Mgr Pierre Lambert de la Motte (1624-1679)

Publié le 10/03/2020




L’un des principaux fondateurs des MEP avec Mgr Pallu et Mgr Cotolendi. Né en janvier 1624 à La Boissière (Calvados), il est baptisé le 16 de ce mois à l’église Saint-Jacques de Lisieux. Le 17 mai 1646, il est nommé conseiller à la cour des aides à Rouen, mais, après un séjour à l’ermitage de Caen, il résilie sa charge en juillet 1655 pour entrer dans les ordres. Il est à cette époque pressenti par Jean de Bernières pour devenir vicaire apostolique du Canada, mais l’opposition de l’archevêque de Rouen empêche cette démarche d’aboutir. Il entre alors au séminaire de Coutances, où il est ordonné prêtre le 27 décembre 1655. Au printemps de l’année suivante, il accepte, sur l’instance de ses amis, de prendre la direction du bureau des pauvres à l’Hôpital général de Rouen.

Préparatifs et départ pour l’Asie

Un séjour à Paris en novembre 1657 ravive son attrait pour la vie missionnaire. Il présente alors sa candidature pour les missions d’Asie. Quelques années auparavant, le jésuite Alexandre de Rhodes avait soumis à Rome un projet de formation d’un clergé vietnamien autochtone, indépendant du patronat portugais. Depuis 1656, François Pallu tente d’obtenir de Rome la nomination de vicaires apostoliques pour l’Asie. Il lance un appel à Pierre Lambert de La Motte, alors en route pour Rome, le priant de l’aider dans ces longues et difficiles négociations. En novembre 1957, Lambert de La Motte parvient à convaincre le secrétaire de la Congrégation pour la propagation de la foi, plus communément appelée « la Propagande », de la nécessité de cette nomination.

Il est alors choisi pour être avec François Pallu l’un des premiers vicaires apostoliques. Le 29 juillet 1658, il est nommé évêque de Bérythe, et il se voit assigner en août le vicariat apostolique de la Cochinchine, ainsi que les provinces de Zhejiang, Fujian, Guangdong, Guangxi et l’île de Hainan en Chine. Le 11 juin 1660, il est sacré évêque par Mgr Victor Le Bouthillier, archevêque de Tours, à Paris.

Il quitte Paris le 18 juin 1660, et s’embarque à Marseille le 27 novembre suivant, accompagné de deux missionnaires, Jacques de Bourges et François Deydier. Le 22 août 1662, après deux années de voyage, il atteint Juthia, la capitale du Siam, où il se fixe provisoirement, car la mission de Cochinchine est alors en butte à la persécution.

Siam (1662-1668)

Il s’installe dans la partie de la ville où résident les Annamites, appelée le camp des Cochinchinois. De là, suivant le désir de Rome, il examine la situation des missions. Celle du Siam lui paraît attristante : il observe le manque de zèle des missionnaires, qui se permettent des actions défendues par le droit canonique, et qui en particulier se livrent au commerce. Il en avertit le Souverain Pontife et la Propagande par les lettres du 10 octobre 1662, du 6 mars et du 11 juillet 1663. En retour, il est bientôt en butte à l’inimitié et aux vexations des Portugais civils et religieux, qui jugent sa présence et ses pouvoirs spirituels contraires aux droits de leur roi ; sa vie même est menacée. Il informe le Pape de l’état des esprits, et dans une lettre du 3 octobre 1663 offre sa démission.

L’arrivée de Mgr Pallu en 1664 et la réflexion changent ses dispositions. De concert avec Mgr Pallu, il rédige les Instructiones ad munera apostolica ou Monita. Dans cet ouvrage, qui se divise en dix chapitres, il donne aux missionnaires d’excellents conseils de piété, de prudence, et de conduite, ainsi que des indications précieuses pour l’organisation des paroisses, l’éducation et le gouvernement des prêtres indigènes. Rome approuve hautement cet ouvrage, le fait imprimer une première fois en 1669, et en fera plus tard de nombreuses réimpressions. Viennent ensuite des projets sur l’établissement d’un Collège général au Siam, et sur l’administration temporelle des ressources que les missions recevront.

Mgr Lambert de la Motte conçoit alors le plan d’une vaste Congrégation soumise à un règlement sévère, à des pratiques multiples de piété et de pénitence, composée de prêtres, de religieux et de religieuses. Aux vœux ordinaires, il veut ajouter certaines promesses, par exemple celles de faire trois heures d’oraison et de jeûner tous les jours, de s’abstenir de vin et de tout remède, et ainsi de suite. Ce projet, présenté à Rome, n’est pas approuvé, et l’évêque l’abandonne aussitôt qu’il connaît cette sentence. Le 13 janvier 1665, il reçoit juridiction sur le Cambodge et le Ciampa.

Ayant obtenu du roi du Siam, Phra-Naraï, une propriété dans le camp des Cochinchinois, il y fait construire une modeste résidence, une petite chapelle qu’il dédie à saint Joseph, et un bâtiment pour servir de séminaire et recevoir les jeunes gens qui, de la Chine, du Tonkin, de la Cochinchine, doivent venir s’y préparer au sacerdoce. En 1668, Mgr Lambert ordonne au Siam les deux premiers prêtres tonkinois.

Tonkin (1669-1670)

L’année suivante, l’évêque part pour le Tonkin, confié à Mgr Pallu, à qui un voyage en Europe n’a pas permis de s’y rendre. Il y ordonne sept prêtres indigènes instruits par le P. Deydier.

En 1670, il tient un synode à Dinh Hien, dans la province de Nam Dinh. Parmi ces trente-trois statuts, les plus importants pour l’organisation de la mission sont ceux qui établissent les circonscriptions ecclésiastiques, placent des prêtres annamites à la tête de chacune d’elles, et nomment des catéchistes. Ce synode reçoit l’approbation de Clément X le 23 décembre 1673, dans la bulle Apostolatus officium.

