75 ans de sacerdoce :
Le Seigneur désigna encore 72 autres disciples et il les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville où lui-même devait aller. Il leur dit : ‘La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maitre de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Nous venons d’entendre cet appel de Jésus dans l’évangile de ce jour. C’est chaque génération qui est interpellée par ce cri de Jésus. C’est cet appel à se porter volontaires pour travailler à la moisson que Paul, il y a 50 ans, et que moi-même il y a 75 ans, nous avons entendu. C’est l’appel qui s’adresse à chacun d’entre nous, à tout chrétien, à tous ceux qui partagent le sacerdoce universel du peuple consacré par le baptême. La moisson est toujours de plus en plus abondante et le besoin d’ouvriers de plus en plus criant.
En nous rapportant l’appel de Jésus à la Mission, la liturgie de ce dimanche, dans la deuxième lecture, nous propose l’exemple de saint Paul, le premier missionnaire après les apôtres et le plus grand. Celui-ci nous présente deux aspects de ce que la Mission signifie. Un aspect est celui des exigences de la Mission. Il ne mâche pas ses mots. La Mission est don radical de soi, à la suite de Jésus, à l’image de Jésus qui aima les siens jusqu’au bout. « La croix de notre Seigneur Jésus Christ est mon seul titre de gloire. Par elle, le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde… Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus ». « Les marques des souffrances de Jésus » : le mot grec parle des stigmates de Jésus que portait l’apôtre dans son corps ? Il faisait peut-être allusion, physiquement, aux cicatrices laissées sur son dos par et les flagellations qu’il avait subies. Il pensait aussi à toutes les tribulations qu’il avait subies et qu’il énumère en détail dans une autre lettre aux Corinthiens, emprisonnements, bastonnades, voyages épuisants et naufrages, échecs et déceptions, faim et soif, froid et canicule (2 Cor 11). Le missionnaire d’aujourd’hui n’a peut-être pas connu toutes ces épreuves. Il en a peut-être partagé quelques-unes. Il a surtout partagé avec l’Apôtre ce qu’il considère comme le tourment le plus profond, ce qu’il appelle « le souci de toutes les églises » et il s’explique : « C’est mon obsession quotidienne, le souci de toutes les églises ! Qui est faible que je ne sois faible ? Qui vient à tomber et que je ne le ressente moi-même comme une brulure ?» (2 Cor 11). Les parents connaissent les soucis que leur causent leurs enfants, leur enfance, leur croissance, leur adolescence, leur entrée dans l’âge adulte. Paul a connu ce souci avec ses nouveaux chrétiens remuants de Galatie ou de Corinthe : « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (Gal 4,19). Tel est l’amour du missionnaire pour sa mission, pour ceux dont il a reçu la charge. Il aime cette partie du Peuple de Dieu qui lui a été confié et, comme chez tout parent, cet amour est cause de soucis.
Le missionnaire se sent bien petit quand il se trouve devant ces gigantesques masses humaines de l’Asie, à Bombay, Bangalore, à Jakarta et Hong Kong. C’est aussi ce que ressent tout chrétien, témoin de la Bonne Nouvelle, messager d’Espérance devant un monde en proie à la violence, à la haine, à l’injustice, à l’égoïsme individuel et collectif, à toutes sortes de formes de deshumanisation. Que pouvons-nous faire dans ce monde si inquiétant ? Comme Jérémie appelé à être prophète, on peut dire : « Ah Seigneur, je ne sais que dire. Je suis si petit » On ressent fortement l’impression d’affronter la mission impossible. On devrait avoir peur, se laisser aller au découragement. Mais on entend les paroles du Seigneur Jésus à St Paul quand il se trouvait dans une situation analogue : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Et l’Apôtre conclut : « Aussi mettrai-je mon orgueil bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. Donc je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, et les angoisses pour Christ ! Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. (2 Co 12, 9-10) ». Comme St Paul le missionnaire et tout chrétien dans les épreuves de la vie a fait l’expérience de cette puissance de l’Esprit, ouvrant des opportunités imprévues, débouchant des problèmes sans issue, mettant en œuvre des supports insoupçonnés.
C’est là que se trouve l’autre aspect de la Mission. C’est ici qu’apparait l’autre aspect de la Mission, du missionnaire comme de tout chrétien. « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps » dit le Seigneur ressuscité à ses disciples, en leur confiant la mission, sa mission, d’aller et de faire des disciples dans le monde entier. Ce sont les dernières paroles de Jésus, les mots de conclusion de l’évangile. Il nous dit par là que sa mission continue, que c’est sa mission et que c’est sa puissance qui animera la mission : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc et faites des disciples. La Mission est portée par la présence, la puissance et l’amour du Fils de Dieu et de l’Esprit de Dieu. Nous ne sommes pas seuls avec notre faiblesse. Nous sommes enveloppés par une force qui nous dépasse et un amour qui illumine notre vie. C’est cette présence d’un Dieu d’amour qui enveloppait le prophète Isaïe et qu’il décrivait dans première lecture d’aujourd’hui :
« Je prendrai soin de vous comme une mère le fait pour l’enfant qu’elle allaite, qu’elle porte sur la hanche et cajole sur ses genoux. Oui, comme une mère qui console son enfant, moi aussi, je vous consolerai, … Oui, vous connaîtrez ce moment-là, votre cœur sera dans la joie, et vos vieux os reprendront vie comme l’herbe au printemps. Le Seigneur fera éprouver son pouvoir à ses fidèles » (Is 66,12-14).
Telle est la vie de la mission, la vie du missionnaire et la vie de tout croyant. Elle est portée par un Dieu d’amour, un Dieu Père et mère, comme le dit le texte d’Isaïe, un Dieu tout-puissant mais dont la puissance est puissance d’amour. Se laisser porter par cette puissance d’amour. C’est ce que veut dire que nous sommes les enfants de Dieu. C’est la petite voie d’enfance dont Ste Thérèse Lisieux, patronne des Missions nous a montré l’exemple.
Que reste-t-il à dire, conclut St Paul, Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ?… Qui nous séparera de l’amour du Christ ? la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ?… Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur (Rom 8,31-39).
Tel est le cœur de la mission, le cœur de toute vie chrétienne. Dans cette eucharistie, nous remercions le Seigneur de nous avoir appelé à cette grâce et nous le prions de lui être fidèles.
P. Lucien Legrand, MEP
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