Aventures missionaire

À Tsarahasina, une Église en croissance

Publié le 14/03/2023




De Madagascar, où il se trouve depuis vingt-six ans, le père Bertrand de Bourran nous adresse cette lettre pour partager avec nous la vie d’une mission catholique qui œuvre à Tsarahasina, dans le jeune diocèse de Port-Bergé, au nord-est de l’île.
MEP

Fête des Rameaux à Tsarahasina.

Madagascar n’a pas fait la une des journaux cette année, mais la vie continue un peu à l’écart du monde moderne. Le rêve occidental d’avoir une voiture avec beaucoup d’électronique est un cauchemar pour nous. Où pourrons-nous trouver des voitures simples sans électronique pour continuer à nous déplacer par tout temps ? En revanche, nous rêvons de la voiture drone qui s’affranchira des routes !

La population de Madagascar augmente de 850 000 habitants par an pour atteindre plus de 28 millions aujourd’hui. La population double tous les vingt-cinq ans. Une partie des personnes qui ont la chance d’étudier partent à l’étranger pour chercher une vie plus digne. Les étudiants qui ont terminé leurs études, infirmiers, sages-femmes, professeurs ou autres, ne trouvent pas de travail et repartent dans leurs villages, où ils cultivent et, parfois, mettent à profit leurs études. Le pays avance à la vitesse locale. Mais de l’argent arrive pour construire de beaux stades de football et, peut-être, un jour, recruter des footballeurs pour les tournois en Europe.

 

Une Église soucieuse des jeunes

L’Église est à l’image du pays, mais, en même temps, elle donne de l’espoir aux jeunes par ses milliers d’écoles et par ses mouvements de jeunes. Elle accompagne la jeunesse qui évolue très vite, loin des repères traditionnels de leurs parents et en prise avec les réseaux sociaux, sans avoir la possibilité d’analyser les informations.

Avant de quitter Madagascar, le nonce apostolique a nommé un évêque et en a déplacé un pour deux diocèses du Nord, qui étaient en attente depuis quatre ans. Quatre diocèses sont encore en attente d’unévêque. Le temps de Rome n’est pas notre temps. Nous venons d’accueillir un nouveau nonce d’origine polonaise, il aura du travail pour accompagner l’Église malgache.

Le 2 octobre, je suis allé à l’est à Tamatave pour l’inauguration d’un nouveau séminaire de philosophie, construit par le père Thomas, MEP. Il y a encore beaucoup de séminaristes à Madagascar, surtout sur les plateaux. Nous prévoyons aussi de construire un séminaire de théologie à Mahajanga, pour accueillir les séminaristes des quatre diocèses du nord de l’île. Le séminaire de Tananarive est plein.

 

La construction du diocèse de Port-Bergé se poursuit

Dans notre diocèse de Port- Bergé, les choses avancent grâce aux quatorze prêtres diocésains et aux dix-neuf prêtres religieux qui œuvrent dans onze secteurs, aidés par quinze communautés de religieuses qui travaillent dans les écoles ou la santé. Le diocèse fait de gros efforts pour scolariser des enfants. Il n’y a pas d’autres possibilités de développement sans les écoles. En vingt ans, nous avons construit plus de deux cents salles de classe et il en manque encore. Les gens ont confiance en l’Enseignement catholique. Dans les écoles, les sœurs font un travail formidable de proximité et d’accompagnement des familles. Les familles doivent donner une participation, mais elles ne le regrettent pas, même si elles doivent faire des efforts pour cela. Dans certains établissements, nous planifions des réunions pour former les parents à leurs devoirs et responsabilités.

Chaque année, nous construisons aussi des églises selon la taille des communautés, en brousse ou en ville. Mais, avec le temps, je découvre que les premières églises construites sont aujourd’hui trop petites. Un exemple à côté de Tsarahasina : en 2015, dans un village de huit cents habitants environ, nous avons construit une petite église en mur de torchis et toit de tôles pour dix personnes. Elle faisait 4 x 7 mètres. Elle était bien. Mais, en décembre dernier, nous avons constaté que cette communauté, où nous passons deux fois par an, rassemblait plus de cent personnes le dimanche. Il nous faut donc construire une nouvelle église, plus grande. Ce phénomène se reproduit dans plusieurs villages. Nous ne pouvons que nous en réjouir, en relevant les défis de trouver de l’argent et de multiplier les chantiers sur le diocèse afin de construire de nouvelles églises.

