Lorsqu’il était jeune étudiant en droit, Jérémy pensait devenir notaire parce que « le notaire est présent pour les gens et les accompagne à chaque étape de la vie, les mariages, les obsèques… » Lors de son stage dans une étude notariale, il est conforté dans son projet d’études par le notaire qui lui fait cette étrange confidence : « Vous savez Jérémy, certains en disent plus à leur notaire qu’à leur curé ! »
Jérémy Favrelière est né le 26 septembre 1992 dans une famille d’éleveurs du bocage vendéen à Bressuire. Il est l’aîné d’une famille de cinq enfants. Ses parents possèdent des vaches et des moutons. Dans la campagne de la grande Vendée (dans le département des Deux-Sèvres), la foi catholique imprègne naturellement l’environnement. Chaque village alentour possède son école privée catholique, il ne découvrira que plus tard que c’est loin d’être le cas partout en France. Comme d’autres, Jérémy devient enfant de chœur. Parmi les personnes qui ont marqué son enfance, il cite spontanément sa grand- mère paternelle qui l’emmenait toujours à l’église « saluer le bon Dieu » avant d’aller au marché.
Il n’a pas 10 ans quand son curé, le Père Michel Fromenteau, lui demande s’il ne voudrait pas devenir prêtre. « Quelle drôle de question… », pense-t-il. Elle restera pourtant dans un coin de son cœur. Il y a eu plusieurs prêtres dans l’entourage de sa famille qui lui ont appris que Dieu est une personne à qui on peut parler.
L’âge des choix
À l’adolescence, Jérémy est fasciné par l’émission télévisée J’irai dormir chez vous qu’il regarde avec son père. La caméra suit l’animateur Antoine de Maximy à la rencontre des habitants à travers le monde. Cet aventurier passionné par l’humain nourrit ses propres rêves de voyage et d’aventure. Jérémy considère Antoine de Maximy comme un des modèles d’homme qui l’ont inspiré : « Son côté baroudeur, aventurier et surtout son aptitude aux rencontres m’ont plu. »
À l’âge de 16 ans, il prépare sa confirmation « pour faire comme ses amis ». C’est là qu’il se pose vraiment la question : « Et Dieu dans ma vie ? » Peu après, il part avec un groupe d’amis à Taizé. Le programme comporte une après-midi en silence avec un temps d’adoration ; « J’étais complètement étranger à l’adoration eucharistique, il n’y en avait pas dans ma paroisse », précise-t-il. Que faire d’un temps de silence si long ? Jérémy se retrouve devant le Saint-Sacrement et ne voit pas le temps passer. « C’est un moment où je me suis senti aimé de Dieu, vraiment en confiance. » Cet épisode est un tournant, il y fait l’expérience aimante de Dieu dans sa vie. À l’âge des grandes décisions d’orientation, comme pour tous les enfants d’agriculteurs, la question se pose de reprendre l’exploitation familiale mais il écarte ce projet. Jérémy souhaite aider les gens « à toutes les étapes de leur vie » et s’engage dans des études de droit pour devenir notaire. Mais la question de la prêtrise ressurgit sans qu’il sache encore comment y répondre.
Un appel qui revient
Ces années estudiantines sont intenses ! Il ressent vite que les études, trop théoriques, le font vivre dans une bulle, il désire être au contact des populations découvrir « des milieux qu’il ne connaît pas, accompagner les gens ». Jérémy s’engage donc en parallèle comme réserviste dans la gendarmerie : « La gendarmerie fait beaucoup de social, cette expérience a été très structurante pour moi. » Il comprend que ses études de droit ne le comblent pas, la question de la vocation revient de façon lancinante : « C’est une chose de ressentir l’appel, mais j’avais besoin d’un peu de temps pour y répondre. Je souhaite pourtant faire connaître autour de moi ce Dieu qui me comble. » Un ami lui parle du volontariat MEP, il décide de partir et obtient une convention de stage de son université. Il est envoyé en Malaisie pour six mois, dans un centre pour enfants défavorisés. En recevant sa destination, il doit vérifier sur la mappemonde où se trouve ce pays dont il ne sait rien.
