Vicariat apostolique de Phnom Penh : chronique Covid-19 (annexe)
Comment ne pas nous rappeler les quelques pages merveilleuses de l’histoire de l’Église pour nous encourager ? La nouvelle communauté chrétienne s’organisant et se partageant les tâches, les apôtres priant et annonçant la Parole de Dieu, les sept s’occupant de la charité… C’était il y a 2 000 ans, dans un contexte difficile de suspicions et de persécutions envers les disciples de Jésus.
Nous sommes dans les années trente après J-C… Puis cette Église va partir avec les Apôtres de Jérusalem, vers le pourtour de la Méditerranée et jusqu’à Rome. Plus elle s’éloigne de son milieu d’origine, la religion et la culture juives, plus elle se trouve en milieu « étranger » et donc hostile. Il y aura le concile de Jérusalem en 41, pour décider des conditions d’accueil des non-juifs. Durant l’incendie de Rome en 64, les chrétiens sont accusés et persécutés de plus belle : martyres de Pierre et de Paul, jeux du cirque avec des chrétiens donnés en pâture aux bêtes sauvages… Les chrétiens s’organisent et prient dans les maisons – la première Domus Ecclesiae retrouvée date de 241, mais il y en a eu tant et tant d’autres qui n’existent plus aujourd’hui ! Les premiers chrétiens célèbrent les « agapes fraternelles » dans les catacombes, là où ils enterrent leurs morts… Ils y peignent des fresques sur les murs : des scènes de l’Ancien Testament et des signes chrétiens : le poisson, le paon, l’ancre et la première représentation de la Vierge à l’Enfant… De véritables catéchèses pour les nouveaux convertis… Sous terre !
Au Japon (extraits d’une homélie du 10 mai 2020) :
1587 : décret, peu appliqué, d’expulsion des missionnaires
1597 : les 26 martyrs de Nagasaki
1612 : interdictions du christianisme (40 000 morts)
1637 : les « Fumie » avec des images de la Vierge et du Christ, qu’il fallait fouler pour renier sa foi, jusqu’en 1873, sans prêtres ni religieuses ! Dans la forêt, sur les îles de Gotto et autour de Nagasaki, des petits autels Shinto sont décorés de signes chrétiens, avec Marie camouflée en déesse Kannon, et avec la prière du notre Père, le Salve et la formule du baptême… 250 ans après, la 7e génération de chrétiens a été retrouvée par Mgr Petitjean : ils étaient 10 000 !
Au Cambodge :
La petite communauté chrétienne Khmère s’organise pendant la guerre civile :
1970-1975 : la charité, la prière
14 avril 1975 : Mgr Ramousse ordonne prêtre le père Joseph Salas, le premier évêque Cambodgien, sous le tir des roquettes
17 avril 1975 : Mgr Salas, les pères Salem et Comeau et quelques chrétiens partent vers Tangkauk. Mgr Salas se fait enrôler dans les équipes mobiles, ce qui lui permet d’avoir des rencontres fortuites avec quelques chrétiens : un sourire, un regard du pasteur pour ses brebis. Il célèbre la messe déguisée en repas sur un lit… Puis la mort, les camps de réfugiés, les hosties consacrées qui passent en contrebande depuis les camps de Thaïlande vers le Cambodge dans des petites boites de pellicules pour photos. L’Église en a vu d’autres !
Premier Appel : Dimanche de la Divine Miséricorde : soyons proactifs dans la charité, inventive à l’infini ! (Extraits de l’homélie du dimanche 19 avril)
Ce matin, alors que l’Église nous invite à célébrer la Miséricorde de Dieu, que Jésus est avec nous et donne sa paix, je lance un appel pour que dans les prochains jours, nous soyons des témoins concrets et actifs de cette Paix :
- Continuons à prier quotidiennement : lire la Parole de Dieu, suivre la messe, prier le chapelet. C’est la source de notre action, de notre paix… La rencontre personnelle avec Jésus qui vient nous visiter. Nous allons continuer de célébrer des messes et des prières quotidiennes en « live »… Mais il faut penser absolument à ceux qui n’ont pas accès à Internet ! Imprimez la Parole de Dieu : l’Évangile, les Actes des Apôtres, et distribuez-la ! Le mercredi 22, j’aurai une vidéoconférence avec les prêtres du vicariat pour mieux coordonner ces actions.