Au cours de cette même année 1670, il contribue à la fondation des Amantes de la Croix, consacré en premier lieu à l’éducation des jeunes filles et au soin des malades. Ces religieuses méditent quotidiennement sur la Passion du Christ et elles ont également pour mission de convertir les femmes et baptiser les enfants.

Cochinchine (1671-1672)

En 1671, Mgr Lambert se rend en Cochinchine. Il séjourne dans la province du Quang Ngai, où il établit l’Institut des Amantes de la Croix, comme il l’a fait au Tonkin et comme il le fera au Siam. Parvenu à Faifo (Hội An) au mois de janvier 1672, il s’efforce d’apaiser chez les missionnaires réguliers et les chrétiens les troubles causés par l’opposition des Portugais à sa propre juridiction. Il s’occupe ensuite de la discipline, donne aux prêtres indigènes et aux catéchistes copie des règlements synodaux qu’il a arrêtés au Tonkin, et y ajoute quelques observations particulières nécessitées par l’état de la mission.

Siam (1672-1676)

En février 1672, il repart pour le Siam. La situation du prélat dans cette mission avait été dès le début fort pénible, à cause de l’hostilité des commerçants et des religieux portugais, qui l’accusaient de n’être ni évêque ni vicaire apostolique, lui refusaient toute obéissance, et soutenaient, pour le battre en brèche, certaines opinions inexactes du théologien Antoine Quintanaduenas. Deux d’entre eux, les PP. Fragoso et Marini, s’étaient montrés les plus opposés. Marini était parti pour Rome afin de le dénoncer et de le faire rappeler ; Fragoso, représentant au Siam de l’Inquisition de Goa, avait, en 1666, lancé contre lui une excommunication de nulle valeur, mais très scandaleuse. Mgr Lambert porte ces faits à la connaissance de Rome.

Le 4 juin 1669, le Pape Clément IX érige le Siam en vicariat apostolique et le confie aux MEP, décision déjà prise par décret en 1665. C’est une première réponse aux attaques contre l’évêque. D’autres actes ne tardent pas : le 13 septembre de la même année 1669, Clément IX, par la bulle Speculatores domus Israel, déclare que les religieux doivent obéissance aux vicaires apostoliques. Le 12 septembre 1671, Clément X, par le bref Cœlestibus et apostolicis, confirme la censure portée par l’évêque contre les thèses du théologien Antoine Quintanaduenas que soutenait Fragoso. Le 10 novembre 1673, le même Pape condamne, par le bref Cum ad aures, les actes des commissaires de l’Inquisition de Goa. Les brefs du 22 et du 23 décembre 1673, confirment encore les pouvoirs du vicaire apostolique.

Le 18 octobre 1675, le roi du Siam accorde une audience très solennelle aux trois vicaires apostoliques alors à Juthia : François Pallu, Pierre Lambert de La Motte, et Louis Laneau, nommé vicaire apostolique et évêque de Métellopolis mais non encore sacré. Les évêques présentent au roi des lettres de Louis XIV et du Pape Clément IX. Cette audience, bientôt suivie de plusieurs autres, marque le début des relations qui aboutiront à l’envoi d’ambassades siamoises en France, d’ambassades françaises au Siam, et aux traités qui en seront les conséquences.

Cochinchine (1676)

En 1676, le prélat regagne la Cochinchine. Son séjour est, au dire des missionnaires, un des temps les plus heureux de l’histoire du catholicisme dans ce pays. Jamais on n’aura vu en si peu de jours tant de non-chrétiens baptisés, tant de pécheurs convertis, tant de fidèles sanctifiés par la réception des sacrements. Deux faits merveilleux, raconte-t-on, redoublent cet élan : l’évêque ressuscite un enfant de dix mois, et délivre une femme possédée en lui envoyant sa croix pastorale. Il obtient une audience du roi, qui lui promet la liberté religieuse et tient parole.

Décès au Siam (1679)

De retour au Siam, il y tombe bientôt malade.

Il meurt le 15 juin 1679, à Juthia, et il est enterré dans l’église.

La nouvelle de son décès n’étant pas encore parvenue à Rome, il est nommé le 1er avril 1680 administrateur général des missions du Siam, de Cochinchine et du Tonkin.

Pendant toute sa vie, il est le principal soutien des prêtres des MEP en Extrême-Orient. Les décisions que Mgr Pallu obtient à Rome, il les fait exécuter dans les missions. Sa fermeté, son calme, sa piété, son savoir-faire ne désarment pas toujours ses ennemis ; mais ils sont la cause de ses victoires sur eux.

 

Vers une éventuelle béatification

Lors de la réunion de la conférence des évêques du Vietnam, qui s’est tenue au début du mois d’octobre 2019 à Haiphong (nord), les évêques ont notamment décidé de travailler à une éventuelle béatification de plusieurs figures de l’Église du Vietnam, parmi lesquelles figure Mgr Lambert de la Motte.

Mgr Lambert de la Motte, qui est l’un des deux premiers vicaires apostoliques du Vietnam, est considéré comme le fondateur des Amantes de la Croix et, plus largement, comme l’un des fondateurs de l’Église du Vietnam avec Mgr Pallu.

Références

Plusieurs ouvrages écrits par Mgr Lambert de la Motte ou à son sujet sont référencés dans le catalogue de la bibliothèque asiatique, consultable en ligne à l’adresse suivante :

http://bibliotheque.mepasie.org/cgi-bin/koha/opac-search.pl?idx=&q=Pierre+Lambert+de+la+motte