Aventures missionaire

Décès de Yiyei Hym et Covid-19 à Kohroca

Publié le 07/10/2020




Yiyei Hym (grand-mère Hym) était la première chrétienne de la communauté de Kohroca. Elle est décédée le 19 mars 2020, jour de la Saint Joseph, « patron de la bonne mort », à l’âge de 74 ans. Elle demeurera un modèle de charité et de générosité chrétienne pour tous.
evue MEP Cambodge 2020

Le Centre de santé du gouvernement apporte le matériel sanitaire et les affiches avec les consignes de prévention

Un jour, Yiyei Hym avait accepté de vendre une parcelle de son terrain à l’église, bradé au prix d’un demi-dollar US le mètre carré. Le Père Gérald, alors curé de la paroisse, en admirant la simplicité de Yiyei Hym, a ajusté la somme correspondant au taux moyen alors en cours qui était d’un dollar US le mètre carré de terrain. C’était de la part de Yiyei Hym un geste, rare, qui manifestait sa générosité.

Il y a quelques années, Mme Dana était en charge du suivi des personnes malades prises en charge par la préfectureapostolique de Kompong Cham et qui étaient issues pour la plupart de villages isolés. Un jour, elle est venue medemander : « Puis-je dépenser de l’argent pour acheter du sang à l’hôpital, pour la transfusion d’une femme malade ? » Je lui ai répondu : « Vous savez que nous avons un budget de prévu pour cela… Pourquoi me demandez-vous ? » « C’est que, tous les deux ou trois mois, je donne mon sang pour nos personnes malades qui ont besoin de transfusion sanguine. Mais ayant donné mon sang la semaine dernière, je ne peux donc pas le redonner tout de suite… Or il y a une personne malade qui doit être transfusée ; comme nous n’avons pas l’habitude d’acheter le sang pour nos malades, je viens donc vous demander si je peux le faire ? » C’est finalement un de nos jeunes, Ravi, qui est allé donner son sang, au profit de la personne malade qui en avait besoin. Ce jour-là, la délicatesse de Dana m’avait touché. Cette Dana, si bonne et altruiste dans son travail, n’était autre que la fille de Yiyei Hym. On dit que le fruit ne tombe jamais très loin de l’arbre… De 1986 à 1988, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, Dana avait du mal à vendre les bonbons que sa mère préparait pour les voyageurs sur la route de Kratie, où elles vivaient pauvrement. Hym a eu cinq enfants dont trois sont mariés ; mais leurs revenus ne leur permettaient pas beaucoup d’aider leur mère, qui était séparée de son mari. En effet, celui-ci était alcoolique et la frappait souvent. En outre, celle-ci souffrait de la tuberculose.

C’est ainsi qu’en 1989, pauvre et malade, Yiyei Hym décide de retourner à Kohroca, son village natal. Très vite, elle se rendit à Phnom Penh, la capitale, espérant y trouver un traitement pour soigner sa tuberculose. Elle revoit une de ses amies, Mme Thou, fidèle catholique à l’église Saint- Joseph du Psaar Tauch, et lui demande son aide. Mme Thou avait un fils, Phon, qui travaillait comme chauffeur pour les Missionnaires de la Charité (Sœurs de Mère Teresa), dans leur maison sur le boulevard Monivong. Phon s’arrange avec les Sœurs pour que Yiyei Hym puisse rester en convalescence chez elles. Les soins prodigués par les Sœurs l’ont guérie ; bien plus que cela, sa gratitude envers la charité des Sœurs a poussé Hym à s’engager sur le chemin de la vie chrétienne, puis à devenir chrétienne elle-même.

À son retour à Kohroca en 1992, elle commence donc son catéchuménat avec le Père Gérald, les Sœurs Xavier et Pélagie, et la catéchiste Mom, à l’église de Kompong Cham. Petit à petit, Hym rassembla un groupe de personnes autour d’elle, qui devinrent catéchumènes à leur tour. Telles furent les prémices de la dynamique communauté chrétienne de Kohroca, fécondé par l’enthousiasme et le dynamisme de Yiyei Hym.

 

Un exemple de générosité

Au cours des derniers mois de sa vie, Yiyei Hym avait beaucoup de mal à respirer ; nous avions ainsi convenu de célébrer la messe chez elle une fois par semaine. Patiemment, elle offrait sa douleur à Dieu. Lorsqu’elle recevait la sainte communion, elle avait l’habitude de chuchoter : « Seigneur, je vous remercie pour la foi chrétienne. Maintenant, je suis prête à venir vers vous. »

Quelques jours avant sa mort, deux policiers sont venus à l’église de Kohroca pour nous rappeler les mesures récemment prises par le gouvernement en raison du Covid-19, entre autres l’interdiction de tout rassemblement religieux. Revenant tout juste de leur retraite annuelle au Vietnam, les Sœurs Marie Hien et Theresa Gam, au service de cette communauté, ont été invitées à rester en confinement chez elles pendant deux semaines.

Pour ma part, j’avais un rhume qui inquiétait les gens autour de moi, craignant que j’aie attrapé le coronavirus et ayant peur de l’attraper à leur tour. Ainsi, les préparatifs pour les funérailles de Yiyei Hym, ainsi que son enterrement, se sont déroulés avec seulement quelques personnes, sans autres prêtres ou sœurs. Il était cependant prévu que ceux qui le désiraient pouvaient prier au domicile de Yiyei Hym, pendant sept jours après sa mort. Selon l’usage local, nous avons également célébré la messe pour elle le troisième et le centième jour après sa mort, auprès de sa tombe.

Après le départ de Yiyei Hym, son exemple de générosité continue à nous inspirer. Ainsi, nos Sœurs Marie et Gam font un travail formidable à Kohroca. Récemment, celles-ci ont permis la construction d’une petite maison en bois pour une grand-mère pauvre dans le village d’Orchlong.

Les Sœurs Tharin et Socheath, tout comme les deux Sœurs de Kohroca, font ce qu’elles peuvent, avec simplicité : distribution de masques, de savons, de désinfectant et d’affiches contenant des instructions préventives contre le Covid-19. Lorsqu’elles sont allées distribuer du matériel au centre local de santé de Kohroca, leur geste a été grandement apprécié par les médecins. De même, lorsqu’elles se sont rendues dans des villages isolés comme Prei Totung et Bok Knao pour visiter les gens et les soutenir, ceux-ci les ont accueillies à bras ouverts. Tout cela n’est sans doute pas grand-chose, mais nous participons ainsi à l’effort commun demandé à la population par le gouvernement, pour le bien de tous.

Nul doute que l’esprit de service et l’exemple de charité dont Yiyei Hym faisait preuve continueront à nous inspirer dans notre travail pastoral et que celle-ci continuera de prier pour nous !

 

Mgr Antonysamy Susairaj, MEP

 


CRÉDITS

MEP