Vocation Missionnaire
Geoffroy : « J’aimerais être ce prêtre que Thérèse a voulu être »
Publié le 28/08/2020
Geoffroy, nous aimerions mieux te connaître. Peux-tu nous présenter ta jeunesse, ta famille, les personnes qui t’ont marqué ?
Je suis provençal. Mon père a été directeur d’entreprises, ma mère danseuse classique. J’ai été éduqué par une famille ou l’expression de la foi catholique est forte sans pour autant être pesante. J’ai été instruit dans un collège jésuite puis un lycée dominicain, sans que ne me saisisse jamais, pour autant, la particularité d’une vie dans la foi. Il n’y avait ni prêtres ni religieux dans ma famille ou mon cercle proche. Les trois figures paternelles qui m’ont profondément marqué sont trois laïcs. Mon père, par sa vie faite de charité chrétienne, José Bartolomeï, directeur alors de l’école Lacordaire à Marseille, qui m’a appris à me tourner vers le monde sous l’égide de la devise « réussir pour servir », puis Éric Zaouali, directeur de production dans l’industrie du cinéma qui m’a inculqué l’exigence du respect de chacun, jusque dans les moindres détails d’un travail qui aurait pu se prêter trop facilement à l’inverse. Si je sais que ces trois figures ont fait de moi un homme, je crois aussi qu’elles ont fait de moi un chrétien. Chacune a été pour moi un relais de l’amour que Dieu le Père porte sur chacun de nous.
Quels événements ont été déterminants dans ton cheminement ?
Sans doute les rencontres faites au sein de l’Ordre de Malte. En effet, bien que j’aie travaillé plus de dix ans comme intermittent sur des tournages de films à un rythme soutenu, j’ai eu la chance de pouvoir toujours dégager un peu de temps pour participer aux œuvres hospitalières de l’Ordre. Avec d’autres jeunes, nous aidions au pèlerinage annuel à Lourdes, à des camps de vacances internationaux pour jeunes handicapés ou diverses activités. J’y ai fait la rencontre de chrétiens habités par un esprit de service, transformant alors mon regard sur l’Église que je découvrais, pour le coup, être un lieu débordant de vie. Par la même occasion, s’est aussi opérée une rencontre très concrète du Christ à travers le visage de nos frères malades ou handicapés.
Bien que j’aie été heureux dans mon travail et ma vie sociale, j’ai eu soudain le désir de vivre au plus profond cette relation au Christ et à son Église. C’est la prière que Jésus adresse à son Père en Jean 17 (qualifiée par la tradition de « prière sacerdotale ») qui confortera ce désir et qui raffermira le regard que je pouvais porter sur le Christ, l’Église et l’humanité tout entière. Ce regard renouvelé me fera poser la question de devenir prêtre.
Comment es-tu arrivé aux MEP ?
La Providence ! Je connaissais les MEP de loin et j’en avais une image très biaisée. Il se trouve que, pour répondre à toutes ces questions vocationnelles que j’avais dans le cœur, j’ai voulu prendre un temps de discernement. J’ai approché les MEP sur un coup de tête pour leur demander de partir en volontariat un an, tout en étant accompagné par un prêtre. Les personnes chargées du service volontariat, inspirées, m’ont directement dirigé vers le responsable des vocations à qui j’exposais ce projet. À l’époque, c’était le Père Aymeric de Salvert. Il m’a alors dit avec beaucoup de calme que j’avais déjà pu faire l’expérience d’une vie de service avec l’Ordre de Malte et que j’avais déjà pu vivre de longs moments en Asie par mon travail. Alors, si je voulais discerner un appel, il y avait une maison au fond du jardin dans laquelle j’étais le bienvenu : la propédeutique MEP. C’était le matin. Le soir même, j’annonçais à ce directeur de production et ami déjà mentionné que j’arrêtais ce travail que j’aimais pourtant, afin de suivre cet appel.
Une année de relecture m’aura permis de comprendre que le Christ m’appelait à aller au-delà des frontières de ce qui m’avait déjà été donné, que cet Évangile qui devenait le centre de ma vie n’était pas fait pour rester à l’intra-muros de mon cœur ou de mon pays.
Tu te prépares à être ordonné diacre dans quelques jours. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
Comme un virage sur une route qui a sa cohérence et sa continuité. Petit, je voulais être gardien des eaux et forêts, adolescent, photographe de guerre, jeune adulte, j’ai exercé dans la production sur des tournages de films. Aujourd’hui je passe une vitesse, je poursuis cette vie qui a son étonnante logique.
