Aventures missionaire /

« Higotonofukuin », la Bible dans la poche

Publié le 16/11/2023




Higotonofukuin est une expression japonaise, en français on dirait : « l’Évangile pour chaque jour ». Mutualisant leurs compétences en informatique et en liturgie, Jacques Deguest et le père François-Xavier Haure ont inventé un missel perpétuel, disponible à tout moment, qui remporte une forte adhésion auprès des chrétiens, très minoritaires au Japon. Voilà déjà huit ans que ça tourne et des extensions à d’autres pays d’Asie se profilent.
Higotonofukuin, Bible en ligne Japon

Higotonofukuin, Bible en ligne Japon

Higotonofukuin est né d’un constat, relativement simple. À peu près tout le monde possède un appareil numérique que l’on glisse dans la poche, et qui est devenu, pour certains, une extension de son propre soi. Nous nous sommes dit que nous avions une place à prendre pour y insérer la Bible, de manière que la parole de Dieu soit aussi intime que l’usage que l’on fait de son Keitai, de son téléphone portable. Il ne s’agissait pas de prendre la Bible pour en faire une app, ce qui existait déjà, il fallait y apporter une valeur ajoutée qui puisse guider le lecteur, jour après jour, dans la lecture de la Bible. Nous n’avons, cependant, pas réinventé la poudre puisque nous avons utilisé la liturgie de l’Église pour arriver à nos fins. Celle-ci répond à tous nos critères pour une lecture quotidienne. Elle propose les grands textes et donne au lecteur le loisir de les suivre jour après jour. En effet, la manière très didactique de proposer les textes de la Bible, par la liturgie de la messe, permet, justement, de se passer de la liturgie pour se concentrer sur les textes bibliques, même si, pour un chrétien assidu, il possède les textes de la messe dans sa poche. C’est ainsi que l’on fait d’une pierre deux coups : pouvoir lire « tous » les textes bibliques sur deux ou trois ans, et avoir un missel perpétuel disponible à tout moment, et même pour la messe ! Bien évidemment, « toute » la Bible n’est pas disponible dans Higotonofukuin, un tri est opéré afin de ne pas disperser le lecteur. Seuls les grands textes, les plus importants, sont mis à sa disposition. L’objectif est de ne pas le disperser dans une lecture fastidieuse pour le guider vers l’essentiel. S’il veut la lire systématiquement du début jusqu’à la fin, il pourra utiliser d’autres méthodes. N’oublions pas que la lecture systématique, voire studieuse, ne se substitue pas à la lecture priante, dans le métro, lors d’une pause au travail, dans son canapé ou à la messe, gratuitement. 日ごとの福音, Higotonofukuin, c’est une expression japonaise, en français, on dirait : « l’Évangile pour chaque jour ». Parce que c’est un service de l’Église japonaise. En japonais, il y a au moins deux sites qui proposent un service analogue en France et d’autres sites dans d’autres pays. Mais rien n’existait en japonais. C’est pourquoi mon ami Jacques, Français résidant au Japon depuis vingt-deux ans, et moi-même, nous avons décidé de mutualiser nos compétences en informatique et en liturgie pour développer ce projet. Alors que je rassemblais les textes et lui expliquais comment fonctionnait la liturgie, il a traduit mon jargon en code et a conçu le moteur qui permet d’avoir les bons textes aux bonnes dates. Nous avons construit le site qui porte le projet et conçu les courriers électroniques qui envoient, aux abonnés, chaque jour, le texte biblique correspondant, au nombre de 3 600 aujourd’hui. Avec les utilisateurs de X (anciennement Twitter), de Facebook, et du site lui-même, nous atteignons, aujourd’hui, plusieurs milliers de personnes quotidiennement. Dans un pays où les chrétiens sont une extrême minorité, c’est assez bien ! D’autant plus, que, mis à part les mises à jour à faire de temps en temps, le travail se fait, je dirais, sans nous. L’automatisation des tâches que permet l’informatique est utilisée intensivement : beaucoup de travail a été nécessaire au début de notre projet, ce qui nous permet, à présent, de réfléchir aux extensions possibles de celui-ci. Lorsque nous parlons d’extensions, il s’agit de services nouveaux qui viendraient se joindre à l’existant pour étoffer notre proposition.

