LE GRAND MASSACRE VIETNAM
En janvier 1857, Charles de Montigny, envoyé comme représentant plénipotentiaire auprès des cours du Siam, du Cambodge et du Vietnam, se fait éconduire par le gouvernement de Tu-Duc qui multiplie les édits de persécution. En France, les missionnaires, soutenus par l’opinion publique, demandent l’intervention de Napoléon III en faveur de la tolérance religieuse. Mgr Pellerin, vicaire apostolique de Cochinchine, se rend à Paris pour exposer au souverain la situation des Chrétiens du Vietnam.
En septembre 1858 une flotte française conduite par l’amiral Rigault de Genouilly s’empare de Tourane qui ne sera restitué au Vietnam que deux ans plus tard. En février 1859, des troupes franco-espagnoles prennent la citadelle de Saïgon. Le siège de la ville durera deux ans, tandis qu’au Tonkin le prétendant de l’ancienne dynastie, Lê Phuy, converti au christianisme, entretient la rébellion. Le 5 juin 1862 Tu-Duc, contraint à la négociation cède à la France la moitié orientale de la Basse -Cochinchine et accorde la liberté religieuse aux chrétiens tout en limitant le prosélytisme.
Pour les catholiques du Vietnam, qui constituent la cible privilégiée des représailles gouvernementales, le bilan de ces années de trouble est très lourd. Entre 1857 et 1862, plus de 20 000 Chrétiens ont été exécutés ou massacrés au Tonkin, et 10 000 dans la région de Hué. Le clergé vietnamien a perdu un tiers de ses effectifs, soit 115 prêtres. Tous les couvents ont été dispersés, soit plus de 2000 religieuses amantes de la Croix ou tertiaires régulières dominicaines ; au mois cent d’entre elles ont été tuées. La quasi-totalité des notables chrétiens ont été emprisonnés, soit 10 000 personnes, dont la moitié a été condamnée à mort. Une centaine de villages ont été détruits et plus de 40 000 habitants dispersés ont péri de faim ou de misère. On peut estimer que l’Eglise du Vietnam, qui comptait alors environ 500 000 fidèles, a perdu le quart de ses effectifs.
Parmi les missionnaires, quatre vicaires apostoliques et un prêtre espagnols ont été exécutés : Mgrs Diaz (1857), Garcia Sampedro (1858), Berrio-Ochoa et Hermosilla (1860), et le P. Pierre Almato. Chez les Missions Etrangères, on compte trois nouvelle victimes : François Néron (3 novembre 1860), Théophane Vénard (2 février 1861) et enfin le vétéran, Mgr Etienne Cuenot, arrivé en Cochinchine avant les persécutions, en 1829, et mort en prison la veille de son exécution, le 14 novembre 1861. Il est impossible de recenser tous les martyrs vietnamiens. Parmi ceux qui ont été canonisés, on ne peut citer que quelques noms : le grand mandarin Michel Hy (1857), les PP. Dominique Mau (1858), Pierre Quy (1859), Jean Hoan (1860), Pierre Luu et Joseph Tuan (1861). Après la signature de l’accord avec la France, 23 catéchistes, étudiants et chrétiens tonkinois éxilés dans le Sud, furent libérés mais mis à mort dès leur arrivée à Nam-Dinh, en juin 1862.