Voeux 2024 du père Vincent Sénéchal

Publié le 21/12/2023




P. Vincent Sénéchal

P. Vincent Sénéchal,
supérieur général des MEP

Chers amis,

C’est avec ces mots du père Paul Baudiquey (cf. bas de page) que je viens vous rejoindre en cet hiver, moment où, au creux de cette saison aux nuits plus longues, nous sommes heureux de prendre une pause de lumière, moment de la fête de la Nativité et du Nouvel An. Pour le jésuite Baudiquey, celui ou celle qui a placé sa confiance en Dieu peut vivre au coeur de l’hiver un « invincible été ». Cette belle expression pourrait être rapprochée de « l’invincible espérance » du père Christian de Chergé, martyr de Tibhirine. C’est cette vertu de l’espérance que je nous souhaite tous de recevoir de cette fête de Noël en vue d’une bonne nouvelle année 2024.

Nous avons bien besoin de témoins de l’espérance en un temps d’inquiétude pour la vie de notre planète (cf. la dernière encyclique du pape François, Laudate Deum), en un temps de guerres en cours extrêmement meurtrières, en particulier entre Israël et le Hamas, l’Ukraine et la Russie, en Birmanie, l’offensive éclair dans le Haut-Karabakh, et de violences intra-sociétales de plus en plus courantes, parfois ignorées. Je pense, par exemple, au drame qui se joue dans l’état de Manipur, au nord-est de l’Inde. Avec l’archevêque de Toulouse, Mgr de Kerimel, nous avons rencontré, en août, cinquante jeunes qui ont fui ces violences de Manipur, réfugiés à l’archevêché de Bangalore pour sauver leurs vies. Leur témoignage était poignant. Nous le savons aussi, la lutte contre les violences de tous types traverse nos sociétés, nos familles, l’Église – qui n’est pas hors du monde –, et également notre Société MEP. Pour ce qui nous concerne, des enquêtes étatiques et canoniques sont menées. Nous en sommes très affectés. À toutes les personnes blessées et à celles légitimement troublées, nous tenons à redire notre détermination pour lutter contre tout type de violence. Un audit pour pouvoir renforcer la lutte contre les violences sexuelles est en cours. Chacun est replacé devant la fidélité à ses engagements.

Devant les défis de ce monde en quête de rédemption, les mots de Benoît XVI dans son encyclique Spe salvi nous donnent la direction : « La vraie, la grande espérance de l’homme, qui résiste malgré toutes les désillusions, ce peut être seulement Dieu. […] Nous avons besoin des espérances – des plus petites ou des plus grandes – qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance, qui doit dépasser tout le reste, elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut être que Dieu seul, qui embrasse l’univers et qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre. »

À Noël, la grande espérance nous est révélée. Dieu nous rejoint pour nous sortir de nos nuits. Dieu prend le chemin de l’homme pour que l’homme prenne le chemin de Dieu et, ainsi faisant, inspiré par Dieu lui-même, pour que l’homme prenne le chemin de l’homme où il retrouvera son Dieu. Noël nous rappelle que le christianisme est un humanisme. Comme l’expliquait si bien saint Vincent de Paul aux religieuses Filles de la Charité, quitter la prière pour un pauvre qui sonne à la porte ou un malade en urgence, c’est « quitter Dieu pour Dieu ».

Ce chemin de Dieu qui passe par l’homme, il se concrétise dans mon esprit en me remémorant les visites sur le terrain à différents confrères MEP en 2023. J’ai pu m’émerveiller du soin apporté aux personnes d’un bidonville ici ; des fruits portés par le lent labeur des relations interreligieuses là ; j’ai pu voir à l’oeuvre un groupe de partage biblique réunissant des personnes droguées ailleurs ; l’attention pastorale à des migrants philippins et à des minorités ethniques ; des communautés célébrant le Seigneur avec ferveur et dignité ; la construction d’écoles, l’ouverture d’un hôpital où se pressent les misères d’une région ; la formation de séminaristes pour qu’ils deviennent des prêtres à la charité pastorale inventive ; la passion à apprendre la langue du peuple et à comprendre sa riche culture. J’ai interrogé des missionnaires et des chrétiens locaux : quelle est votre joie ? Ma joie, c’est d’être avec les Malgaches, m’a dit l’un. Ma joie, c’est de visiter, chaque semaine, le foyer des filles-mères, m’a dit l’autre. Ma joie, m’a dit un évêque asiatique, c’est de voir les prêtres manger joyeusement ensemble.