Ces jours-ci, je pense particulièrement à la paroisse d’insertion qui m’accueille : Saint-Pierre de Montrouge (Paris XIVe). En effet, j’ai la chance d’avoir été confié́ pour ma formation au séminaire des Carmes[1]. Dans ce séminaire notre formation ne s’arrête pas avec l’ordination. Je vais être séminariste encore deux ans, un an comme diacre et un an comme prêtre, toujours supervisé par mes directeurs de séminaire et confié à cette paroisse dans laquelle je vais vivre sur place. Je me sens accompagné par l’institution et cette communauté paroissiale, c’est un sentiment très agréable. J’espère leur demeurer fidèle. Ce diaconat, c’est donc pour cette paroisse que je vais d’abord le vivre. Alors évidemment, je sais bien que je serai déjà en tension car j’aurai appris le pays dans lequel je vais être envoyé ad vitam deux ans plus tard. Cette idée de tension me plaît beaucoup, l’Évangile ne nous invite pas, je crois, à une vie qui se replie sur elle-même. La venue du Royaume nous met déjà tous en tension et cette situation particulière me fait apprécier de façon inédite l’invitation du Christ si étonnante à « être dans le monde sans être du monde ». La vie de chaque baptisé est dans une dynamique perpétuelle. Du moins c’est comme cela que je vis la mienne, et cela me permet de comprendre cette relation d’amour à laquelle Dieu nous invite chaque jour. La visée est plus grande, elle nous dépasse.
Alors que les diocèses de France manquent de prêtres, comment envisages-tu ta vocation aujourd’hui ?
Voilà une chose que j’ai souvent entendue en six ans. Et je me demande toujours… sous quelle autorité ou inspiration dit-on qu’il en manque ? Je ne sais pas. Ce que je sais c’est que je ne deviens pas prêtre pour combler un manque ou satisfaire notre logique humaine, mais par amour du Christ et des hommes.
Je viens d’un diocèse où il y a très peu de prêtres et je trouve cela terrible car je crois évidemment les prêtres nécessaires à l’Église. Cela dit, je crois aussi qu’une Église locale qui ne sortirait pas d’elle-même, dans une logique de don et de gratuité, vivrait un affaiblissement plus grave que ce manque de prêtres. Donc je ne m’inquiète pas, ni ne cherche à négocier avec cet appel si particulier que le Christ offre aux missionnaires.
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras[2]», dit le Christ au disciple désemparé de Le voir lui laver les pieds. Évacuer cette question d’un éventuel manque de prêtres, partir ad extra, ce n’est pas une fuite, c’est un acte de confiance.
Y a-t-il une figure de saint qui t’a particulièrement marqué ?
Thérèse de Lisieux est une sœur de prière plus douce que je n’aurais jamais osé l’espérer. Je suis par ailleurs sidéré du nombre et de la diversité des personnes qu’elle ne cesse de toucher. Elle voulait être beaucoup de choses, prêtre notamment. J’aimerais être ce prêtre que Thérèse a voulu être, un cœur qui sait parler aux plus souffrants, à ceux que nos manques d’amour condamnent, pour les faire se savoir infiniment aimés de Dieu. La simple radicalité de la vie d’Élisabeth de Hongrie, aussi, me donne souvent à prier. D’ailleurs le jour de mon ordination, lors de la prostration, je lui demanderai assistance, à elle qui, après s’être prostrée devant la croix, avait répondu à son accablante belle-mère : « Comment moi, misérable créature, puis-je continuer de porter une couronne de dignité terrestre, lorsque je vois Mon Roi Jésus Christ couronné d’épines ? »
Que dirais-tu à un jeune qui se pose la question de la vocation missionnaire ?
Ce qui te retient ne vient pas de Dieu.
Le mot de la fin ?
Les MEP sont une maison que j’aime profondément et par laquelle j’éprouve une grande joie de me mettre au service du Christ. Une maison qui est de toute évidence plus large que la communauté formée par ses prêtres missionnaires. Elle l’est par ces jeunes volontaires qui partent chaque année, par ces visages aimés et rencontrés à travers le monde au nom du Christ. Sans oublier les lecteurs de la revue ! Nada te turbe, nada te espante ; sólo Dios basta.
[1] Séminaire universitaire de l’Institut Catholique de Paris.
[2] Jn 13, 7
Propos recueillis par Sophie Agueh
CRÉDITS
Revue MEP