Le calendrier chinois est un calendrier lunaire ; la nouvelle année débute avec la fête du printemps (春節) et s’achève 14 jours plus tard avec la fête des lanternes (元宵節). Chaque année est associée à l’un des douze signes du zodiaque chinois[1] et à l’un des cinq éléments[2]. C’est du serpent qu’il s’agit cette année avec comme élément le bois. Après avoir préparé le passage à la nouvelle année en nettoyant la maison et en s’achetant des nouveaux habits, signe de la nouveauté espérée, la veille du nouvel an est consacrée à afficher sur les montants de la porte d’entrée et sur le linteau des bandes de papier rouge, symbole du bonheur, sur lesquelles sont inscrits des caractères exprimant des souhaits pour l’année qui vient (春聯). On ajoute aussi les caractères de bon augure comme le fu, bonheur (副) ou le chun, printemps (春), que l’on place à l’envers car, en chinois, « renverser » (倒) est l’homophone « d’arriver » (到). Ainsi, par exemple, un fu renversé signifie que « le bonheur est arrivé ! ».
Après avoir dit au revoir à l’année écoulée par un certain nombre de rites aux divinités, l’accueil de la nouvelle année se fait par le repas traditionnel du nouvel an partagé dans la maison familiale (除夕). Il est souvent copieux et comporte quelques plats incontournables. Dans le Nord de la Chine, ce repas doit comprendre des raviolis jiaozi (餃子). Ces raviolis chinois qui contiennent de la viande ou des légumes ont surtout la forme des lingots anciens (元寶) et sont ainsi signe de prospérité. La sonorité rappelle aussi celle d’un autre caractère signifiant la rencontre et la mise en relation (交). La nouvelle année est mise sous le signe de la rencontre familiale. Un autre plat incontournable est le poisson yu (魚). Par sa sonorité, le caractère du poisson se rapproche de celui du surplus (餘). En mangeant du poisson, les Chinois espèrent donc recevoir abondance de prospérité. Ils souhaitent par ce vœu à quatre caractères (niannianyouyu 年年有餘) que cette année et les années qui viennent se terminent avec du surplus !
S’ajoute à ce bon repas l’échange des enveloppes rouges, hongbao (紅包). Invitation à la chance et la prospérité, elles sont données par les plus anciens aux enfants et aux jeunes non mariés. Elles contiennent une somme d’argent plus ou moins importante mais souvent lie le montant de la somme avec un nombre favorable. Une fois les enfants indépendants, il est de leur devoir de rendre la pareille à leurs parents en leur offrant à leurs tours des enveloppes rouges. Lors de cet échange, les mots prononcés sont gongxifacai (恭喜發財). S’échanger des vœux est tout d’abord se féliciter (gongxi 恭喜) pour l’année qui vient de s’écouler car la vie est une réalité difficile et laborieuse que l’on a réussi à surmonter. Ensuite vient le souhait d’une bonne prospérité (facai 發財). Les pétards commencent à se faire entendre pour effrayer démons et esprits et implorer la paix et le bonheur pour la nouvelle année. Leurs bruits ne cesseront qu’à la fin de la période du nouvel an. La nuit pour certains n’a pas de fin car il est de coutume de veiller ce soir-là en signe de longévité (shousui 守歲). Des jeux d’argent, le majong ou la télévision tiennent en éveil les familles voulant vivre jusqu’au bout les traditions chinoises.
Viennent alors les quinze premiers jours de l’année ayant chacun une teneur particulière. Les Taïwanais obtiennent quatre jours de congés. Et c’est au cours de ces jours-là qu’ils vont pouvoir vivre ce que la tradition chinoise demande lors des festivités du nouvel an. Le premier jour de l’année (年初一) commence par le culte des ancêtres ou par une visite au temple. Au cours de ces rituels sont offerts aux ancêtres des fruits, de l’encens, des fleurs… Puis on s’incline à plusieurs reprises en signe d’hommage. Pour les catholiques, les rites chinois interdits en premier lieu ont été ensuite autorisés en 1939. Ainsi dans chaque église catholique, à la messe du nouvel an succède la cérémonie des rites aux ancêtres. [3] Les cérémonies religieuses achevées la journée consistent à échanger ses vœux avec ses proches et amis et à saluer l’année qui vient (拜年).
Le deuxième jour est consacré à la visite des parents de l’épouse et à « l’accueil du gendre ». Les jours se suivent et l’on prend le temps de se recevoir et de se souhaiter de bons vœux afin d’affermir les liens familiaux et sociétaux. À partir du quatrième jour, la reprise des activités se fait petit à petit avant un retour définitif aux activités quotidiennes le cinquième jour. Malgré cette reprise du travail, chaque jour a son importance par la fête d’un dieu, d’un rite à accomplir ou des invitations à honorer.
C’est par la fête des lanternes (元宵節) que le nouvel an se termine. Elle célèbre la première pleine lune de l’année. Elle est l’occasion de décorer sa maison et les temples de lanternes multicolores. Elle est aussi un moyen de faire monter vers le ciel, dans un spectacle féerique, des lanternes sur lesquelles sont inscrits les vœux que chacun espère voir se réaliser dans l’année qui vient. À cette ascension s’ajoute un repas dans lequel les Chinois mangent une soupe avec des boulettes de riz glutineux (元宵) représentant symboliquement la lune.
De ces festivités de la nouvelle année se dégage un mélange de traditions culturelles, religieuses et familiales. Elles revêtent une grande importance pour les Chinois du continent, de Taïwan et de la diaspora et sont une rare occasion de goûter la paix et la tranquillité de quelques jours de repos bien mérité après une année passée à travailler avec acharnement. Si ces rites de passage sont véritablement liés à des espoirs de chance, de superstition et d’enrichissement, ils témoignent aussi d’un désir de vivre une vie heureuse et harmonieuse d’un point de vue relationnel.
Il ne reste plus qu’à se souhaiter une bonne année du serpent ! Xinnian kuaile (新年快樂) !
P. Etienne Frécon
[1] Rat, bœuf, tigre, lapin, dragon, serpent, cheval, chèvre, singe, coq, chien, cochon
[2] Métal, eau, bois, feu, terre.
[3] Ces rites sont un élément de différence avec les églises protestantes qui refusent tous ces rites issus de la culture chinoise.
CRÉDITS
MEP