L’un d’entre eux a fonctionné pendant un peu moins de trois ans, mais était circonstanciel. Alors que la crise de la Covid battait son plein, et que les églises étaient fermées, nous avons profité du nombre certain de nos abonnés pour filmer, en direct, la messe dominicale que je célébrais chez les Carmélites. De fil en aiguille, jusqu’à plus de 3 000 connexions, chaque dimanche, étaient constatées, les Églises rouvrant petit à petit à la fin de cette crise, le nombre des connexions s’est amenuisé jusqu’à la fermeture de ce service particulier.

Si ce service était circonstancié dans le temps, il en est deux autres, en gestation, qui nous semblent intéressants. En premier lieu, l’internationalisation de Higotonofukuin. Nous constatons que nous avons une solide infrastructure logicielle. Rien ne nous empêcherait de développer des versions dans des langues asiatiques différentes en utilisant la même structure. Le moteur a été développé une fois, le site est un bon cadre pour la présentation du service. Ils pourraient être réutilisés avec un minimum d’adaptation pour l’indonésien, le tagalog ou le chinois. Il nous faut, cependant, des partenariats afin de rassembler tous les textes nécessaires.

Ensuite, il faut bien reconnaître que nous sommes au XXIe siècle. Et que le « mobile » fait désormais partie de notre vie. Comme nous pouvons tout avoir, rassemblé dans notre poche en un seul appareil, nous rechignons à transporter de lourds bouquins pour dire l’office de l’Église. En conséquence, si l’office est accessible de manière dématérialisée, on le lira ; s’il ne l’est pas, on fera l’impasse dessus. Heureusement, il existe en japonais et c’est très bien. Mais alors, c’est bon, me direz-vous ? Eh bien non ! Il existe un office, qui n’existe  que sur des livres à part, donc qui n’est pas lu, qui n’existe pas dans la version japonaise en ligne et qui, lui, mérite d’être dématérialisé pour retrouver une nouvelle jeunesse. C’est l’office des lectures. Certes, il n’est pas obligatoire pour les clercs, mais il est fichtrement intéressant. En gros, il s’agit de la lecture priante, ou lectio divina, de psaumes, d’un texte biblique et d’un commentaire d’un des pères de l’Église. C’est une nouvelle occasion de lire la Bible, tout en ayant le commentaire autorisé de saint Augustin, de saint Cyrille d’Alexandrie ou de saint Jean Chrysostome : ça ne se refuse pas. L’office des lectures et devenu un office de spécialistes, de moines dans une abbaye. Pour le reste de la population, y compris les clercs, il a atteint le statut « deprecated », pour reprendre un terme informatique bien connu : « obsolète ». Il n’y a qu’une seule façon de le populariser à nouveau : qu’il soit mis en ligne. C’est ce que nous nous proposons de faire. À l’heure actuelle, trois quarts des textes ont été rassemblés. Encore un peu de travail : on arrive au bout. D’une revue ayant pour thème la Bible, ou « Comment la Bible est-elle proposée à la lecture dans le contexte particulier des pères des Missions Étrangères », en l’occurrence le Japon du XXIe siècle, nous avons vite fait de parler de la liturgie. Tout simplement parce que la liturgie est une proposition de lecture priante de la Bible. En engageant notre foi, la lecture systématique pour chaque jour est susceptible de porter un fruit savoureux. Et l’informatique ? C’est la cerise sur le gâteau !

 

P. François-Xavier Haure, MEP

 

 


CRÉDITS

Origenius