DÉPARTS II

La photographie fait son apparition aux Missions Etrangères en1850. À partir de cette date, les partants sont systématiquement photographiés avant de quitter le séminaire, soit en portrait individuels soit par groupe de départs, les « bateaux ». Mais qu’en est-il de ceux qui sont partis avant ? Quel souvenir garde-t-on d’eux, quelle image peut-on en proposer?

Pour les martyrs officiels de la première moitié du XIX° siècle, des portraits ont été dessinés ou peints de mémoire, en même temps que l’on recueillait leurs reliques, leurs effets personnels et leur correspondance dans la perspective d’un procès de béatification. Mais il ne reste aucune trace, à part quelques lettres, des protos- martyrs des XVII° et XVIII° siècles, ni de ceux qui moururent violemment, mais sans témoins et sans gloire, à cette époque. Comment donc, sinon en les citant, évoquer le souvenir de :

Antoine Hainques et Pierre Brindeau, empoisonnés en Cochinchine en 1670 ; Antoine Monestier et Pierre de Lespinay, morts en déportation au Siam en 1690 ; Jean Genoud et Jean Joret jetés à la mer près d’Ava en 1693 ; Pierre Langlois mort en prison à Hué en 1700 ; Antoine Dupuy et Jacques Querville, massacrés à Socotora en 1760 ; Etienne Devaut et Joseph Delpon, morts en prison à Pékin en 1785 ; Paul Souviron, mort en prison à Canton en 1792 ; Jean-Baptiste Rabeau jeté à la mer au Bengale en 1810 ; Jean Bérard et Jean Vallon, empoisonnés dans l’île de Nias, en 1832.

Période du développement de la photographie et de la propagande missionnaire, le milieu du XIX° siècle correspond aussi à une augmentation très sensible du nombre des partants. De 1660 à 1789, on compte 243 départs, soit 2 à 3 par an. Puis, de 1790 à 1815, années de fermeture du Séminaire durant la Révolution et l’Empire, 23 départs en 25 ans. Six départs en 1820, cinq ans après la réouverture, 12 en 1830, 31 en 1860, 62 en 1889 et 73 en 1898, année record.

Une baisse sensible précède la période de la guerre de 14-18, avec 30 départs en 1913. Douze missionnaires seulement partiront au cours des quatre années du conflit durant lequel beaucoup seront mobilisés et rappelés en Europe, et treize mourront au front. Les effectifs remontent ensuite doucement avec 17 départs en 1920, 24 en 1932 et une moyenne de 50 par ans entre 1945 et 1949. La crise post-conciliaire fait fondre les effectifs : 15 départs en 1966, 8 en 1970, zéro de 1978 à 1984 et une remontée depuis avec une moyenne de un ou deux départs par an.

La courbe des missionnaires tués en fonction est sensiblement différente : 13 entre 1670 et 1800, 76 au XIX° siècle parmi lesquels on compte les 22 martyrs canonisés, victimes des grandes persécutions de 1815 à 1866, et 88 au XX° siècle dont 61 entre 1945 et 1975, les trente années les plus meurtrières de l’histoire de la Société des Missions Etrangères.