Aventures missionaire

Le travail et les valeurs dans la société nippone

Publié le 19/07/2023




La Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) a été fondée au Japon après la guerre, alors que le pays était encore sous l’occupation du General Headquarters (GHQ). Okae Tazuko, accompagnatrice du groupe JOC de Tokyo, nous livre son sentiment sur l’évolution des mentalités face à la valeur travail.

Le père Pierre Perrard, MEP, avec les jeunes de la JOC de Tokyo.

 

Dans les années 1960, l’économie japonaise s’est considérablement développée, le plan de doublement du revenu national a été lancé et la vie des travailleurs a commencé à changer. La richesse matérielle et les valeurs qui donnent la priorité à l’économie commencent à occuper les esprits. La JOC s’est développée de manière significative au cours de cette période de radicalisation du mouvement syndical japonais.

En 1999, suite à la loi permettant les emplois intérimaires, la précarité des jeunes s’est aggravée.

Les syndicats, qui sont censés protéger les droits et les intérêts des travailleurs, n’ont pas été en mesure de mener une opposition efficace, le déclin des effectifs syndicaux n’a pas été stoppé. De nombreux travailleurs n’ont donc eu d’autre choix que de lutter individuellement.

Les employés, à temps plein, ont été soumis à la pression des heures supplémentaires et du travail basé sur la performance. Les travailleurs, épuisés physiquement et mentalement, ont souffert de dépression, ce qui a entraîné une augmentation des décès et des suicides dus au surmenage.

Un travailleur sur trois est un travailleur à temps partiel, le nombre de travailleurs pauvres, même s’ils ont un emploi, augmente. La pauvreté empêche un nombre croissant de jeunes de se marier ou d’avoir des enfants, même s’ils le souhaitent. Ils n’ont pas l’espoir d’un avenir meilleur. Si leur santé se détériore, ils sont immédiatement contraints de vivre comme réfugiés dans des cafés internet (dans les gares, logement temporaire et très étroit) ou dans des refuges pour sans-abri. Seule une poignée de jeunes est en mesure de travailler dans un environnement stable.

Les jeunes qui n’ont pas de place chez eux cherchent un logement sur les sites de réseaux sociaux, mais sans sécurité suffisante. Certains vivent, pour quelque temps dans une chambre, prêtée bénévolement par des personnes du quartier.

Les jeunes en mauvaise santé ont du mal à travailler à temps plein et sont contraints d’occuper des emplois informels. Il leur est même difficile de subvenir à leurs besoins quotidiens, ils doivent surmonter un certain nombre d’obstacles avant d’atteindre le dernier filet de sécurité : l’aide sociale. Les jeunes qui pourraient travailler comme employés à plein temps sont contraints de travailler dans de mauvaises conditions, y compris de longues heures de travail, en raison d’une pénurie chronique de main-d’œuvre.

L’une des raisons pour lesquelles de nombreuses femmes japonaises quittent le marché du travail, en raison d’une grossesse ou d’un accouchement, est que les hommes prennent rarement un congé parental. Par conséquent, le fardeau retombe sur les femmes qui travaillent et qui sont incapables de concilier travail et garde d’enfants. La société, dans son ensemble, qu’il s’agisse des cadres ou des travailleurs, n’a pas réussi à s’affranchir de la division du travail en fonction du sexe. L’indice d’écart entre les sexes, dans le secteur économique du Japon, montre que les salaires des femmes représentent 60 % de ceux des hommes et que la proportion de femmes occupant des postes de direction est de 15 %, ce qui place le Japon au 116e rang sur 146 pays. Dire que le travail est une valeur ? Je ne le pense pas, une valeur telles que peuvent l’être la justice ou la fraternité, non, le travail est plutôt un moyen d’assurer une vie digne et humaine, une vie à la manière de Jésus.

Certains veulent continuer de travailler même après la retraite, pour gagner un peu d’argent mais surtout pour garder un lien social.

 

Le point de vue de la JOC sur l’évangélisation

Le mouvement JOC a une manière spécifique de vivre l’évangélisation.

Le père Cardin, qui a lancé la JOC en Belgique, considérait les jeunes au travail comme ses précieux compagnons. Il ne fermait pas les yeux sur leurs souffrances. Il a d’abord écouté les jeunes, il a été tragiquement affecté lui-même, par la situation désastreuse dans laquelle les jeunes se trouvaient. Il a réfléchi en profondeur, avec eux, sur les raisons pour lesquelles ils se trouvaient dans cette situation, et vu comment cela affectait leur vie.

Il est entré en contact avec les jeunes, non pas de l’extérieur, mais en écoutant chacun d’eux, avec son cœur. C’est exactement la façon d’être de Jésus avec les personnes de son temps.

La JOC est un mouvement de jeunes travailleurs, qui donne espoir, espère et construit une nouvelle société, un mouvement de jeunes travailleurs actifs, qui espère réaliser leurs désirs les plus profonds (le cri de leur cœur).

 

Les jeunes veulent vivre avec dignité

La JOC est un mouvement visant à créer une communauté dans laquelle les jeunes travailleurs peuvent partager tous les aspects de leur vie. Ils utilisent la « révision de la vie », le « voir-juger-agir », comme principal moyen de changer leur situation actuelle. En interrogeant leur propre conscience sur ce qu’ils doivent faire, la contradiction entre leur propre désir d’épanouissement et la réalité apparaît au grand jour, la motivation de leurs actions devient claire.

Sans cette motivation, les jeunes se découragent.

Il est également nécessaire de trouver les causes qui affectent leur vie. L’une d’entre elles concerne les structures économiques, politiques et culturelles.

Dans le « juger », terme qu’on n’emploierait plus aujourd’hui, on dirait plutôt : « réfléchir ». Il est important que chaque jeune arrive à penser par lui-même plutôt que de répéter des idées toutes faites. Les jeunes se réfèrent à la vie de Jésus et à l’image de l’homme présentée par la Bible.

La JOC est convaincue qu’à travers l’action et la « révision de vie » les jeunes grandissent en tant qu’êtres humains, travailleurs et chrétiens. Elle croit que l’évangélisation est le moyen pour chacun d’entre eux de devenir humain et de créer une société dans laquelle ils peuvent vivre ensemble.

 

de Okae Tazuko

 


CRÉDITS

MEP / F. Saint Eve