Sur place, il est accueilli par le Père Pierre Bretaudeau, un des derniers missionnaires autorisés dans le pays. Il est confronté à la réalité très concrète, difficile de ces enfants dont la famille ne s’occupe pas. Il découvre également l’interreligieux dans ce centre de la société Saint-Vincent-de-Paul qui accueille des jeunes de toutes confessions. Il garde un souvenir très fort de ce pays et des liens avec les jeunes rencontrés là-bas. Au retour, Jérémy reprend ses études mais il a acquis cette fois la certitude qu’il fera une année de propédeutique à la rue du Bac. « Aux MEP, je me suis senti à ma place », dit-il simplement. Il écrit à ses parents pour leur annoncer qu’il veut devenir prêtre missionnaire, ceux-ci ne semblent pas surpris. L’année de propédeutique ne fait que confirmer cette sérénité intérieure, elle lui permet aussi de rester réserviste et d’avoir une année de transition avant de rentrer au séminaire.
Un terroir toujours au cœur
À l’issue de la propédeutique, il est envoyé au séminaire Saint-Sulpice. Le fils de paysan du bocage vendéen « qui ne connaissait pas Paris » s’amuse de se retrouver à descendre l’avenue de Saxe avec vue sur la tour Eiffel. « Ce qui me plaît aux MEP c’est que les missionnaires restent prêtres de leur diocèse, il y a un ancrage à sa terre d’origine. On n’est pas missionnaire pour soi-même, on s’inscrit dans l’histoire missionnaire d’une région », aime-t-il rappeler. En Malaisie, Jérémy avait remarqué que le Père Bretaudeau, vendéen comme lui, avait dans son bureau une photo de sa famille et une de l’église où il a été baptisé. Au séminaire, il découvre la philosophie mais aussi la réalité concrète des paroisses par les stages qu’il effectue. Au bout de deux ans, ilest envoyé aux États-Unis pour étudier la théologie à Baltimore. Il y plonge dans une réalité très différente dela France : un peuple en même temps mélangé et communautariste mais « les catholiques dénotent par rapport au reste de la population », précise-t-il. « Ils sont moins communautaires, la messe à la cathédrale de Baltimore rassemble des personnes de toutes origines ». Il s’occupe notamment du catéchuménat pour adultes. Au bout d’un an, il rentre en France, pour passer du temps dans son diocèse d’origine et mieux s’y enraciner. Il passe ses week-ends à Mirebeau, non loin de Poitiers, dans une paroisse rurale de 31 clochers : « Une paroisse pleine de projets et de belles choses à vivre ! »
Bien sûr, il y a parfois des interrogations « quand les amis se marient puis ont des enfants, on se dit “Et moi ? Je serais aussi un bon père de famille…” » Il en voit d’autres quitter le séminaire, d’autres ordonnés, c’est à chaque fois une source de réflexion. Et puis tous les scandales, qui sont des blessures pour l’Église… Par ailleurs, la question lui est posée de rester prêtre dans son diocèse. Il n’y est pas insensible, lui qui est si attaché à sa terre d’origine. Mais au final, les six années de séminaire lui semblent passer rapidement. Il a hâte de passer à une nouvelle étape, le séminaire n’est que pour un temps, et de témoigner aux Hommes de la présence de Dieu pour eux.
« Je suis disponible, assure-t-il, je ne sais pas où je vais atterrir, mais je fais confiance à l’Église. Même si je remets ma destination dans les mains d’autres personnes, je me sens libre. » Comme diacre, il devra déjà célébrer des mariages et des baptêmes « c’est ce à quoi j’aspire, être là pour les gens, au fil de leur vie, les accompagner et leur témoigner de la présence de Dieu. » Avant de conclure par ces mots tout simples : « J’essaierai d’aimer. »
Sophie Agueh
CRÉDITS
Revue MEP