Aventures missionaire

Esprit de Dieu qui nous surprend

Publié le 07/09/2020




Les semaines d’isolement et de solitude que nous vivons sont un temps de mémoire. À cette occasion, le Père Michel Arro, arrivé à Singapour en 1957, témoigne d’un « sourire du Seigneur », avec l’arrivée de Caroline à la paroisse Sainte-Thérèse.
MEP Missions Etrangères de Paris

La cathédrale de Singapour

Caroline est une dame chinoise dans la cinquantaine, secrétaire de direction dans un bureau qui importe des huiles essentielles. Elle visite régulièrement son gymnase et est heureuse au volant de sa voiture. Célibataire, elle vit dans un grand ensemble au douzième étage et fait volontiers un saut en Thaïlande, à Bangkok, pour le week-end, deux ou trois fois par an. Au programme : shopping et restaurants.

Membre du conseil paroissial, elle est pleine d’allant. Il faut des résultats et l’Esprit de créativité l’inspire. Esprit de créativité, esprit qui nous surprend.

 

Un parcours spécial

Approchant de la trentaine, Caroline se débattait avec la vie. À la maison, sa mère, selon une tradition bien chinoise, s’occupe en priorité de ses fils. Caroline et sa sœur n’étaient guère acceptées et reconnues. Colère et frustration la rendaient difficile et agressive dans ses relations avec les autres. Manifestant son désir de liberté et d’indépendance, elle avait quitté la demeure familiale et louait une chambre dans un grand ensemble de Tampines New Town. Mais que faire pendant le week-end ? Elle ne connaissait personne, mangeait toute seule dans un petit centre commercial, dormait…

Un dimanche après-midi, vers seize heures, elle décida de sortir. Elle monte dans le premier autobus qui s’arrête sans s’inquiéter de la direction et, au bout de vingt minutes, décide de descendre sans savoir où elle se trouve.

Elle prend alors un escalier qui mène à un quartier de maisons individuelles joliment fleuries et arrive sur le parking d’une église. La religion, pour elle, c’est l’inconnu et l’inutile…

Un groupe de gens était là, semblant très animés, très à l’aise les uns avec les autres, causant, riant. Caroline les observe et l’un d’entre eux vient vers elle avec un chaleureux sourire : « Soyez la bienvenue, nous commençons aujourd’hui notre nouveau parcours en vue du baptême. Vous venez au bon moment ! » Et, doucement, il l’invite à le suivre dans une salle, sous l’église, où il y avait déjà une cinquantaine de personnes. Il l’introduit alors à plusieurs qui lui expliquent le pourquoi de cette réunion. Elle ne comprend guère ce qui se passe mais se laisse guider. Pourquoi pas ? Elle n’a rien d’autre à faire. Elle se sent à l’aise parmi ces gens et ce qu’elle entend l’intéresse. « Au revoir, à la semaine prochaine », lui dit-on.

 

Une nouvelle famille

Oui mais, huit jours après, elle hésite. À quoi ça sert ? Un coup de téléphone l’invite à revenir. Alors pourquoi pas. Rester dans sa chambre à regarder la télévision ? Elle en a plus qu’assez !

Elle y revient et elle y prend goût. Elle pose des questions, quelqu’un l’accompagne. Après environ deux mois, on lui demande : « Veux-tu continuer ? » C’est le rite de l’accueil. Sans y réfléchir plus que ça, elle dit oui. Il y a bien des points où elle n’est pas d’accord, en particulier sur la question du prochain et du pardon. Elle argue et se débat, mais en même temps elle apprend à prier et Jésus devient réel. Il y a quelqu’un dans sa vie. Elle se sent à l’aise avec les prêtres qui donnent la catéchèse et plusieurs fois les rencontres personnellement. Oui, mais tous ces gens à l’église sont-ils sincères. Certains ne semblent pas être des modèles ! Il y en a qui l’indispose. On arrive au premier dimanche de carême, le rite de l’élection. « Te sens-tu prête au baptême ? »Elle est tentée d’attendre un an de plus. « Le catéchuménat a-t-il apporté quelque chose de nouveau dans ta vie ? » « Oui je prends du temps pour prier, je ne suis pas si souvent en colère avec mes collègues, et puis j’ai quelques fois visité ma mère. » Les blessures du passé sont toujours là, mais il y a du nouveau. Alors ? C’est le point de non-retour et, après un week-end de récollection, elle dit oui, avec toute sa fougue. Les semaines menant à Pâques avec leurs prières de purification l’aident à accepter son besoin de purification, elle se sent neuve, vivante et faisant partie d’une famille. C’est le baptême et la confirmation, elle se sent proche de sa marraine qu’elle a choisie.

 

Le grain de sénevé grandit toujours.

Les années passent. Caroline est bien vivante et fidèle même dans les épreuves, elle sert dans divers ministères de la paroisse. Elle reste toujours exigeante pour elle-même, c’est son caractère, mais est patiente envers les autres, les écoute et est toujours prête à accompagner et aider. Plusieurs fois elle a suivi des catéchumènes dans leur parcours vers le baptême et accepté d’être marraine. La rencontrer est toujours tonique et une bonne discussion sur un sujet controversé montre qu’elle veut continuer à grandir. Sa mère approche de ses 90 ans et elle la visite plus souvent, même s’il y a encore des tensions.

Merci Seigneur pour Caroline et le chemin que tu lui as fait suivre. L’Esprit qui surprend. Merci Caroline !

 

Père Michel Arro, MEP

 


CRÉDITS

revue MEP