Ma joie de supérieur général en 2023, c’est d’avoir vécu à Taïwan une belle semaine de formation permanente avec quarante-cinq confrères MEP et d’avoir discuté, échangé, réfléchi, prié ensemble. Ma joie, ce sont les cent vingt jeunes femmes et hommes volontaires MEP formés, envoyés et retrouvés sur le terrain. Ma joie, c’est le témoignage lumineux de nos anciens, en Asie ou en France, leur regard positif sur la vie et l’oeuvre de Dieu malgré les faiblesses du corps et la baisse d’activité. Ma joie, ce sont les Églises locales d’Asie et de l’océan Indien qui nous donnent des nouvelles, vont de l’avant dans des contextes parfois tendus, n’oublient pas leurs racines. Ma joie, c’est la disponibilité des confrères à de nouvelles missions, leur fidélité à leur peuple en temps de guerre (Birmanie), leur résilience face à l’épreuve. Ma joie, c’est de voir les initiatives et réalisations des uns et des autres, celles des confrères, des salariés, des bénévoles, des jeunes, de les lire dans la revue, de recevoir des messages et des photos qui les rendent concrètes. Ma joie, c’est le travail avec les confrères du conseil permanent et ceux des services généraux, les célébrations, les partages. Ma joie ce sont les cent dix jeunes de France qui sont partis aux Journées mondiales de la jeunesse, avec les MEP au Portugal, mais aussi ceux qui y sont allés d’Asie et de l’océan Indien accompagnés par des confrères. Ma joie, c’est le soutien des familles de missionnaires et leur plaisir à se retrouver annuellement rue du Bac pour une journée de rencontre conviviale. Ma joie, ce fut de se retrouver avec les confrères responsables de groupes missionnaires pour une semaine de travail intense en conseil plénier sur les grands chantiers de la vie de notre société. Ma joie, ce sont les séminaristes qui avancent sur leur chemin du don total d’eux-mêmes pour vivre la mission du Christ au coeur de pays où, globalement, seuls 3 % de la population le connaît. Ma joie, ce sont Geoffroy, Vianney et Jérémie, envoyés en mission en 2023 ; Alexandre, Louis et Mayeul ordonnés diacres ; Vianney ordonné prêtre.

Il n’y a bien sûr pas eu que des joies en 2023, évidemment. Il y a aussi eu des peines, des obstacles et des épreuves. Mais la confiance en Dieu qui mène la barque reste la plus forte. Nous marchons au pas de l’Église qui, attentive aux défis d’un monde en pleine transformation, a vécu à Rome, en octobre, la première des deux rencontres du synode des évêques intitulé « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ». Nous avons consoné à la joie des Marseillais et de leur évêque, le cardinal Aveline, d’accueillir le Saint-Père dans la cité phocéenne – d’où il a salué la France –, en ayant un stand MEP au Village des rencontres installé sur l’esplanade de La Major. Nous l’avons entendu commenter l’Évangile de la visitation au stade Orange Vélodrome et dire : « Celui qui croit, qui prie, qui accueille le Seigneur, tressaille dans l’Esprit, […] reconnaît la présence du Seigneur comme l’enfant dans le sein d’Élisabeth. […] Face au mystère de la vie personnelle et aux défis de la société, il connaît un tressaillement, une passion, un rêve à cultiver, un intérêt qui pousse à s’engager personnellement. »

Que sera 2024 ? Quels engagements se concrétiseront ? Quels mystères de la vie vont se dévoiler à nous ? Quels défis nous attendent ? Quelles passions et rêves à cultiver vont émerger ? Soyons-en sûrs, la foi et la prière permettront les tressaillements venus du Seigneur qui orienteront actions et décisions. En tout cas, à Paris, nous commencerons l’année par L’Épiphanie en accueillant l’archevêque de Paris, Mgr Ulrich, qui viendra présider notre fête patronale et nous aurons la joie de la fermer avec la réouverture de Notre-Dame-de-Paris, le 8 décembre. « Répare mon église », avait dit par trois fois le crucifié au Povorello dans l’église de Saint-Damien. Emission sur le terrain, de nombreux projets naîtront et se réaliseront, humains, spirituels. Des projets de construction, des bâtiments, mais aussi de construction de communautés, de personnes. La mission avance ! Elle est belle. À tous, je souhaite un souffle d’espérance pour une belle année 2024 !

 

P. Vincent Sénéchal, 
supérieur général des MEP

 


 

« Que peuvent savoir de la miséricorde des matins ceux dont les nuits ne furent jamais de tempêtes et d’angoisses ? 
Pour retentir à ces atteintes, il faut avoir vécu et vivre encore en haute mer, menacé sans doute, naufragé peut-être, mais à la crête des certitudes royales.
L’amour peut alors faire son oeuvre, nous féconder, nous rajeunir.
Que nous soyons dans l’inquiétude, le doute et le chagrin, que nous marchions le coeur serré, dans la vallée de l’ombre et de la mort, que nos visages n’aient d’autre éclat que ceux, épars, de beaux miroirs brisés, un amour nous précède, nous suit, nous enveloppe…
L’Inconnu d’Emmaüs met ses pas dans les nôtres et s’assied avec nous à la table des pauvres.
Malgré tous les poisons mêlés au sang du coeur, au creux de ces hivers dont on n’attend plus rien, rayonne désormais un invincible été.
Morts de fatigue nous ne saurions rouler que dans les bras de Dieu. »

Paul Baudiquey

 


 

Madagascar 2023

CRÉDITS

MEP