L’intervention de Son Éminence le Cardinal Pietro Parolin
Monsieur le Président de la Conférence générale,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Madame la Directrice générale,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
A vous, Monsieur le Président de la Conférence générale, j’adresse les salutations les plus cordiales du Saint-Siège, et ses félicitations pour votre élection à la tête de cette session.
A vous, Madame la Directrice générale, je souhaite exprimer une reconnaissance particulière pour votre remarquable engagement en faveur de la paix, à travers l’éducation, la culture et la science. Je désire réaffirmer en ce lieu l’estime que porte le Pape François à l’organisation que vous dirigez et qui, depuis bien 75 ans, ne cesse d’œuvrer et de promouvoir une culture de la rencontre entre les peuples, avec la conviction que seule la paix permet d’envisager un futur plus prospère pour tous.
En cette période encore tristement marquée par la pandémie, la possibilité de reprendre en présentiel les échanges sur les défis de l’humanité, constitue «la grande opportunité de montrer que, par essence, nous sommes frères, [et] l’opportunité d’être d’autres bons samaritains qui prennent sur eux-mêmes la douleur des échecs »1, en générant de nouveaux processus et transformations.
- Repartir d’une éducation inclusive et de qualité
Repartons du cri des nouvelles générations. Il « met en lumière l’exigence et, à la fois, l’opportunité stimulante d’un cheminement éducatif renouvelé, qui ne détourne pas le regard en favorisant de lourdes injustices sociales, des violations des droits, de profondes pauvretés et des rejets humains »2.
La pandémie de Covid-19 a interrompu l’instruction pour plus d’un milliard d’enfants dans le monde. A ce propos, les plans de relance, autant que les actions en faveur de l’Agenda 2030, devront accorder une attention particulière à l’éducation comme à un facteur fondamental et un catalyseur du développement durable, qui ne laisse personne de côté.
En ce sens, les appels réitérés du Pape François en faveur d’un Pacte Educatif Global voudraient être un signe concret de la disponibilité du Saint-Siège pour raviver «l’engagement pour et avec les jeunes générations, en renouvelant la passion d’une éducation plus ouverte et plus inclusive, capable d’une écoute patiente, d’un dialogue constructif et d’une compréhension mutuelle »3. A cela s’ajoute l’œuvre inlassable de nombreuses écoles, universités et institutions éducatives catholiques présentes dans le monde, à travers lesquelles le Saint-Siège continuera d’exercer son rôle pour garantir à toutes et à tous un accès à une éducation de qualité, qui soit pleinement respectueuse de la dignité de la personne humaine et de notre vocation commune à la fraternité.
A l’appui de ces intentions, nous serons heureux de déposer dans les prochains jours l’instrument de ratification de la Convention mondiale sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur. Cela permettra au Saint-Siège de s’engager plus concrètement comme partenaire international, en offrant aux Etats sa propre contribution pour améliorer la qualité de l’éducation.
- Éducation à l’écologie intégrale
Par ailleurs, tout effort visant à promouvoir une éducation de qualité est destiné à l’échec s’il se limite à fournir exclusivement un ensemble de connaissances techniques. En ce sens, l’UNESCO n’a pas manqué d’affirmer son engagement propre pour une approche de l’éducation et de l’apprentissage qui dépasse les dichotomies traditionnelles entre les aspects cognitifs, émotionnels et éthiques.4 Il s’agira donc de s’efforcer de favoriser une formation humaine complète : de l’intelligence, siège de la connaissance; du cœur, siège des valeurs et des choix moraux ; et des mains, symbole de l’action.5
Pour sa part, le Pape François insiste sur le besoin d’une «nouvelle approche écologique qui transforme notre façon d’habiter le monde, nos styles de vie, notre relation avec les ressources de la terre et, en général, notre manière de regarder l’homme et de vivre notre vie». De fait, seule «une écologie humaine intégrale, qui implique non seulement les questions environnementales, mais l’homme dans sa totalité, devient capable d’écouter le cri des pauvres et d’être le ferment d’une nouvelle société».6
Pour renforcer les interconnexions entre l’éducation et la sauvegarde de la maison commune, le Saint-Père, de concert avec le Patriarche Œcuménique de Constantinople, a voulu inaugurer, le 7 octobre dernier, un Département d’Études sur l’Écologie et l’Environnement au sein de l’université Pontificale du Latran. Et grâce à l’accord souscrit par le Pape François et par Madame Azoulay, sera instituée au sein de ce nouveau parcours académique une Chaire UNESCO sur l’avenir de l’Education à la durabilité7.
Affirmer une vision intégrale de la vie et du monde signifie admettre qu’ «il n’y a pas d’écologie sans une anthropologie adéquate »8. Tel est le défi qui s’impose aujourd’hui avec force devant l’évolution des capacités techniques.
