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« Mes amis hindous ont beaucoup contribué à me faire voir la nouveauté du Christ », P. Yann Vagneux
Publié le 20/10/2022
Article Famille Chrétienne, du 20 octobre 2022, de Clotilde Hamon
L’été indien étire sa lumière sur le doux jardin des Missions étrangères de Paris, d’où sont partis tant de prêtres pour évangéliser l’Asie, parfois au prix de leur vie. C’est là que nous retrouvons le Père Yann Vagneux qui s’apprête à rejoindre son peuple de Bénarès, où il vit depuis douze ans. On voit bien qu’il a hâte, que sa vie est là-bas, au bord du Gange, dans le quartier sacré de la cité millénaire, où le prêtre vit principalement avec des hindous et des musulmans. En cette Semaine missionnaire mondiale, il nous éclaire :
« Dans l’hindouisme, le dieu Ganesh à tête d’éléphant ou la déesse Kali, un peu sanglante, avec tous ses bras, nous paraissent très étranges. En Inde, on voit tout de suite que l’autre est extrêmement différent. Mais si l’on reste en surplomb, si l’on ne s’intéresse pas à lui, si l’on pense qu’il n’y a que nous qui pouvons lui apporter quelque chose et qu’il n’a rien à nous dire, alors il n’y aura pas de relation, donc pas de mission. »
« On ne rencontre jamais une religion par ses maladies, on la rencontre par ses sommets »
Dans la hantise de voir disparaître le christianisme de notre Occident spirituellement à bout de souffle, cette ouverture à l’autre qui témoigne de « l’amour du Christ à tout homme, toute culture, tout pays » vient heurter l’idée parfois trop simpliste que l’on se fait de l’évangélisation. Comme partout en Orient, la présence chrétienne est le seul espace de dialogue entre les religions locales souvent antagonistes, mais aussi de liberté intérieure. « Contrairement aux autres monothéismes, le Dieu unique des chrétiens est en trois Personnes. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit auraient pu rester bien tranquilles dans leur amour éternel et leur béatitude incommensurable, mais Ils ont pris le risque de l’autre, en créant le monde où nous sommes promis à entrer définitivement dans cet amour. Sacré risque. »
Cette relation entre les Trois et avec le monde est le cœur du mystère chrétien, rappelle le Père Yann, qui a fait sa thèse en théologie sur le mystère trinitaire dans la pensée de Jules Monchanin, prêtre lyonnais parti en Inde en 1939. « On ne rencontre jamais une religion par ses maladies, on la rencontre par ses sommets. Si je ne vois que de la violence dans l’islam et l’hindouisme, on peut me rétorquer que le christianisme n’est qu’une bande de prêtres pédophiles », dit-il, sans naïveté sur les points de rupture et les attentats terroristes, sans syncrétisme qui nie l’identité des personnes et des religions, et empêche chacun de comprendre qui il est en se confrontant à l’altérité. « Mes amis hindous ont beaucoup contribué à me faire voir la nouveauté du Christ. Dans un monde uniquement catholique, on peut s’habituer et ne plus s’émerveiller. Cette ouverture ne peut se faire que dans un enracinement au plus profond de la Tradition catholique, la mystique et la théologie, sauf à devenir une simple ONG comme ne cesse de le dire le pape François, ou bien à rester dans la nostalgie, le repli et la peur. »
Enfant de la Grande Chartreuse qui a troqué les Alpes pour les Himalayas, où il vient marcher chaque année, loin du bruit, de la pollution et de la chaleur de la cité surpeuplée, Yann Vagneux aime l’Église pèlerine. « Nous n’aimons pas ce qui nous déplace, mais les Apôtres ont pris le risque des routes, de la rencontre, du choc des cultures, dans la confiance et le discernement pour voir où nous conduit l’Esprit. »
Ses maîtres spirituels :
Origène, Augustin, Thérèse de Lisieux, Zundel, Balthasar… Des citations et des textes époustouflants, avec ses propres photos où visages et paysages indiens, invitent à la contemplation. Yann Vagneux donne son viatique pour entrer dans la prière, atteignant un rare niveau de profondeur.
Chemins de prière, par Yann Vagneux, Magnificat, 19,90 €.
de Clotilde Hamon