Aventures missionaire

La mission au temps du confinement

Publié le 04/02/2021




Le 29 décembre 2019, Florence de Morel quittait la France pour rejoindre la grande famille d’Howrah South Point, au Bengale. Elle était prête à vivre une grande aventure mais n’imaginait pas que sa mission serait bouleversée par un virus.
Revue Inde février 2021

Danse masquée

J’ai posé mes valises au centre des petits garçons en situation de handicap Mogradangi Home, dans le district de Jalpaiguri. J’ai eu la chance de rencontrer son fondateur, le père François Laborde, quelques jours après mon arrivée. Ma mission principale consistait à accompagner les special boys à l’école adaptée Manus Domini, qui se trouve dans le centre des filles Bakuabari Home. Après l’école, j’avais plusieurs activités : jouer avec les garçons, donner des cours d’informatique, éplucher des légumes… Au début, je ne savais pas exactement comment m’y prendre, la barrière de la langue ne facilitait pas les choses. Finalement, j’ai commencé à trouver mon rythme, mais cela n’a pas duré.

 

Confinement

Le 13 mars 2020, j’ai été invitée à passer le week-end à Bakuabari Home pour donner des cours d’informatique aux filles. Le vendredi matin, je partais avec les garçons à l’école avec un petit sac, pensant ne rester que quelques jours. Durant le week-end, le gouvernement a annoncé les premières mesures pour lutter contre le coronavirus et la fermeture des écoles. Mes élèves ne sont donc pas venus le lundi et je ne suis pas rentrée à Mogradangi. Cela fait donc maintenant neuf mois que j’habite avec les filles. Les premiers jours se sont bien passés. Les filles se retrouvaient à l’école sur le temps scolaire pour étudier. Je les aidais en anglais. L’après-midi, je donnais un cours d’informatique. Les filles ont commencé à confectionner des masques avec des bouts de tissus, des sacs, etc. Nous n’étions pas encore officiellement confinés, mais je n’avais déjà plus le droit de sortir et je devais prendre de la distance avec les filles. On ne parlait plus que du coronavirus, les big girls chantaient même « Corona Corona ». Les bâtiments ont été nettoyés un à un. Finalement, nous n’avons été officiellement déconfinés que le 31 mai. Mais nous sommes restés enfermés, de peur du virus. À la mi-juillet, le gouvernement a déclaré deux jours de confinement par semaine. C’était dur pour le moral. Je n’osais plus m’approcher des enfants, mais il fallait rester positive et vivre cette période sereinement. J’ai heureusement pu récupérer une partie de mes affaires. Cette atmosphère particulière n’a heureusement pas duré. Nous parlions beaucoup moins du virus, le soleil était au rendez-vous – très bon pour le moral – et surtout, je me suis dit que c’était dommage de me mettre à l’écart des enfants. Le centre étant fermé aux visiteurs depuis mars, il a fallu gérer une quarantaine de filles avec des effectifs réduits. Avec l’épidémie, il y a beaucoup moins d’intervenants extérieurs. Mais je reste prudente.

 

S’adapter à l’imprévu

J’ai donc dû m’adapter à la situation. Je suis en cuisine dès 6 heures pour préparer le petit-déjeuner. Mes journées sont ensuite bien remplies. J’aide pour les repas des plus jeunes et pour le coucher. J’apprends aux filles à se servir des logiciels. Pour qu’elles continuent à étudier, les professeurs envoient de nombreux documents audio ou vidéo sur WhatsApp. Je suis chargée de leur montrer les exercices et de transférer les vidéos sur l’ordinateur et son écran plus lisible que celui du téléphone. Je fais découvrir de nombreux films aux enfants. J’aide en anglais pendant l’étude du soir. Je suis même devenue DJ ! Tous les dimanches matin, les filles me réclament de la musique pour danser. Elles guettent mon arrivée et poussent des grands cris qui me touchent profondément. Les enfants ont des activités variées en plus des études : jardinage, danse, chant… Début mai, après un mois et demi sans sortir, j’ai eu le droit de retourner à Mogradangi. Je m’y suis rendue une fois par mois ensuite pour le rapport ou les questions informatiques. Je retrouvais ainsi les garçons avec beaucoup de joie. Depuis septembre, j’y vais deux fois par semaine pour donner des cours d’informatique aux professeurs de l’école. Malgré cette situation inédite, ma mission est très belle. J’ai appris à avoir confiance en moi et à me dépasser en étant seule volontaire sur mon terrain de mission. La Covid-19 m’a offert un magnifique cadeau : pouvoir passer autant de temps avec les enfants et les voir grandir. Les filles ont vraiment cherché à entrer en contact avec moi et à me parler. J’ai donc fait des progrès en bengali, peut-être plus rapidement que si ma mission s’était déroulée en temps normal.

 

Sourires

La Covid-19 n’enlève pas à ces fillettes la joie et les sourires qui illuminent mes journées. Certes, la période n’a pas toujours été facile pour les enfants qui ne pouvaient pas rentrer chez eux, mais j’ai essayé de les motiver et de les faire rire. Fin octobre, les enfants ont pu retourner dans leurs familles après un an au centre. À leur retour, ils sont restés deux semaines en quarantaine. Depuis mars, il n’y a plus de messe le dimanche. Je me nourris donc spirituellement de la lecture de la Bible. Bien que les enfants soient de confessions différentes (hindous, musulmans, chrétiens…), il y a une prière tous les soirs. Le père Laurent est venu un mois à Jalpaiguri en septembre et est revenu en novembre. J’ai donc eu la chance de pouvoir assister à la messe quotidienne qu’il célèbre en bengali. « La vie est un défi, relève-le », nous dit mère Teresa. Au début du confinement, j’ai décidé de rendre ma mission encore plus belle et j’ai réussi. Je suis très heureuse de pouvoir la prolonger de six mois. J’ai beaucoup d’admiration pour ces enfants qui, malgré leurs handicaps ont toujours le sourire aux lèvres. Cette joie omniprésente est une magnifique leçon de vie.

 

Florence de Morel, Volontaire MEP

 


CRÉDITS

F. de Morel