 

Le défi de la santé

Au niveau de la santé, après l’ouverture du dispensaire Héloïse, à Tsarahasina, en 2015, nous allons ouvrir, en début d’année, un dispensaire à Ankiririky, toujours sur la paroisse de Tsarahasina. Des religieuses en prennent la responsabilité.

À Port-Bergé, nous avons construit un centre de santé avec consultation, vaccination, consultation prénatale, salle d’accouchement et laboratoire d’analyse. Une nouvelle congrégation religieuse est arrivée dans le diocèse pour en prendre la responsabilité. Nous espérons ouvrir la première partie dans les semaines à venir.

La santé est un grand défi car les gens arrivent souvent tard dans les centres de santé, après avoir consulté le sorcier…

Je souhaiterais aussi lancer ce centre de santé dans la formation continue des infirmières et sages-femmes qui commencent à travailler dans les villages. Elles sont souvent isolées et sans liens avec le système de santé du public. Ne pouvant pas vivre de leurs métiers, elles sont obligées de cultiver en parallèle. Leur accompagnement permettra d’améliorer sensiblement la vision de la maladie dans les villages.

Nous continuons toujours à accompagner des mamans d’enfants qui ont des pieds bots ou des jambes arquées, en les envoyant à Antananarivo, dans un centre tenu par des religieuses. Le premier enfant que j’ai fait soigner avait déjà 10 ans et avait dû subir trois opérations, son nom était Michel Platini. Il avait deux pieds bots. Cela ne s’invente pas ; il joue au foot maintenant !

 

Trente-cinq communautés chrétiennes à accompagner

Sur la mission de Tsarahasina, la vie continue, avec de plus en plus de travail pour accompagner les trente-cinq communautés chrétiennes. Je pensais avoir terminé de construire des églises, mais voilà que, dans cinq villages éloignés, des gens ont ouvert des communautés chrétiennes et, aujourd’hui, ils demandent des églises pour pouvoir se retrouver le dimanche. Les catéchistes sont en formation pour animer ces nouvellescommunautés.

Je continue, par ailleurs, toujours les tournées en brousse, souvent à pied, pour visiter les chrétiens et les écoles. Après avoir construit onze écoles primaires et trois collèges, nous devons, en septembre, ouvrir un nouveau collège à Amparihibe. Toujours des projets à réaliser que je n’avais pas prévus, mais il faut répondre aux besoins locaux. Sur la mission, nous scolarisons 1 850 enfants, répartis sur onze écoles. Un vrai défi qui demande de chacun un engagement au quotidien.

Depuis un an, à la saison des pluies, des bateaux à moteur desservent un village. On remonte la rivière, on prend un canal et on traverse un grand lac. Cela nous simplifie la vie, en nous évitant de patauger dans la boue pendant des kilomètres. Une petite évolution dans le secteur.

Sur la mission, nous avons deux communautés de religieuses, une à Tsarahasina, composée de cinq religieuses, et une à Ankiririky, avec trois religieuses. Elles sont toutes occupées entre les écoles, les dispensaires et la pastorale.

La paroisse recense environ 80 000 habitants, dont 2 500 se retrouvent pour prier, le dimanche, dans une des trente-cinq communautés catholiques. 360 d’entre eux peuvent recevoir la communion et environ quarante-deux se sont mariés à l’Église. Comme dans la société, les membres de l’Église sont très jeunes et nous ne pouvons que progresser.

Nous continuons à accueillir des volontaires MEP. Ils restent de neuf mois à un an et font un travail extraordinaire dans les écoles, les dispensaires ou sur les chantiers. Ils nous apportent leurs questions, leur regard qui nous oblige à toujours garder notre cœur ouvert et à nous remettre en cause.

 

Merci de votre soutien

Cette année, j’ai passé trois mois et demi en France, je dis un grand merci à ceux que j’ai pu revoir avec beaucoup de joie. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui nous soutiennent dans la mission par la prière ou l’envoi d’argent, qui nous permet de continuer les chantiers et d’aider des enfants malades ou encore des étudiants après le bac.

Sur ces quelques nouvelles, je vous souhaite de pouvoir cheminer avec Jésus qui ne déçoit pas ceux qui lui font confiance. L’Église fait, parfois, la une sur des drames, mais il ne faut pas oublier toutes les personnes qui œuvrent dans la discrétion et le dévouement pour témoigner de l’amour de Dieu aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui. L’aventure qui a commencé il y a deux mille ans continue dans la confiance et la foi au ressuscité.

 

P. Bertrand de Bourran, MEP

 

 


CRÉDITS

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