L’OCCUPATION FRANÇAISE

S’il leur accorde la liberté religieuse, le traité de 1862 ne résout pas pour autant la situation des Chrétiens du Vietnam qui vont encore connaître un quart de siècle de violence et faire les frais de l’hostilité à l’occupant français. En 1864, lors de la révolte des lettrés, les Chrétiens sont soumis à des vexations et à des mesures de surveillance rigoureuses. En 1868 des vicaires apostoliques sont arrêtés. En 1872 une violente insurrection anti-française éclate à Saïgon. Le Père Jean Abonnel est tué dans une embuscade. Les troubles s’étendent dans tout le pays et feront 4500 morts. Au Tonkin 200 villages chrétiens seront incendiés.

En 1874, Francis Garnier occupe Hanoï et le delta du Fleuve Rouge. Les Tonkinois s’allient alors aux pirates chinois de la région, les Pavillons noirs, contre les Français. En 1875, le Père Félix Marie est jeté à la mer avec les chrétiens qui l’accompagnaient alors qu’il regagnait sa mission de Xa-Doai.

À partir de 1881 les positions anti-cléricales du gouvernement français se font sentir sur les missions du Vietnam. Les administrateurs, majoritairement francs-maçons, mettront peu de zèle à protéger les missionnaires et leurs ouailles. Pourtant la situation empire au Tonkin. Après la mort du Commandant Rivière dans une embuscade en mai 1883, les Chrétiens sont pourchassés. 4000 d’entre eux seront massacrés dans les environs de Hanoï. Le Père Gaspard Béchet est décapité avec trois catéchistes et deux chrétiens le 20 mai.

En 1883 Tu-Duc meurt après avoir été contraint à reconnaître le protectorat de la France sur le Tonkin et l’Annam. Plusieurs successeurs sont éliminés et Ham-Nghi intronisé sans l’accord des Français. Les violences se déchaînent contre les chrétiens. Plus de 24000 Chrétiens et 8 missionnaires disparaissent dans le diocèse de Qui-Nhon en été 1885. Jean-Marie Poirier est abattu dans son église avec 400 fidèles le 16 juillet. Marie-André Garin est brûlé vif dans les mêmes circonstances le 18, alors que Louis Guégan est tué à coups de sabre après que 500 chrétiens et 40 religieuses aient été massacrés devant lui. Auguste Macé, François-Xavier Barrat, Honoré Dupont, Dominique Iribarne et François Chatelet sont eux aussi torturés dépecés, décapités, pendus.

Au Nord, dans la province de Than-Hoa et au Laos, dix de leurs confrères ont connu une fin analogue : Charles Antoine et Joseph Séguret, Pierre Gélot, Etienne Rival et François Manissol, André Tamet en 1884 ; Benoît Satre, Paul-Louis Gras, Pierre Willar, Catherine-Lucien Pédémon en 1885, tandis que Louis Guyomard a été assassiné au Cambodge. En 1895, alors que la France a obtenu le contrôle sur l’ensemble du Vietnam, le Laos et le Cambodge regroupés dans l’Union Indochinoise, Jules Verbier est assassiné dans le Thanh-Hoa. L’Eglise du Vietnam va alors connaître un demi-siècle de répit, avant de traverser des nouvelles épreuves.