- Éducation Catholique : J’invite tous ceux qui ont la charge d’écoles maternelles et primaires à mettre en place un système de suivi pour les institutrices des écoles maternelles… En particulier dans les villages où la circulation est plus simple. Nos enfants ne peuvent pas rester à ne rien faire pendant encore plusieurs semaines ! Imaginez des moyens concrets. Pour les collèges et lycées, renforcez le suivi quotidien du « e-learning » là où cela fonctionne. L’Institut Saint-Paul se prépare à un enseignement à distance pour les étudiants.
- Au Service de catéchèse et biblique de Phnom Penh, je demande en urgence que nous ayons des activités à distance pour les catéchumènes, et tous ceux qui suivent la catéchèse régulièrement et qui ont accès à ces moyens… Si pour les écoles, nous faisons de grands efforts, ne nous pouvons pas abandonner ceux qui sont catéchisés. Une fois par semaine, chaque catéchiste doit rassembler ceux qui suivent le catéchisme en « live » … Si ce n’est pas possible, on peut préparer une leçon qui sera distribuée comme on distribue les cours aux enfants des écoles primaires.
- Pastorale des jeunes et des enfants : Chaque week-end, une action peut être lancée en ligne pour les responsables jeunes, les chefs scouts, et tous les jeunes qui ont accès aux moyens de communication : formations, échanges, débats, partages des informations et des documents diocésains, prière de Taizé… Les chefs scouts ont décidé d’aider les plus jeunes à lire et à écrire alors qu’ils ne peuvent plus aller à l’école depuis de longues semaines.
- Un grand élan de charité doit naître de ce dimanche de la Miséricorde dans tout le Vicariat…
Je pense évidemment à nos ONG catholiques, au CCHS, mais je demande que dans chaque secteur pastoral, nous ayons de petites actions concrètes. Partout des initiatives ont jailli dans le vicariat, ce sera l’objet d’une autre chronique : « La vie gagne toujours ! »
Deuxième Appel : 3e dimanche de Pâques : que des apôtres se lèvent ! (Extraits de l’homélie du 26 avril 2020).
L’Esprit de Jésus ressuscité qui souffle sur nous n’a pas peur du Covid-19… Pour en témoigner, nous ne devons pas avoir peur non plus. Nous suivons les directives du gouvernement depuis le 17 mars et nous continuons d’être attentifs et de suivre les recommandations du ministère de la Santé, qui nous demande d’être extrêmement vigilants malgré le fait qu’il n’y ait pas de nouveaux cas et un taux de guérison de 95 %. Je demande à tous les prêtres, congrégations religieuses et chrétiens de ne pas relâcher la vigilance. Par contre, Jésus nous brûle le cœur et ce feu nous embrase pour que nous proclamions le nom de Jésus. C’est le temps de l’écoute, du partage de la Parole et du service de nos frères et sœurs. Aussi, ce matin, solennellement, j’invite chaque baptisé, chaque catéchiste, chaque parrain et marraine à s’engager corps et âme dans sa mission d’apôtre ! Que faisaient les premières communautés ? Prière, écoute de l’enseignement des Apôtres, c’est-à-dire de la Parole de Dieu et en particulier de la vie de Jésus, et service des frères.
Levons-nous à travers le vicariat, pour que chacun, au cours de cette semaine, rencontre un catéchumène voisin, un jeune qui avait l’habitude de participer à la vie de la paroisse le dimanche, un voisin chrétien qui n’a pas de moyens de suivre la messe par Internet ou qui ne sait pas lire, et aille prier avec lui dans sa maison, lire ou raconter la parole de Dieu, et partager autour de cette Parole qui éclaire la vie d’aujourd’hui. Chers frères prêtres, chers sœurs et frères religieux, laïcs missionnaires, chers catéchistes : préparez vos troupes d’apôtres ! Là où vous êtes, qu’aucun catéchisé, jeune ou fidèle qui n’a pas accès aux moyens de communication ou qui ne sait pas lire, ne soit oublié.
