Aventures missionaire – Île Maurice
« Je rends au Seigneur ce qu’il m’a donné »
Publié le 13/06/2023
Cela fait bientôt trente-sept ans que je suis en pèlerinage en terre mauricienne. Comme l’a souligné le pape François lors de sa visite dans l’île, en 2019, la culture de la rencontre et la migration sont dans notre ADN. Ici, sur ce petit caillou aux mille visages, on a l’impression de voyager tout le temps tant les cultures et les religions y sont présentes. On se laisse facilement séduire par son peuple, ses paysages, ses plages, sans oublier sa cuisine très diverse. Après les études, j’ai entamé une carrière dans le journalisme avant de me retrouver à travailler pour le diocèse de Port-Louis. Depuis bientôt une dizaine d’années, j’accompagne des structures diocésaines tels que l’audiovisuel, les jeunes et les vocations au niveau de la communication. C’est une manière pour moi de rendre au Seigneur ce qu’il m’a donné. Engagé dans la paroisse Sainte-Thérèse à Curepipe, dans le centre du pays, j’aide, comme je peux, à porter l’animation liturgique et l’accompagnement des jeunes. Responsabilité qui m’a amené à croiser la route des jeunes volontaires MEP qui sont présents sur la paroisse depuis bientôt un an. Je suis émerveillé par l’enthousiasme des volontaires et des bénévoles. Mon coup de cœur reste le petit-déjeuner servi du lundi au vendredi aux enfants du quartier de Joachim et des alentours. Comme je le décris dans un de mes articles, avant il me fallait ouvrir une Revue MEP pour suivre les missions à l’étranger. Aujourd’hui, la mission se fait dans mon pays. Ce qui confirme que le Seigneur prend son temps et que Maurice demeure une terre de missions. La moitié du clergé local, qui compte environ une centaine de prêtres, est composée de missionnaires venus de l’étranger.
Les jeunes : la première mission
Derrière l’image de carte postale que Maurice peut projeter, comme dans toute société, la réalité est plus nuancée. L’île, indépendante depuis cinquante-cinq ans, a beau être éloignée de tout, elle ressent, néanmoins et parfois plus durement, les effets des crises qui secouent le monde. Augmentation du coût de la vie, fossé grandissant entre riches et pauvres, chômage, lutte contre la corruption, etc., les défis sont légion. À cela, il faut ajouter les effets du changement climatique qui mettent à mal les plus beaux atouts de notre pays, à savoir l’environnement, entre autres. En à peine cinquante ans, le pays est passé d’une économie centrée sur l’agriculture et le textile à un modèle résolument tourné vers les services. Malgré ce développement à vitesse grand V, matérialisé ces jours-ci par l’avènement du métro léger, la pauvreté reste présente. Premières victimes de cette triste réalité, les jeunes. Nombre d’entre eux sont au chômage et souvent analphabètes. Rejetés du système scolaire traditionnel, les jeunes sont souvent condamnés à un avenir incertain. Les plus vulnérables se retrouvent souvent piégés dans le trafic de drogues illégales. Autre fait qui interpelle, le rajeunissement de la population carcérale. Aspirant à une vie plus stable, beaucoup de jeunes Mauriciens quittent le pays.
Combattre l’échec scolaire
Présente dans le pays depuis trois cents ans, l’Église catholique mène un combat sans relâche pour lutter contre la misère et offrir de meilleures perspectives aux jeunes générations. L’Église compte plus d’une cinquantaine d’écoles ouvertes à tous les Mauriciens, peu importe leur situation sociale ou leur religion. Le diocèse de Port-Louis est un des principaux partenaires de l’État mauricien dans l’éducation, mais aussi dans l’éradication de la pauvreté. Pour contrecarrer l’échec scolaire, des centres d’éveil, à l’intention des tout-petits, ont été créés dans plusieurs paroisses. En parallèle, l’évêque de Port-Louis, le cardinal Maurice E. Piat met beaucoup d’accent sur la filière technique et professionnel comme porte de sortie pour ceux qui ne s’adaptent pas au système académique. Les encouragements du pape François, en 2019, à faire des jeunes « notre première mission » sont venus conforter l’Église dans sa mission auprès de la jeune génération.
Synode 2021-2023 : l’accueil et les jeunes, priorités de l’Église
L’Église, tout comme la société mauricienne, connaît aussi plein de mutations. Le nombre de prêtres diminue. Les laïcs sont davantage sollicités pour épauler le clergé. C’est déjà le synode pour une Église — communion, participation et mission — avant l’heure. De nouvelles pastorales sont aussi d’actualité pour rejoindre les jeunes là où ils sont. Avec la modernité et les impératifs du monde du travail, les jeunes disposent de moins de temps pour s’engager et ressentent le besoin de donner du sens à leur vie. C’est dans ce contexte que sont régulièrement proposés des parcours Alpha Jeunes ou encore Groupe 40, parcours d’initiation chrétienne à l’intention des jeunes entre 18 et 25 ans.
Maurice : laboratoire de l’interreligieux et de l’interculturalité
J’ai une grande prédilection pour le dialogue œcuménique et interreligieux. Dans un pays de peuplement tel que le mien, où les descendants d’Européens, Asiatiques et d’Africains se côtoient, construire des ponts est une grande richesse et est un impératif. Le challenge est d’assurer la paix et l’harmonie sociale. Les conditions sine qua non étant une bonne représentativité des différents groupes et croyances ainsi que l’élimination de toute forme de discrimination. Dixit le numéro deux du Vatican, Pietro Parolin, en marge de la visite apostolique de François, en 2019. L’Église occupe une part active dans cette culture de la rencontre avec son engagement au sein du Conseil des religions. Ce mouvement a vu le jour dans le sillage de troubles qui ont marqué notre jeune pays. L’histoire regorge malheureusement d’épisodes de heurts entre communautés ethniques et religieuses. Pour qu’elle ne se répète pas, pour qu’il n’y ait pas d’explosion dans ce laboratoire à ciel ouvert, le CoR travaille sans relâche. Sa dernière initiative est le lancement de l’aile jeune du Conseil des religions. Là encore, le « Marcher ensemble » encouragé par le pape François est un chemin à entreprendre. Car il ne suffit pas d’être à côté les uns des autres pour vivre ensemble, il s’agit aussi d’avancer ensemble en assumant nos différences. Ce sont des choses qui me tiennent à cœur et que je relève souvent dans les rendez-vous que je propose en télévision ou dans les colonnes des journaux papiers.
Voilà mon parcours et celui de mon pays. Pour reprendre un des refrains du regretté Henri Salvador, je serais tenté de dire : « Dans mon île… Ah ! Comme on est bien ! » Tels des veilleurs, il nous faut demeurer vigilants et s’engager pour préserver ce petit bout de paradis sur terre.
Rodney Coco, journaliste, chargé de communication du diocèse de Port-Louis
CRÉDITS
MEP