S’il est indéniable que « le développement technique nous a permis de résoudre des problèmes encore insurmontables il y a quelques années »9, il est aussi vrai qu’il a pu produire « un enchantement dangereux: au lieu de remettre à la vie humaine les instruments qui en améliorent le soin, on court le risque de remettre la vie à la logique des dispositifs qui décident de sa valeur »10.
Pour le Saint-Siège, « reste valable le principe que tout ce qui est techniquement possible ou faisable n’est pas de ce fait éthiquement acceptable »11. Pour pouvoir parler correctement d’une éthique de l’intelligence artificielle, il sera donc nécessaire que le développement de chaque algorithme s’inscrive toujours dans une vision «algoréthique »12 visant à comprendre, en dernière analyse, «ce que signifient, dans ce contexte, l’intelligence, la conscience, l’émotivité, l’intentionnalité affective et l’autonomie de l’agir moral »13.
Par conséquent, le Saint-Siège se positionne en faveur d’une intelligence artificielle qui serve chaque personne et l’humanité dans son ensemble ; qui respecte la dignité de la personne humaine, afin que chaque individu puisse bénéficier des progrès de la technologie ; et qui n’ait pas comme objectif unique un meilleur profit ou la substitution graduelle des personnes dans les lieux de travail.
L’Église n’attend pas de la science qu’elle suive seulement les principes éthiques. Elle l’encourage à rendre un service positif, que nous pouvons appeler avec Saint Paul VI la « charité du savoir »14. Il y a là une belle possibilité de dialogue avec les principes sous-tendus à ladite Science Ouverte. De fait, pour le Saint-Siège aussi il est nécessaire que «la recherche scientifique mette ses indications au service de tous, en recherchant toujours de nouvelles formes de collaboration, de partage des résultats et d’élaboration de réseaux ».15 «De cette manière, on évitera que l’avenir ajoute de nouvelles inégalités basées sur la connaissance et augmente l’écart entre les riches et les pauvres »16.
- Le patrimoine culturel de la foi
La science et la technologie nous ont aidé à repousser les limites de la connaissance de la nature, et en particulier de l’être humain. Mais elles ne suffisent pas par elles seules à donner toutes les réponses. Aujourd’hui nous réalisons toujours davantage combien il est nécessaire de puiser dans les trésors de la sagesse contenus dans les traditions religieuses, la littérature et les arts, qui touchent en profondeur au mystère de l’existence humaine, sans oublier, ou même en redécouvrant ces contenues dans la philosophie et la théologie.
A cet égard, je désire remercier l’UNESCO pour avoir inscrit à la biennale des anniversaires 2022-2023 quelques figures de saints comme Thérèse de Lisieux et Nersès le Gracieux. Leur témoignage nous laisse une trace de l’inestimable patrimoine chrétien qui a marqué la formation socioculturelle de l’humanité. Mais il est aussi une invitation à considérer la dimension transcendante de la vie pour cultiver ensemble le rêve d’un humanisme solidaire.
Je vous remercie.
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1 François, Lettre Encyclique Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale, 3 octobre 2020, n.77.
2 François, Message Vidéo à l’occasion de la Rencontre organisée par la Congrégation pour l’Education Catholique : « Global Compact On Education. Together To Look Beyond », Université Pontificale du Latran, 15 octobre 2020.
3 François, Message à l’occasion du lancement du Pacte Educatif, 12 septembre 2019.
4 Cf. UNESCO, Rethinking Education : Towards a global common good ?, Paris, 2015, p. 39.
5 Cf. Table Ronde Interdicastérielle du Saint-Siège sur l’Écologie Intégrale, En chemin pour le soin de la maison commune. Cinq ans après Laudato si’, LEV, 31 mai 2020, pp 46 et 53.
6 François, Message Video à l’occasion du Lancement de la Plateforme d’action Laudato si’, 25 mai 2021.
7 Cf. François, Discours à l’occasion de l’Acte Académique pour l’institution du Cycle d’études en écologie et environnement. Soin de la maison commune et Sauvegarde de notre création » et de la Chaire UNESCO « sur l’avenir de l’éducation à la durabilité », 7 octobre 2021.
8 François, Lettre Encyclique Laudato si’ sur la Sauvegarde de la Maison commune, 24 mai 2015, n.118.
9 François, Discours aux Participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 25 février 2019.
10 Ibid.
11 François, Discours Aux Participants à l’Assemblée Plénière du Conseil Pontifical de la Culture, 18 novembre 2017.
12 Cf. François, Discours aux Participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 28 février 2020.
13 François, Discours aux Participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale pour la Vie, 25 février 2019.
14 Paul VI, Discours aux participants à la semaine d’étude de l’Académie Pontificale des Sciences sur les « Forces moléculaires », 23 avril 1966.
15 François, Message vidéo à l’occasion de la Rencontre internationale « La science pour la Paix », 2 juillet 2021.
16 François, Discours Aux Participants à l’Assemblée Plénière du Conseil Pontifical de la Culture,18 novembre 2017.
CRÉDITS
Délégation du Saint-Siège auprès de l’UNESCO