Troisième appel : 4e dimanche de Pâques : les baptisés doivent pouvoir avoir accès à l’Eucharistie, Pain de Vie ! (Extraits de l’homélie du 10 mai).
Cela va faire deux mois que nous ne nous pouvons pas nous rassembler, que nous prions comme nous le pouvons à la maison, dans le secret de notre cœur, et que certains suivent les liturgies par les médias sociaux… Cependant, le baptisé ne peut pas vivre sans l’Eucharistie ! Nous devons nous organiser, car cette situation risque de se prolonger plusieurs semaines encore. Ce matin, j’appelle les chrétiens et les prêtres du vicariat de Phnom Penh, à la lumière de l’Esprit, à réfléchir, prier et s’entraider. Ainsi, dans les villes et les villages, des Domus Ecclesiae peuvent naître ; des petits groupes, avec des listes pour que personne ne soit oublié, peuvent s’organiser tout en respectant les règles sanitaires. Aucun évêque ne peut interdire de célébrer l’Eucharistie, et a fortiori, aucun pouvoir terrestre ne peut l’interdire non plus. Chers frères prêtres, chers frères et sœurs, chacun a soif du Pain de Vie, que l’Eucharistie soit célébrée, que nos frères et sœurs baptisés s’approchent de la Table du Seigneur !
« Aidez-moi, Seigneur »
Durant le week-end de prière pour les vocations (2 et 3 mai 2020), je suis allé sur la plus haute montagne du vicariat, le Bokor (1 054 m), où une chapelle a été construite dans les années 1930 et n’a pas été détruite sous le régime khmer rouge. J’y ai prié pour les vocations et béni le Cambodge et son Église avec le Saint Sacrement. Belle expérience de la rencontre de Dieu avec son Peuple à travers cette bénédiction ! Nous avons aussi vécu une expérience très forte de la communion spirituelle à travers tout le vicariat, lors d’une retraite pour les prêtres par vidéo, lors de la 92e nuit de prière pour les vocations avec les congrégations religieuses (durant la nuit du 6 mai), et le 13 mai, lors de la célébration de Notre-Dame de Fatima et de la consécration de notre Église à Tangkauk sur la Terre de nos martyrs du Cambodge. Tous ces évènements spirituels d’une forte intensité et ont été retransmis en direct, bien au-delà du petit milieu de l’Église catholique.
Ensemble, avec la force de l’Esprit, nous essayons de vivre en communion avec le monde qui souffre, avec l’Église universelle et surtout entre nous dans le vicariat. Nous sommes une grande famille que Jésus a choisie, et nous vivons cette expérience spéciale de l’amitié spirituelle, car Jésus nous l’a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, désormais je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ! » (Jean 13) Au service du Royaume et du bien commun, nous essayons, en ce temps de Covid-19, d’ancrer plus profondément notre foi dans nos vies et dans notre société. Alors que des heures difficiles s’annoncent pour tant de familles sans travail et sans revenus, ici au Cambodge et partout dans le monde, prions avec Sœur Faustine : « Aidez-moi, Seigneur, pour que mon oreille soit miséricordieuse, afin que je me penche sur les besoins de mon prochain et ne reste pas indifférente à ses douleurs ni à ses plaintes. Aidez-moi, Seigneur, pour que ma langue soit miséricordieuse, afin que je ne dise jamais de mal de mon prochain, mais que j’aie pour chacun une parole de consolation et de pardon. Aidez-moi, Seigneur, pour que mes mains soient miséricordieuses et remplies de bonnes actions, afin que je sache faire du bien à mon prochain et prendre sur moi les tâches les plus lourdes et les plus déplaisantes. Aidez-moi, Seigneur, pour que mes pieds soient miséricordieux, pour me hâter au secours de mon prochain, en dominant ma propre fatigue et ma lassitude. Mon véritable repos est dans le service rendu à mon prochain. »